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Divagation des animaux : Un phénomène très dangereux à Dédougou

Publié le lundi 15 janvier 2007 à 06h39min

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La divagation des animaux domestiques est un fléau dans la ville de Dédougou. A longueur de journée et en toute saison, on rencontre les moutons, les ânes, les chèvres et les porcs dans toutes les artères de la ville, et même au marché. De même, ces animaux domestiques s’invitent à toutes les cérémonies organisées à la place de l’ancienne gare.

Outre l’insécurité routière permanente provoquée par ces animaux en divagation, d’autres conséquences néfastes sont engendrées par ce phénomène qui constitue une infraction. La divagation des animaux est un danger pour l’homme et pour l’environnement. Comment juguler le fléau dans cette ville carrefour, chef-lieu de région, de province et de commune ? Les avis des Bankuivillois sont partagés.

C’est une vendeuse de céréales qui n’avait que ses yeux pour pleurer que nous avons rencontrée au marché central de Dédougou le 4 janvier dernier. Des moutons venaient de brouter une quantité non négligeable de son stock de céréale en vente. Le préjudice subi serait de l’ordre de 4 000 francs CFA. "Nous subissons régulièrement les effets de la divagation. A la moindre inattention, les animaux commettent des dégâts. Nous accusons le silence coupable des autorités qui ne font rien pour juguler le phénomène", nous a confié la victime.

A quelque 100 mètres de la vendeuse de céréales, c’est une vendeuse de fruits et légumes qui, sous la colère, injuriait et maudissait le propriétaire des animaux qui venaient de renverser ses tomates et ses choux. A côté d’elle, une femme a tenu ces propos : "Nous faisons le marché avec les animaux. Si ce n’est à Dédougou, je n’ai jamais vu ça et j’espère que votre article va contribuer à sensibiliser et à faire prendre conscience aux éleveurs des conséquences néfastes de la divagation." Selon des techniciens de l’environnement, la divagation des animaux est une perpétuation de pratiques traditionnelles qui ne tiennent pas compte de l’évolution de la société.

Malgré les multiples campagnes de sensibilisation, le phénomène va grandissant. Ce qui a fait dire à Clément Bicaba, ancien haut-commissaire du Sourou, que la divagation des animaux est une violation des efforts menés par l’Etat depuis la révolution. "On ne compte plus dans la ville les accidents graves ou mortels occasionnés par les animaux abandonnés à eux-mêmes", dit-il, avant de conclure qu’après plus de deux décennies la sensibilisation est terminée.

La compromission des aménagements des espaces verts et de l’embellissement des lieux publics, l’insécurité routière, les dégâts matériels, la mort et / ou le vol de l’animal sont, entre autres, les conséquences néfastes de la divagation des animaux dans les zones urbaines. La divagation des animaux est liée au mode d’élevage. Certains éleveurs ne se préoccupent pas de l’alimentation de leurs animaux. Il y a des éleveurs qui abandonnent leur cheptel seul en pâturage. L’article 260 du code forestier punit ceux qui laissent divaguer les animaux dans les forêts non ouvertes à leur pâturage.

Selon Ousmane Ouédraogo, préfet de Dédougou, la divagation des animaux peut être le fait d’une mauvaise surveillance, d’une négligence de la part du gardien, ou d’un acte volontaire de laisser, par exemple, les animaux ravager les récoltes sur pied ou engrangées. Le propriétaire des animaux est responsable, sur le plan civil, du fait des animaux, comme l’indique l’article 1385 du code civil. Il est alors interdit de laisser divaguer sur les voies publiques un quelconque animal, et d’y laisser à l’abandon des bêtes de trait, de charge ou de selle, et tout animal errant sur la voie publique sera conduit sans délai à la fourrière.

Pour le directeur provincial de l’Environnement et du Cadre de vie du Mouhoun, la lutte contre le phénomène implique trois axes. La sensibilisation, la répression et la formation. "Il faut développer des stratégies de communication pour inverser les comportements. Chaque éleveur devrait avoir le réflexe de protection des biens d’autrui (nature ...), dit-il. Si certains Bankuivillois accusent le silence coupable des autorités communales, le président de la commission environnement et développement local du conseil municipal s’en défend. Selon Mahama Traoré, des opérations de capture et d’abattage sont organisées de façons sporadiques.

Qu’à cela ne tienne, ces actions n’influencent outre mesure le phénomène. "Des opérations de grandes envergures pourraient être menées dans les mois à venir", nous a confié Mahama Traoré, qui reconnaît que la lutte contre la divagation des animaux est complexe à Dédougou. "Nous ne pouvons pas continuer à être victime de ce fléau", renchérit Alphonse Kondé, qui a été victime d’une double fracture en 2005 causée par un porc en divagation. "Il faut agir sans faiblesse et sans complaisance", dit-il, avant de proposer qu’on oblige les propriétaires à enfermer leur cheptel en ville, ou à abattre systématiquement tout animal en divagation.

S’il est vrai que la divagation des animaux a des conséquences néfastes sur l’homme et sur la nature, il n’en demeure pas moins que le mauvais traitement de l’animal peut vous conduire devant les juridictions. La solution définitive de la divagation pourrait être trouvée avec la communalisation intégrale. Avec les trois zones (habitation, production et protection), l’élevage des animaux devrait faire l’objet d’une autorisation délivrée par l’autorité municipale.

En attendant, le Dr Bè Palm, directeur régional des Ressources animales, propose non seulement des actions de sensibilisation visant le changement de mentalités, mais aussi et surtout la réduction de l’effectif du cheptel, la pratique de la fauche et le gardiennage. Au-delà de l’insécurité routière permanente et des dégâts matériels du faite de la divagation des animaux, les producteurs gagneraient, eux-mêmes, à prendre beaucoup plus soin de leur cheptel, car ils éviteraient, par exemple, la mort des animaux qui n’hésitent pas à ingérer les sachets plastiques, ou le vol.

En effet, les délinquants connaissent les périodes favorables au vol des animaux qui sont en pâture et sans garde. De nombreux vols d’animaux sont enregistrés pendant la période de décembre à juin. Selon un homme de droit, ces voleurs bénéficient de circonstances atténuantes du fait de l’excuse de provocation.

Par Serge COULIBALY

Le Pays

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