LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Burkina/Entrepreneuriat : « Le crédit n’est pas la solution miracle à tous les problèmes des entrepreneurs », Pr Florent Song-Naba

Publié le jeudi 8 juin 2023 à 22h45min

PARTAGER :                          
Burkina/Entrepreneuriat : « Le crédit n’est pas la solution miracle à tous les problèmes des entrepreneurs », Pr Florent Song-Naba

« Les besoins d’une entreprise évolue selon qu’elle est en phase de création, de survie ou de développement ». C’est l’analyse faite par le Pr Florent Song-Naba, vice-président chargé de la recherche et de la coopération internationale de l’université Thomas Sankara. Il intervenait lors de la conférence publique sur l’entrepreneuriat initiée par l’équipe de recherche en gestion des entreprises et des organisations du CEDRES, depuis l’université Thomas Sankara, ce mercredi 7 juin 2023. Le thème traité par Pr Song-Naba s’intitule « Le manque d’argent, un résumé commode mais pas toujours vérifié des difficultés des entrepreneurs ».

Surnommé “le nerf de la guerre’’, l’argent, cet instrument tant convoité est la plupart du temps mis en avant comme étant le principal frein à la réalisation de nouveaux projets portés par les initiateurs. Cependant, les ressources financières ne constituent pas la pierre angulaire de réussite d’une entreprise. C’est ce qu’explique Pr Florent Song-Naba, dans la thématique qu’il développe au cours de la conférence publique de l’université Thomas Sankara qui a pour thème central : « Dispositifs de financement et d’accompagnement à l’entrepreneuriat au Burkina Faso : acquis, limites et perspectives ».

L’inaccessibilité au financement est souvent surestimée dans l’explication des difficultés des entrepreneurs, estime Pr Florent Song-Naba. Pour lui, le crédit n’apparaît pas comme une réponse adéquate à tous les problèmes de liquidité des entreprises. « Des compétences insuffisamment développées dans les affaires ou un environnement économique défavorable, représente une contrainte encore plus astreignante que le manque d’argent. Et y remédier serait bien plus rentable qu’un apport à capital », argumente-t-il.

Absence de politiques cohérentes

Selon, l’expert des sciences économiques et de gestion, pour beaucoup d’entrepreneurs, les problèmes naissent de la faiblesse du marché et de la concurrence parfois déloyale au sein de leurs branches d’activités. C’est là qu’est attendue l’intervention des pouvoirs publics, plutôt que dans la distribution effrénée de crédits, relève-t-il.

La Conférence des nations unies sur le commerce et le développement impute ce phénomène à l’absence de politiques cohérentes, modulant le financement et l’accompagnement en fonction des trois stades d’évolution de l’entreprise que sont la création, la survie et le développement, fait savoir Pr Song-Naba. Avant d’insister à ce sujet, sur le fait que les besoins d’une entreprise évoluent selon qu’elle est en création, à la phase de survie et en développement.

Conséquence, les prestations génériques et non personnalisées, fait-il remarquer, sont inadaptées. À cela, dit-il, se pose également la question du choix entre l’approche étatique et celle néolibérale. « L’approche étatique ne semble pas bien fonctionner. L’impact des politiques misent en œuvre semble être en deçà des efforts consentis. Ne faudrait-il pas alors essayer l’approche néolibérale, qui dans le sillage de la mondialisation, prône que l’entrepreneuriat repose sur la liberté de choix de l’individu. Cette approche étant incompatible avec toute forme d’intervention ou de stimulation externe de type volontariste », suggère Pr Florent Song-Naba.

Les étudiants présents à la conférence publique sur l’entrepreneuriat de l’université Thomas Sankara

Le Pr Song-Naba explique qu’en matière de management de la qualité, l’accompagnement ne devrait pas se limiter qu’à la seule entité que représente l’entreprise. Car l’appui doit prendre en compte les flux d’amont, côté fournisseur, et les flux d’aval, côté distributeur. Ce d’autant plus qu’une matière première de mauvaise qualité débouchera à coup sûr, sur un produit de mauvaise qualité. Tout comme la qualité d’un produit fini se détériorera inéluctablement si les conditions de stockage sont mauvaises ou si l’emballage n’est pas adéquat.

La pertinence de se faire former

En vue de montrer l’importance de la question de la formation, le communicant présente à l’assistance, un cas concret. « Il arrive de voir des jeunes diplômés sans expérience soumettre aux institutions de crédit, des projets d’entreprises se chiffrant à des millions de francs. Ces jeunes doivent savoir que les institutions de crédit, surtout lorsqu’elles sont de type bancaire, ont une seule préoccupation. Celle que le crédit octroyé à partir de l’épargne d’une tierce personne soit remboursé à échéance ».

Pr Florent Song-Naba déduit de ce fait, que cette préoccupation des institutions financières fait du profil du promoteur, le premier critère d’évaluation du projet présenté. C’est-à-dire que la formation, l’expérience, la connaissance du secteur d’activité, l’esprit d’entreprise du demandeur de crédit sont d’abord examinés, bien avant les considérations économiques (qualité de l’idée, robustesse du business plan, dynamisme du secteur…).

De ce point de vue, se former, acquérir de l’expérience dans le cadre d’un emploi salarié ou d’un stage, requérir les orientations d’un mentor, constituent des arguments solides et convaincants aux yeux du banquier, selon le conférencier. Dans la même veine, commencer son entreprise à petite échelle avec ses économies et faire ses preuves sur le terrain, attirera à coup sûr, le banquier vers le promoteur.

Dans l’optique de mieux faire passer son message, Pr Song-Naba évoque l’illustration suivante. « Le raisonnement du banquier sera celui-ci : si le promoteur a accompli de tels exploits avec si peu de moyens, il est évident qu’il en fera beaucoup plus avec le crédit que je vais lui octroyer ».

Avant de clore sa communication, Pr Florent Song-Naba en vient à la conclusion que le crédit n’est pas la solution miracle à tous les problèmes des entrepreneurs. Mieux, le crédit peut être contreproductif s’il n’est pas couplé à l’accompagnement. L’on retient alors, que les compétences acquises à travers la formation, l’’apprentissage et l’expérience, l’accès à des services spécialisés professionnels, les orientations éclairées d’un mentor, un climat des affaires plus attrayant sont autant de facteurs qui combinés à l’argent garantissent mieux la réussite entrepreneuriale.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique