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Ouahigouya : 80% des viandes commercialisées sont douteuses

Publié le jeudi 12 janvier 2006 à 06h57min

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L’abattage clandestin des animaux, les attaques à mains armées, l’insécurité routière sont des phénomènes qui prennent de l’ampleur à Ouahigouya. Adama Ouédraogo, commandant de la police municipale, s’en inquiète dans l’interview qui suit.

Quelles sont les missions assignées à la police municipale ?

• Il n’y a pas une grande différence entre la police municipale et les autres forces de sécurité (la police nationale et la gendarmerie nationale). Nous, notre mission est d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. La petite nuance est que nous, nous n’intervenons pas sur le plan judiciaire.

Par contre, en cas de flagrant délit, la loi nous autorise à interpeller le délinquant fautif, à le fouiller si la nécessité s’impose. Après, nous faisons un rapport que nous transmettons à la police nationale ou à la gendarmerie. Ce rapport peut servir valablement en cas de jugement.

Pourtant, les gens s’accordent à dire que la police municipale est plus présente à côté des panneaux de stop pour rançonner ceux qui ne les respectent pas ? • C’est un mauvais procès : par exemple pour l’année 2005, nous avons appuyé la mairie et le Trésor public dans le domaine du recouvrement des recettes.

Nous avons aussi jeté un regard sur la divagation des animaux et l’assainissement. Nous avons effectué plusieurs sorties avec les services de l’élevage pour le contrôle de l’abattage clandestin des animaux.

Conjointement avec les autres forces de sécurité, nous effectuons des patrouilles pour lutter contre l’insécurité. Ce qu’il est important de savoir, c’est que notre corps est astreint au secret professionnel ; la plus grande partie de nos activités ne peut pas être chantée sur tous les toits.

Je conviens avec vous que personnellement, je mets également l’accent sur la sécurité routière. Ouahigouya est une ville où la plus grande partie de la population ne maîtrise pas les règles élémentaires du code de la route.

Même ceux qui les connaissent se montrent le plus souvent rebelles. Je peux même dire que Ouahigouya vient après Bobo, en matière de non-respect du code de la route.

C’est ce qui nous pousse à être réguliers à côté des panneaux de stop, mais si on fait le pourcentage des actions que nous entreprenons, la sécurité routière est loin de prendre la première place.

On dit que vous sévissez plus que vous ne sensibilisez, que le plus souvent, vos agents tombent à bras raccourcis sur les pauvres paysans qui viennent des villages.

• Faut-il amener le pauvre paysan à respecter le code de la route ou le laisser se faire écraser ? Nous interpellons le plus souvent pour créer un choc psychologique. Sinon nous ne faisons pas payer à tout bout de champ ; mais quand il y a des infractions, nous ne pouvons pas sur place faire une ségrégation pour laisser partir X et garder Y.

Nous ne confisquons pas les moyens de déplacement. C’est à notre siège que nous choisissons l’approche qu’il faut utiliser pour tel ou tel cas. Nous n’avons pas pour mission de faire des recettes. Dans notre milieu, certains se glorifient quand ils enfreignent la loi ; ces gens-là, il faut le leur payer au prix fort pour que prochainement, ils réfléchissent avant de poser certains actes.

Il arrive parfois que des gens interpellés expliquent des problèmes d’urgence ; les agents récupèrent alors leurs pièces et ils continuent leur chemin ; vous voyez, nos cartons sont remplis de ces pièces, mais rares sont ceux qui mettent pieds à la police.

Ils ne se préoccupent même pas de leurs documents. Comment comprendre ça ? Souvent, je souris quand j’entends dire que les agents se cachent pour ne pas se faire voir quand ils sortent pour la sécurité routière. Ça veut dire tout simplement que si les gens sont rassurés que la police n’est pas là, ils ne vont pas s’arrêter aux panneaux de stop. Ils oublient que ça peut leur coûter la vie.

Dans tous les cas, nous nous sommes fait une philosophie : une police doit être à 50% estimée et à 50% détestée. Nous préférons que les gens nous critiquent sur nos actions afin que nous puissions nous corriger si certains manquements sont fondés, plutôt que de ne rien faire.

Vous avez parlé tantôt d’abattage clandestin des animaux. Est-ce que le phénomène menace Ouahigouya ?

• Le phénomène est très grave, j’allais dire que l’abattage clandestin est un fléau à Ouahigouya. Sans risque de me tromper, j’affirme que 80% des viandes commercialisées n’y subissent pas d’inspection sanitaire.

A toutes nos sorties, nous saisissons des carcasses d’animaux chez les bouchers. Nous les faisons inspecter, et si c’est comestible, nous les convoyons à la Maison d’arrêt et de correction (MACO).

La viande malsaine est automatiquement détruite sous l’œil des agents des services techniques de l’élevage. Plus dangereux encore, maquis où, sous l’effet de l’alcool, les gens se font servir des viandes douteuses et mal cuites.

En tous cas, les bouchers fautifs sont invités à payer la plus forte taxe, qui est de 12 000 F CFA. Les récidivistes doivent être conduits à la MACO. C’est une situation inquiétante, car notre région est fortement touchée par la tuberculose bovine.

Voyez donc les risques auxquels les chercheurs de gain facile exposent la population. J’appelle sincèrement les uns et les autres à montrer plus de vigilance sur les endroits et la qualité de la viande qu’ils achètent. Au besoin, il faut demander à voir le cachet de l’inspection sanitaire avant de faire l’achat.

La lutte contre l’abattage clandestin est un combat qui ne doit pas être laissé seulement entre les mains des forces de sécurité, il faut un engagement collectif, car il y va de notre santé à tous.

Ouahigouya est-elle une zone de grande insécurité ?

• Je ne vais pas trop m’étaler sur ce point, c’est la police nationale qui est la plus habilitée à répondre à cette question. Ce que je peux dire, c’est que même si l’insécurité n’est pas développée comme dans certaines régions, les attaques s’y multiplient de jour en jour.

L’année passée, il y a eu deux attaques à mains armées sur l’axe Ouagadougou-Ouahigouya à l’entrée de la ville, plus précisément au marché de bétail. Il y a plusieurs attaques sur la route Ouahigouya-Djibo et même à l’aérodrome de Ouahigouya.

C’est la raison pour laquelle, de concert avec les autres forces de sécurité, nous faisons nuitamment des patrouilles jusqu’à une certaine heure. A défaut de mettre la main sur eux, car vous savez, les bandits sont toujours en avance et bien outillés, au moins nous les dissuadons.

Propos recueillis par Eméry Albert Ouédraogo
L’Observateur

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