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<I>Nouvelle du vendredi</I> : Un choix décisif

Publié le vendredi 12 janvier 2007 à 07h07min

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Quand Ali ouvrit les yeux, l’astre du jour avait déjà pris une place dans un coin du ciel. L’intérieur de ses yeux jadis toujours blanc avait en ce moment viré au rouge. L’entretien qu’il avait eu la veille avec son père, avait commencé tard et avait duré presque toute la nuit.

Il avait peu et surtout mal dormi. Il s’étira paresseusement comme un chat, prit sa serviette accrochée juste au-dessus de son lit, sa brosse à dents et gagna la douche. Il se lava promptement, regagna sa chambre où il se maquilla pour sortir.

En passant par le salon, sa mère l’invita à prendre son petit déjeuner. Le café fumant dans de jolis bols embaumait le salon et vous donnait envie de le prendre. Pourtant Ali résista : "Mère je suis pressé. Il me faut arriver rapidement à l’université pour mon inscription", répondit-il poliment. Il enfourcha sa moto et s’engagea en quête de raccourcis dans les glo-glo de cette cité qu’il croyait maîtriser comme le fond de son cœur ! Il y était né ; il y avait grandi ; il y étudiait. Cela renforçait cette impression.

Il s’en voulait à présent de n’avoir rien dit la veille : "J’aurais dû placer un mot" regrettait-il. Il s’était seulement contenté d’écouter les mises en garde de son géniteur. De temps à autre, il lui arrivait même de hocher la tête donnant ainsi l’impression à ce vieux père qu’il était d’accord avec lui. Depuis l’obtention de son baccalauréat, entre son père et lui le courant ne passait plus. Un matin comme celui-ci, son père lui avait demandé quelle filière il fera à l’université.

Le bachelier aimait bien la philo, les grands maîtres à penser... Le plus naturellement du monde alors, il dévoila à son père son intention de s’inscrire en philosophie. Sa forte note dans la discipline le hissait au rang de ceux qui avaient la mention et lui permettait d’être orienté dans son premier choix, avait -il expliqué à son père. Aujourd ’hui encore, il se souvient de sa réaction comme si ce fut hier. Cette réaction, même au soir de sa vie, il s’en rappellera ! Le vieux avait martelé en mauvais français qu’il ne voulait plus de "foulosophe" chez lui.

Ce vieux commerçant ne comprenait guère cet engouement, cette obsession morbide de ses enfants pour la philo. Deux de ses premiers fils étaient déjà passés par là. Chacun avait sa maîtrise en poche mais ne s’en sortait toujours pas. Si le vieil homme avait maîtrisé Molière... nul doute qu’il se serait éclaté :" Que diable vont-ils faire dans cette galère ! ». Pourquoi diantre ne faisaient-ils pas de l’économie ou du droit, se demandait-il ? Ils allaient l’assister dans son commerce. Et au moyen de leur solide formation universitaire mieux faire prospérer l’entreprise familiale. Les deux premiers l’avaient déçu ! Dès lors, il avait placé tout son espoir en Ali et voilà que lui aussi se mettait à philosopher.

Ali arriva à l’université, confia son engin au parking, et courut au service des affaires académiques de l’orientation et de l’information. La secrétaire lui remit une fiche d’inscription individuelle. Dessus, il y avait trois cases qui correspondaient à trois choix à noter par ordre de préférence. Il commença à remplir... A deux bonds de lui, quelqu’un toussa.

Il s’arrêta, le dévisagea. Le bonhomme ressemblait étrangement à son père. Il avait la forme d’un gourdin : un petit corps coiffé d’une grosse tête. Il se repencha sur sa fiche mais était visiblement mal à l’aise. Il savait qu’il ne pouvait pas s’en sortir dans une filière qu’il n’aimait point du tout. Mais les propos paternels de la veille étaient on ne peut plus clairs, et on ne peut plus durs. Il y avait lu toute la détermination de son père et cela l’inquiétait énormément. Pourtant il marqua gaillardement dans la case du haut : PHILOSOPHIE. Sa résolution était prise. Au fond de lui, il semblait se dire : Père si vous ne me comprenez pas, faites ce que vous voulez !

L. Adamou Kantagba

Le Pays

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