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Innondations : La ville de Banh presque rasée par les eaux

Publié le jeudi 16 août 2007 à 07h29min

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Tel le Tsunami vécu par les philippins, les eaux des pluies diluviennes des 5 et 6 août 2007 ont ravagé tout sur leur passage dans les villages de la commune rurale de Banh et plusieurs autres localités de la province du Loroum.

A la faveur du retrait partiel des eaux, les membres du COPROSUR se sont rendus le 11 août 2007 dans cette partie coupée pendant plus d’une semaine du reste du monde. Retour sur une catastrophe qui a fait des milliers de victimes.

« Nous n’avons jamais vu de telles eaux » ces propos d’un octogénaire du village de Signoguin dans la commune de Titao et relayé par Sidwaya plus du 11 au 12 août 2007 semble être le refrain le plus partagé par les populations de la province du Loroum suite à ces pluies diluviennes. Au total une vingtaine de villages sont touchés avec plus de 6000 personnes sans abris sinistrés. Les villages les plus touchés sont Pellaboukou, Derpon, Guilan, Solobo, Bongla, Andékanda dans la commune de Titao. Dans la commune rurale de Banh plusieurs localités sont profondément touchées. Il s’agit notamment de Banh, Lossa, Banwela, Bani, Ségué Foulgo, Zaye.

A Bahn, localité située à une soixantaine de kilomètres de Titao où le retrait partiel des eaux nous a permis de saisir la réalité des faits, c’est un spectacle désolant qui s’offre aux yeux. Des concessions entières dans les décombres, des quartiers entiers rasés, des logements administratifs emportés par les eaux. L’on se croirait dans sur un champ de bataille après le passage de la « marée ». A l’école A de Banh, trois logements et 6 latrines transformés en mottes de terre, des tables banc profondément mouillés, des manuels scolaires détruits à plus de 90%. Les classes ont été transformées en salle de séchage de documents en vue de récupérer quelques livres.

La totalité du reliquat des vivres scolaires fournis par l’ONG CATHWEL ont été entièrement endommagés. « Rien n’a pu être récupéré sauf quelques boîtes d’huile. L’eau avait entièrement englouti les vivres. Ils ne pouvaient plus être consommés et nous étions obligés de les offrir aux porcs. » nous confie Diadié Tamboura, président APE de l’école, visiblement meurtri par la situation. Dans le magasin, quelques matériels des enseignants de l’école retirés des décombres. Un peu plus loin, le quartier autochtone, complètement méconnaissable.

Des morceaux de bois pêle-mêle pris dans les mottes de terre, des débris de briques témoignent de l’existence de logement en certains endroits. Aucun habitat ne reste encore dressé sur une superficie de plus d’une trentaine d’hectares. Dans la concession d’une des personnalités très connue sur la scène nationale, tout est démoli. Seule la tombe de son défunt père reste encore visible. Dans la concession d’à côté, les rares espaces où il y a encore des signes d’habitat, des maisons profondément fendillées qui n’attendent certainement qu’une dernière pluie pour céder.

La seule plateforme multifonctionnelle a été profondément endommagé. « C’est le seul point qui soulageait les habitants de la localité. Elle permettait de moudre les céréales, de charger les batteries et d’alimenter les postes de soudure. Actuellement les femmes sont obligées de retourner aux meules. » souligne avec amertume monsieur Boukary BARY, maire de Banh. Hormis quelques fontaines, il n’y a plus de point d’eau potable. Tous les puits ont été inondés. Il n’est plus besoin d’utiliser une puisette, avec une simple calebasse, l’on enlevé l’eau du puit.

A Banwela, une localité située à 7 km de Banh, il est 12h35 quand nous arrivions sur les lieux. Aucune présence humaine sur les lieux. Le village a été complètement rasé par les eaux. Un peu plus loin des habitats spontanés faits de pailles ou des bâches en plastique noir. Du matériel de cuisine et des nattes en plein air. Le vieux Kagoné Idrissa témoigne : « il a commencé à pleuvoir de 2 heures du matin à 20 heures. Tout le village a été pris d’assaut par les eaux. Les maisons ont commencé à tomber. Nous n’avons pas pu sauver que quelques couchettes et ustensiles. Les greniers sont partis avec tout ce qu’ils contiennent. Nous n’avons plus rien à manger. Même pas d’eau potable à boire. »

Pour le vieux Kagoné qui a aménagé sous des habitats de fortune à quelques centaines de mètres de sa concession hors d’usage, plusieurs habitants ont trouvé refuge dans les villages voisins et dans les champs de culture où certain dorme à la belle étoile sous un froid glacial. Madame Kagoné, la main bandée, peut-être une blessure due aux écroulements des maisons, souffre énormément de mal de main. Difficile d’avoir des soins, le centre de santé de Banh étant difficilement joignable.

Plusieurs autres localités sont dans cette situation, confirme un locataire de la mairie de Banh. Bani, une autre localité située à une trentaine de kilomètres de Banh, reste toujours plongé dans les eaux à en croire le Maire de Banh. « L’eau a fini par stagner et l’espoir d’avoir des abris est de plus en plus mince. Les puits y sont complètement inondés et le problème d’eau se pose avec acuité » soutient-il. Difficile d’y accéder, les voies de communication étant complètement immergé.

Des dégâts matériels importants

Dans la seule commune rurale de Banh, les sinistrés se comptent par milliers et les dégâts matériels sont importants : 588 maisons écroulées, 358 greniers emportés avec les provisions, 2995 personnes sans abris selon les statistiques de la municipalité. Des chiffres susceptibles d’évoluer au regard de l’état des logis épargnés. Les services techniques de l’agriculture sont assez pessimistes quant à l’état des plants. Pour monsieur Coulibaly Maliki, chef de Zone d’Aménagement Agricole de Banh, on estime à plus de 6000 ha la superficie inondés soit 200 ha de culture.

Les spéculations les plus concernées sont le niébé, le sorgho et le mil. Toutes les zones situées le long du cours d’eau de Andékanda sont concernées par les inondations. Pour le responsable départemental des ressources animales, monsieur Teby Charles, la volaille des zones touchées a été presque entièrement ravagée. Une dizaine de bovins sont morts ou emportés par les eaux. « La quasi-totalité des manuels scolaires, 03 salles de classe, 6 latrines et des vivres scolaires ont été endommagées dans la seule ville de Banh. A l’échelle communale, il faut évaluer à des centaines d’élèves qui ont perdu complètement leurs cahiers et livres. » confirme un agent de l’inspection d’Enseignement de Base de Banh.

Les provisions céréalières ont été entièrement emportées par les eaux. Sur le site, du mil en train de germer. Le problème d’eau potable se pose avec acuité. La plupart des puits ont été complètement inondés et l’eau demeure impropre à la consommation. La ville de Banh a été rasée au 2/3. La route départementale N°83 récemment construite a été profondément laminée et reste impraticable en plusieurs endroits. Des pertes d’argent sont signalées. Des arbres déracinés par ci et par là.

Des problèmes de santé se profilent à l’horizon

Les populations sinistrées sont actuellement entassées dans les salles de classe du CEG de Banh. A la mairie de Banh, des locaux non encore réceptionnés, ils sont environ 300 sinistrés, hommes, femmes et enfants à partager au quotidien les mêmes réalités de la malnutrition, du froid, des moustiques et des serpents. Amsatou Cissé affirme avoir tout perdu dans les inondations. « Je n’ai pas pu récupérer une seule graine de mil. Nous n’avons rien à manger. Nous avons faim. » Suite à ces sinistres, les autorités sanitaires craignent un risque d’épidémie de cholera et des maladies diarrhéiques.

La malnutrition risque surtout d’aggraver ces problèmes chez les enfants. Le nombre d’infections palustre a connu une recrudescence cette semaine et les risques de morsure de serpent sont à craindre selon un agent de santé de Banh. A Banwela des problèmes de santé liés à la consommation d’eau de bas-fonds sont signalés. Des problèmes qui restent aggravés par l’inaccessibilité des centres de santé et les conditions précaires de vie de ces populations. Pour le Médecin chef du district sanitaire de Titao, monsieur Abdoulaye PORGO, le besoin en médicaments de première nécessité, en désinfectants, en matériel de couchage, en moustiquaires et surtout en tentes et en couvertures s’avère pressant pour parer au pire.

Des dotations en deçà des besoins

Une dotation de 10 t de maïs, 03 t de riz, 2 t de dattes, 200 couverts, 200 nattes, etc. a été octroyé le 9 août à la province du Loroum. Un premier geste de solidarité accueilli favorablement par les populations mais qui reste largement en deçà des besoins face à une population sinistrée, sans abris et sans provisions, estimée à plus de 6000 personnes. Les salles de classes, les locaux de la mairie, de l’inspection primaire de Banh sont entièrement débordés. A Pellaboukou, Banwela, Banh, Bani plusieurs personnes passent la nuit à la belle étoile en ces temps de pluies et de froid hivernal.

Plusieurs nourrissons sans eaux potables. La situation est plus que « désolante. Il faut inviter la population à une solidarité interne agissante en ces genres de circonstance. Il faut encore des vivres, des médicaments et des tentes pour parer à l’urgence. » a souligné monsieur Maxime BOUDA, Haut Commissaire de la province du Loroum qui est venu apporter à ces sinistrés le soutien de l’administration.

Abdoul Salam OUARMA
AIB/Titao


Aux grands maus, les grands remedes

La nationale N°23 reliant la ville de Ouahigouya à celle de Djibo en passant par Titao mérite un regard plus appuyé. A chaque saison pluvieuse, les populations des localités desservies par cette voie vivent des situations difficiles. Si ce n’est pas un radié qui est entièrement pris par les eaux, c’est une digue qui menace de céder. Cette année encore, il a fallu de très peu pour que des usagers soient emportées par les eaux.

Les candidats aux concours directs de la fonction publique ont fait le pied de grue aux abords du barrage de Tougou pour pouvoir se rendre à Ouahigouya dans la nuit du 5 au 6 août 2007. Le barrage de Tougou menace de céder. Sur la digue il ne reste plus que trois mètres pour juste laisser passer charrettes et petits véhicules.

Aucun gros porteur n’ose s’aventurer. Des guides se chargent d’aider les usagers pour traverser le radié monnayant des sommes assez fortes. Pour venir à Titao, il vous faut emprunter deux véhicules : le premier se limitant à Tougou et le deuxième faisant le relais avec Titao. Il est grands temps de penser à la réfection complète et sérieuse de cet axe routier et consolider les ouvrages hydrauliques pour soulager les nombreux usagers.

Abdoul Salam OUARMA

Sidwaya

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