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Etablissement des Cartes nationales d’identité burkinabè : Pas aussi facile que dans les spots publicitaires

Publié le lundi 10 septembre 2007 à 07h45min

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En lançant l’opération « Burkina identité » le 2 août 2007, l’Office national d’identification (ONI) ambitionne de doter tous les Burkinabè de la nouvelle carte d’identité. Un mois après le lancement de l’opération, des difficultés sont constatées sur le terrain.

Il est 7 heures 50 mn ce vendredi 31 août 2007. Le Commissariat central de police de Ouagadougou connaît une affluence. Ceux qui sont venus pour se faire établir la nouvelle carte d’identité ont formé une longue file d’attente devant un bureau. A l’intérieur, un monsieur était en train d’examiner une liste de noms. Est-ce la liste de ceux qui bénéficient de l’établissement de leur carte en ce jour-ci ?

Avons-nous voulu savoir. Mais notre hôte a catégoriquement refusé de nous donner le moindre bout d’information relative à la collecte des données pour l’établissement des CNIB. Dehors, Pascal Tapsoba, venu (pour la quatrième fois) se faire établir une carte nationale d’identité burkinabè explique : « Je suis venu vers 2 heures 45 mn du matin avec ma femme pour faire notre CNIB. Les autres fois, nous sommes arrivés au commissariat entre 4 heures et 6 heures du matin mais nous n’avons jamais réussi à nous faire enregistrer sur la liste ».

La raison, poursuit-il, est que les agents chargés de la collecte des données ne prennent que 20 à 50 personnes par jour. Celles qui n’ont pas eu la chance d’être retenues sont obligées de revenir le lendemain. Visiblement mécontentes de leur sort, certaines personnes dans le rang se plaignent : « Moi je suis là depuis 1 heure du matin », s’écrie un jeune homme. « Ils (Ndlr : les agents de collecte de données nous laissent traîner dans le rang jusqu’à 8 heures 30 mn avant de sortir prendre quelques-uns d’entre nous », a déclaré Martin Zongo. Selon lui des gens viennent souvent s’infiltrer dans les locaux pour se faire enregistrer sans passer par le rang.

Patrick Djigma, lui ne comprend pas qu’on lui dise que son ancienne carte ne puisse pas servir à l’établissement de la CNIB alors qu’elle est citée parmi les pièces demandées pour la circonstance. Comme nous n’avons pas eu au commissariat central d’agent de collecte disposé à nous éclairer sur ces difficultés, nous avons mis le cap non sans regret sur le commissariat de police de Bogodogo. 8 heures 15 mn, les portes dudit commissariat sont hermétiquement closes. Les citoyens attendent l’ouverture des locaux pour y entrer. La plupart d’entre eux sont là, qui pour des légalisations, qui pour des retraits de CNIB. Nous apprenons que l’enregistrement des données pour l’établissement des cartes ne se fait que les lundi et jeudi dans ce commissariat.

Edouard Ouattara, un retraité nous confie être venu pour le retrait de sa carte d’identité. « Cela fait plus de trois semaines que je n’arrive pas à entrer en possession de ma carte d’identité. Je devais avoir accès à ma pension depuis le 17 août 2007 mais faute de CNIB je suis obligé d’attendre », a-t-il indiqué tout en nourrissant l’espoir d’avoir sa carte ce vendredi 31 août 2007. Une autre personne regrette la disparition de l’ancienne CIB au regard des difficultés endurées dans l’établissement de la nouvelle. Une fois de plus, nous n’avons pas pu échanger avec un seul membre de l’équipe de collecte des données.
Nous décidons alors de nous rendre à la maison-mère des CNIB, l’Office national d’identification (ONI).

Enfin des explications de source

En route pour l’Office nous avons fait une escale au commissariat de police de Ouaga 2000 situé à quelques mètres de l’ONI !

Deux agents chargés de la collecte des données, Abdoul Wouhabou Ouédraogo et Joseph Tiendrébéogo acceptent se prêter à nos questions. Ils reconnaissent que l’affluence est au rendez-vous mais qu’ils arrivent tant bien que mal à satisfaire tout le monde. « Nous collectons les données lundi, mercredi et vendredi en raison de 50 personnes par jour, ce qui fait en gros 150 personnes par semaine », a laissé entendre M. Ouédraogo. A la question de savoir s’ils ne peuvent pas enregistrer plus, ils avancent que les fiches sont délicates à remplir. Il faut beaucoup d’attention pour le faire. Pour éviter de commettre des erreurs, ils sont obligés de prendre un nombre assez limité.

Odile Compaoré, venue pour l’établissement de sa CNIB, affirme ignorer l’inscription préalable sur la liste. Mais elle a tout de même pu occuper la 38e place. A 9 heures, la dernière ligne droite de notre tournée nous conduit au siège de l’ONI sis à Ouaga 2000. Le directeur de l’ONI, Pierre Tiendrébéogo se dit comblé de l’intérêt manifesté par la population pour la nouvelle carte d’identité. Il reconnaît d’emblée que ses structures font face à des problèmes de gestion de la demande car l’offre technique est insuffisante. « C’est en nous organisant mieux avec les structures existantes que tout le monde trouvera son compte », a-t-il ajouté. Monsieur Tiendrébéogo nous a expliqué que certaines anciennes CIB ne comportent pas toutes les références de l’extrait d’acte de naissance, d’où parfois l’exigence de l’extrait-même ou d’autres papiers d’identité en vue de la confection de la CNIB. Selon lui, une concertation des acteurs est en cours pour mieux satisfaire la population. « Tout début est difficile », a-t-il déclaré, avant d’expliquer que la lenteur des agents collecteurs au sein des commissariats est liée à un souci de mieux maîtriser la procédure de remplissage des fiches ».

Le directeur général a, par ailleurs, sollicité l’indulgence de la population pendant cette période d’adaptation des agents collecteurs, en attendant une meilleure gestion de la forte demande. Il se dit également ouvert aux suggestions et aux propositions des uns et des autres. Les provinces du Boulkiemdé, du Nahouri, du Zoundwéogo, de la Léraba et du Kénédougou vont accueillir les agents de l’ONI dans le mois de septembre 2007 pour la suite de l’opération « Burkina identité ».

Abdoulaye SERE
Karim BADOLO
(Stagiaires)


Du matériel sous exploité !
Notre passage à l’ONI nous a permis de visiter le centre de production des CNIB au sein de l’Office. Une installation très perfectionnée avec du matériel et des équipements modernes et très sécurisés. La capacité de production de ce centre serait de 8000 à 10 000 CNIB par jour avec un personnel qualifié. Le paradoxe est que les responsables du centre disent n’avoir jamais excédé le nombre de 800 cartes par jour.

Comment comprendre qu’un centre aussi perfectionné (avec du matériel chèrement acquis) soit exploité à moins de 10% de sa capacité ? Pendant ce temps, les commissariats ne prennent que 20 à 50 demandes par jour ? A quoi servira un tel dispositif de production si la matière (des demandes de production de cartes) vient à compte-gouttes ?

Cette sous-exploitation du Centre de production signifie, à notre avis, que l’ONI doit prendre des dispositions pour permettre d’enregistrer le maximum de personnes soit en créant d’autres Centres de collecte des données (CCD)), soit en augmentant le nombre d’agents de collecteurs des CCD. C’est à ce prix que le Centre de production atteindra sa capacité optimale de production (8000 à 10 000) cartes/jour pour faire de l’opération « Burkina identité » un succès.

A coup de publicité (coûteuses) l’ONI a réuni la première phase de son opération : à savoir mobiliser la population. Si la phase de production ne pose pas de problème, la plaie de l’opération serait alors les CCD situés dans les commissariats ; si rien n’est fait à ce niveau, il est à craindre que l’ONI ne rate sa mission.

Abdoulaye SERE (Stagiaire)

Sidwaya

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