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Le football, nouvel opium ?

Publié le mardi 14 février 2006 à 06h59min

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La xxvème Coupe d’Afrique des Nations de football a baissé rideaux, le vendredi dernier, avec le sacre des Pharaons d’Egypte. Vingt et un jours de chevauchées ont tenu en haleine toute la communauté des mordus du ballon rond et même ceux pour qui il n’existe aucune raison valable de voir vingt deux “ gaillards ” courir derrière une boule en cuir. Fût-elle un ballon.

Trois semaines durant lesquelles donc, toute l’actualité n’était que ...football. Moments de répit pour les dirigeants de ces pays engagés vers le sacre ?

On ne saurait le dire. Mais lorsque en Côte d’Ivoire, réuni à Yamoussoukro pour un séminaire, le gouvernement est obligé d’interrompre à partir de quinze heures pour permettre aux séminaristes de suivre le match qui met aux prises les Eléphants, l’équipe nationale ivoirienne aux Pharaons d’Egypte, on mesure alors l‘emprise et l’importance de ce sport-roi dans toutes les sphères de nos Etats. Le football lorsqu’il procure des résultats positifs est un véritable dopant à double sens. Il réunit, sans conviction, le peuple, il permet à la classe dirigeante un peu de répit. L’Egypte nous en a donné la preuve. En pleine Coupe d’Afrique des nations de football, le naufrage d’un ferry avec plus de mille quatre cents morts a juste retenu l’attention. En Côte d’Ivoire, Bouaké, Korhogho, Katiola, mais aussi Abidjan, Daloa, Abengourou ont communié dans la même ferveur de joie devant les succès du onze national. Il n’y avait plus de zones dites assiégées et de zones gouvernementales. Mais la Côte d’Ivoire. Le temps de quatre vingt dix minutes, et le pays vibrait au rythme des mêmes angoisses, des mêmes espoirs et espérances. La Côte d’Ivoire, on s’en doute, était redevenue une, unique et indivisible. Si la Côte d’Ivoire était sortie victorieuse, il ne serait pas superflu de penser à une randonnée des Eléphants sur l’ensemble du territoire.

On ne le dit pas (pour ne pas choquer l’évidence certainement) , les Eléphants sont la conséquence de la somme de toutes les micro-nationalités de ce pays où en d’autres circonstances, leur regroupement aurait paru impensable. Ce sont ces garçons venus du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest qui ont été reçus, ce samedi, en grande pompe par les plus hautes autorités de la Côte d’Ivoire. Et même leur seconde place, a vite été perçue comme une victoire et comme telle, fêtée avec faste par les politiciens. Le Cameroun est connu plus pour et par son football que par les actes de sa classe politique. Ce qui retient c’est plutôt les Lions Indomptables, ces rois de la brousse qui sur les pelouses vertes partout où ils sont passés, ont donné des ailes au Cameroun. Le foot plus qu’un jeu, est devenu enjeu. Un enjeu qui catalyse, galvanise. C’est la “ guerre ” des temps modernes. Une guerre aux victimes très limitées fort heureusement. Lénine aurait dit que “ le football , c’est l’opium du peuple ”, que ses contempteurs auraient eu du mal à le faire mentir. Quand le foot va, tout va ? C’est le moins qu’on puisse dire. Les joueurs sont présentés comme des héros surtout lorsque, plaise à leur talent, ils évoluent dans des championnats huppés et que chaque fois que leur club est en compétition, ils sont là comme des ambassadeurs. Ceux grâce à qui les commentateurs évoqueront le nom du pays. Ce qui bien sûr est source de joie pour ses concitoyens. Et les dithyrambes à eux lancés bien entendu rejaillissent sur l’ensemble de la nation. L’Afrique dans ce jeu, n’a pas le monopole. Preuve également que le foot a un goût d’universalité sans contexte, sans frontière. En France, il met sur la même pelouse Blanc Black Beur.

Des Burkinabè qui il y a juste quelques temps, ignoraient jusqu’à l’existence d’un pays comme l’Azerbaïdjan et certainement vice versa, sont “ acceptés ” et se sont vus “ attribués ” la nationalité azérie. Les “ Brésiliens ” de l’équipe du Togo auraient été d’excellents médecins, scientifiques, qu’ils n’auraient pas rêvé et espéré “ prendre ” la nationalité togolaise en moins d’un tour de bras.

Quand le football va, la quiétude sociale est assurée. Les rancoeurs passés en rade. Le foot plus que tout sport haut lieu de passion, peut donc parfois canaliser cette passion pour de bonnes causes. Facteur d’unité nationale, mais aussi source d’entrée de devises. Surtout pour les clubs d’origine et le joueur si ce dernier est bien coaché.

Tous, nous avons les yeux scintillants d’envie lorsqu’il est question du transfert de la coqueluche du football burkinabè, Moumouni Dagano “ Momo ” en plusieurs millions. Que dire alors de celui de Didier Drogba ou de Samuel E’too fils en milliards. Si le foot c’est la passion, on peut également ajouter le foot, c’est le fric, c’est l’unité nationale. Voici pourquoi les coachs hier adulés, peuvent aujourd’hui être voués aux gémonies si le résultat n’est pas à la hauteur de l’attente des supporters.

Voici pourquoi aussi du foot, on peut aisément glisser à la politique. Le plus grand des footballeurs de tous les temps, le roi Pelé porte le maillot de ministre des Sports au Brésil alors qu’au Libéria, George Weah “ Mister George ” a bien failli occuper la Manshion House, la présidence lors de la dernière présidentielle.

Et que Michel Platini est souvent consulté, tout comme un autre Mister Abédi Pelé a ses “ entrées ” dans nos palais. Et une quatrième place en Coupe d’Afrique des Nations en football parfois est plus considérée qu’une première place continentale en karaté, athlétisme ou autres sports. Donnant ainsi au football toute la symbolique qui veut que ce sport qui réunit vingt deux acteurs sur une pelouse, des milliers de spectateurs dans un même espace et parfois des millions de téléspectateurs à travers la planète, mérite bien d’être appelé sport-roi.

Jean Philippe TOUGOUMA (jphilt@hotmail.com)
Sidwaya

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