LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Référendum du 28 Septembre 1958 : L’avant-garde du "Non" à la rescousse de la Guinée indépendante

Publié le jeudi 1er juillet 2010 à 00h33min

PARTAGER :                          

Le Pr Joseph Ki-Zerbo partisant du Non en 1958 et le Capitaine Dorange de la section PRA, partisant du Oui

1958, une année des grands enjeux. La Guinée décide de prendre son destin en main. En Haute-Volta Ahmadou Abdoulahi Dicko se bat contre le RDA, le PRA, la chefferie traditionnelle, les dignitaires religieux et l’ordre colonial. Au Sénégal Senghor et Dia disparaissent le jour de l’arrivé de De Gaule. L’Afrique francophone joue son destin entre le "Oui" et le "Non".

En 1958 le Mouvement de libération nationale (MLN) du Professeur Joseph Ki Zerbo venait d’être créé. Auparavant, une autre force politique également favorable à l’indépendance, le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) est créée une année avant. Les partis traditionnels favorables au référendum n’étaient autres que le pachyderme, le Rassemblement démocratique Africain (RDA) et une bonne frange du parti pour le regroupement Africain (PRA). Le PAI et le MLN ont donc à l’époque porté la lutte de l’émancipation. Le RDA depuis son " repli " tactique s’était placé dans le giron colonial et le PRA hormis la section du Niger le Sawaba, de Guibo Bakary ont fait campagne pour le maintien de l’Afrique francophone dans la communauté Franco-Africaine.

Pour rallier les troupes à l’idée de la communauté, le général De Gaule avait entamé une longue tournée pendant l’été de 1958 pour expliquer son projet de Constitution. Il s’était rendu à Brazzaville, Abidjan et Tananarive… ou un accueil cordial lui fut réservé de la part de ses soutiens locaux. Il avait clamé que la France proposait un modèle de construction originale et fraternelle. Le " Oui " au référendum pour De Gaulle signifiait l’union avec la France, tandis le " Non " était synonyme de refus d’appartenir à l’ensemble francophone et de l’aide de la France. Si dans les premiers pays visités, l’accueil a été très cordial, à Conakry il a été des plus houleux. Sékou Touré a dit tout le mal qu’il pensait du colonialisme oppresseur, ce qui a eu le don de fâcher le général. Sa réponse fut immédiate : " …

Je dis ici plus haut encore qu’ailleurs que l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre ; elle peut la prendre le 28 septembre en disant " Non " à la proposition qui lui a été faite et, dans ce cas je garantis que la métropole n’y fera pas obstacle. Elle en tirera, bien sûr les conséquences, mais d’obstacles elle n’en fera pas et votre territoire pourra, comme il le voudra, suivre la route qu’il voudra. " En Haute-Volta, tout était mis en œuvre pour que le " Oui " l’emporte. Les populations étaient sous l’influence de l’administration coloniale, du RDA et du PRA pour une des rares fois embouchaient la même trompette, aidés pour la circonstance par la chefferie traditionnelle. Seul le MLN se jette dans la campagne pour le " Non " à travers l’action de son porte parole Ahmadou Abdoulahi Dicko. Cet indépendantiste invétéré était un étudiant en Lettres d’Espagnol. Il consigna dans son journal, une plaquette intitulé "Journal D’une Défaite" les péripéties de la campagne où il se montre très peu tendre avec les hommes politiques favorables au "Oui" qui n’avaient d’autre argument que l’incapacité des pays sous tutelle à ne pouvoir même pas fabriquer une aiguille.

Les dignitaires religieux pris à partie

Il l’était également pour les chefs coutumiers et les dignitaires religieux qui n’avaient d’yeux que pour les subsides que l’ordre colonial leur octroyait. A ce propos, il s’en prend à un des grands marabouts du nom de El Hadj Ibrahima Niasse du Sénégal qui s’était époumoné à la radio d’Outre-mer qu’après une entrevue avec le général De Gaule et après avoir pris connaissance de la Constitution, la Communauté ouvrait la porte de la paix et Dieu exhorte les peuples de ces territoires à s’y engouffrer avant qu’elle ne se referme. Ahmadou Abdoulahi Dicko répondit à ce dignitaire religieux sans gants : "La division de notre patrie, la renonciation à la souveraineté nationale, la subordination à nos intérêts nationaux à ceux des capitalistes de la République française, l’abdication des Africains devant toute responsabilité et toute dignité est-ce cela la paix ?

L’octroi du gouvernement français de quelques "honneurs" suffit-il pour transformer certains chefs religieux de l’AOF en griots des colonialistes. Messieurs les "grands marabouts", ne prostituez pas le Coran. Laissez à nos politiciens professionnels le déshonneur d’être les mercenaires de la France. Ne rivalisez pas avec M. Houphouet Boigny qui, du soldat de l’Afrique, s’est mué en grand eunuque de l’empire français. Dans la lutte qui nous oppose à ceux qui asservissent l’Afrique, nous pouvons être battus, mais notre défaite ne peut être que provisoire. Messieurs les "grands marabouts" du Sénégal et d’ailleurs, à défaut de patriotisme et de dignité, que de simple calcul vous empêche de passer à l’ennemi avec armes et bagages.

Personne ne vous demande d’être des héros et de suivre la voie de ceux qui avant vous, à la tête de leur peuple, avec méthodes et moyens différents ont dit "non" au colonialisme et, parce que c’était leur devoir de musulman et d’Africain, sont morts pour défendre leur patrie : El Hadj Omar, Samory, Cheik Bamba, Cheik Hamallah… Non, nous ne pouvons pas exiger d’un "grand marabout" officier de la Légion d’honneur qu’il soit un héros, mais serait-il excessif de lui demander de garder le silence sur des questions où il n’a pas compétence, de ne pas troquer contre les "honneurs" du gouvernement colonialiste et de son administration son influence auprès des masses écrasées sous le poids de l’ignorance et de la misère." Dans son Journal, il s’en était pris aussi aux "gueulards de Cotonou".

En effet, le PRA avait tenu un congrès à Cotonou où une large majorité des congressistes s’étaient prononcés pour l’indépendance. Seule la section du Niger tiendra parole. Les autres sections se rallieront aux vœux de la France en choisissant de rester sous son joug. Parlant de l’attitude du Parti pour le regroupement Africain, l’auteur de "Journal D’une Défaite" dit ne pas être surpris "que la section voltaïque du PRA doive voter " Oui ", c’est ce qui n’a jamais fait l’objet du moindre doute pour moi. Ses délégués n’ont pas encore fait le compte rendu du Congrès de Cotonou, pour la simple raison que le capitaine Dorange, fondateur et personnalité numéro un de ce qui devrait constituer la section locale de ce parti, est violemment opposé à toute idée d’indépendance et d’unité africaine et s’est toujours réclamé du général de Gaule.

Beaucoup de militants de son parti ignorent jusqu’à l’existence de Cotonou. " Dans cette bataille pour la conquête du moi Africain, au soir du référendum la Guinée s’était désolidarisée de la Communauté. Elle préférait comme l’avait dit Sékou Touré "la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage." Ainsi l’administration coloniale, dès lendemain fit ses bagages, laissant le pays de l’Almamy Samory Touré à lui-même. Des patriotes Africains vont constituer un front pour venir en aide à Sekou Touré, devenu président du nouvel Etat indépendant. Madame Jacqueline Ki Zerbo épouse du professeur Joseph Ki Zerbo qui fit partie du contingent qui avait volé au secours de la Guinée se souvient qu’ils étaient un certain nombre d’intellectuels Africains à s’engager pour aller à la rescousse de la Guinée indépendante.

Sékou ou l’âme d’un empereur mandingue

Sékou Touré avait envoyé son ministre de la Jeunesse à Dakar les rencontrer pour leur faire part du désir de la Guinée de bénéficier de leur service, l’administration française s’étant retiré obéissant aux injonctions de ses autorités. Le couple Ki Zerbo du MLN, des patriotes du PAI, Béhenzin, Halilou Sall, et un frère de la diaspora Adrien Bance de Haïti acceptent de faire ce saut dans l’inconnu. Etant fonctionnaires français, ils avaient subi toute sorte de pression, indique Jacqueline Ki Zerbo. Compte tenu de leurs carrières prometteuses, aller en Guinée apparaissait comme un suicide. Poursuit-elle. Parce que l’administration métropolitaine venait de couper son aide. Elle ajoute qu’il "faut reconnaître à Sékou Touré une espèce de qualité Africaine d’honneur et de dignité. Il a envoyé un avion nous chercher à Dakar et il savait faire les choses un peu comme un empereur mandingue.

Culturellement, il a l’âme d’un vrai mandingue qui a le sens de l’honneur et de la parole donnée. Il nous a accueillis sur le tarmac de l’aéroport de Conakry avec la garde nationale. Il nous a accueillis avec l’hymne de la Guinée. Je crois qu’il faut avoir un sens très élevé de la nation pour organiser les choses de cette manière. Après cette réception patriotique avec l’hymne de la Guinée Alpha Yaya, il nous a aussitôt conduit à l’Assemblée Nationale ou tous les députés étaient rassemblés. Nous avons eu droit à un discours tel que lui seul savait le faire, très applaudi par l’ensemble des députés. Après cette phase grandiose et épique nous avons maintenant été conduits sur le terrain au ministère de l’Education nationale. On nous a remis au ministre de l’Education nationale. La partie technique de notre mission commençait. On a tout de suite été mis en rapport avec les établissements.

Evidemment il y avait une très grande excitation dans les établissements quand les professeurs africains sont arrivés et que les élèves ont vu que le départ des français n’allait pas compromettre leurs études." Conclut-elle. Ils y sont restés pour aider le nouvel Etat à organiser son système éducatif. Après l’indépendance de la Haute-Volta, le professeur Joseph Ki Zerbo est rentré pour aider son pays malgré les divergences de point de vue qu’il avait avec les nouvelles autorités. Il est resté pendant un moment au chômage parce qu’on disait qu’il était plus gradé que l’inspecteur de l’éducation blanc qui était présent. Mais ses partisans avaient interprété ces assertions comme des arguties. C’était une manière selon eux d’entamer son moral. Ce n’est que plus tard qu’il sera intégré.

Le rôle des historiens dans l’émancipation

Le Professeur Ali Lankoandé, militant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et du MLN en son temps, commente les année 1950 comme une période ou tout semblait possible alors que tout était verrouillé. En tant qu’observateur de l’époque, il soutient qu’il y avait toutes les raisons d’espérer. En égrenant les motifs, il cite entre autres, 1954 qui a vu le Vietnam venir à bout de la France. La même année en novembre les Algériens déclenchassaient la lutte d’indépendance et quelques mois après en 1955, c’était les retrouvailles des pays asservis d’alors à Bandoung. Comme source complémentaire d’espoir indique M. Lankoandé en 1956, les marocains accèdent à l’indépendance suivi par la Tunisie.

Pour ce dernier, Septembre 1958 s’inscrit dans la ligne de cette évolution historique. La réhabilitation de l’Afrique dans l’Histoire de l’humanité, en l’extirpant des praxis racistes entretenues par les cartons ethnographiques y était aussi pour quelque chose dans l’engagement des élites. Dans ce sens, le Professeur Hamidou Diallo, directeur des Archives nationales soutient que des historiens militants comme le Professeur Cheikh Anta Diop et Joseph Ki Zerbo y ont été pour quelque chose par leurs travaux. Les indépendances que d’aucuns qualifieront plus tard de factices seront octroyées en 1960 à ceux qui s’y étaient opposés.

De cette manière, la France évite le bain de sang mais tire toujours les ficelles en permettant à ses soutiens irréductibles d’être à la commande. Le leader du RDA Félix Houphouët Boigny se plaignit bien à propos en ces termes après l’échec constaté de la communauté : "J’ai entendu la fiancée sur le parvis de l’église, un bouquet à la main, la fiancée n’est pas venue. Les fleurs se sont fanées".

Ahmadou Abdoulahi Dicko un cadre de la première heure du MLN

Ahmadou Abdoulahi Dicko naquit à Filifili (Djibo) en 1932. Dans l’organe d’information de l’Union des étudiants voltaïque (UGEV) Jeune Volta numéro spécial consacré à son décès, il est dit qu’il fit des études secondaires exceptionnellement brillantes. Celui qui tint tête pendant le référendum aux forces dites rétrogrades et au colonialisme était issu d’une famille princière dont il a combattu l’aile assujettie aux colons. Malgré une santé chancelante pour le journal des étudiants, à la faculté des lettres de Toulouse, il obtint sa licence d’Espagnol en 1957 et son diplôme d’étude supérieur d’Espagnol en 1958.

L’année suivante, il préparait son doctorat de 3è cycle. La thèse portait sur : "les Noirs dans la littérature espagnol." Rentré en 1960 il prit la chaire d’Espagnol au collège Ouezzin Coulibaly. Déjà gravement malade, il continuait a assuré les cours jusqu’à son évacuation sur Dakar, puis sur l’hôpital Necker à Paris. Il rendu l’âme le 4 mars 1962. Le professeur Joseph Ki Zerbo a dit de lui qu’il "étaitd’une intelligence lumineuse, à la fois limpide par sa rigueur analytique et dialectique par son aisance à sortir de toute les embûches et à enfermer l’adversaire dans ses propres contradictions : un prince de l’esprit qui savait écouter sans interrompre et parler avec sobriété.".

Par Merneptah Noufou Zougmoré

L’Evènement

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 1er juillet 2010 à 08:09, par NYT En réponse à : Référendum du 28 Septembre 1958 : L’avant-garde du "Non" à la rescousse de la Guinée indépendante

    s’il vous plaît chers journalistes, c’eSt très écoeurant de constater que cette nouvelle génération ne parle plus français. Venant encore de vous journalistes, c’est ce qui m’indigne encore plus.PARTISAN au lieu de PARTISANT répété à loisir. Ceci est la preuve que c’est une véritable ignorance ! De grâce, honorez la profession !

    • Le 1er juillet 2010 à 15:34, par MAGAGI-TANKO Oumarou En réponse à : Référendum du 28 Septembre 1958 : L’avant-garde du "Non" à la rescousse de la Guinée indépendante

      JE SUIS DÉSOLÉ LE TEXTE DU JOURNALISTE EST TRÈS BIEN RÉDIGÉ ET CE N EST PAS CETTE PETITE COQUILLE QUI VA LUI OTER CETTE QUALITÉ. IL FAUT PLUTÔT RECONNAITRE A L INTÉRESSÉ LE MÉRITE D AVOIR FOUILLE ET FOUINE DANS L’ HISTOIRE DE LA LUTTE DE L’ INDÉPENDANCE DE NOS PAYS QUE DE S ATTARDER SUR UNE TELLE COQUILLE. EN TOUT CAS JE LUI RENDS HOMMAGE POUR LA JUSTESSE DE SA RÉFLEXION !MAGAGI-TANKO Oumarou, NIAMEY NIGER

    • Le 2 juillet 2010 à 17:27, par lafleuredelotus En réponse à : Référendum du 28 Septembre 1958 : L’avant-garde du "Non" à la rescousse de la Guinée indépendante

      Effectivement j’ai également constaté quelques erreurs mais de forme, qui peuvent entravées la compréhension de certaines parties du texte. je cite :

      "J’ai entendu la fiancée sur le parvis de l’église, un bouquet à la main, la fiancée n’est pas venue. Les fleurs se sont fanées".

      Merci au journaliste pour avoir effectué de profondes recherches et nous faire revivre ses moments de l’histoire.

  • Le 22 mai 2017 à 01:40, par Lys Norine En réponse à : Référendum du 28 Septembre 1958 : L’avant-garde du "Non" à la rescousse de la Guinée indépendante

    Les députés de Madagascar condamnés à la suite de la prétendue rébellion de 1947 mais authentique génocide programmé par le gouvernement français et la grande colonisation, condamnés à mort, puis grâciés , emprisonnés à vie, puis exilés en France au bout de 9 ans, ont lancé l’appel suivant pour le « NON ». Le « NON », sans grande surprise n’a pu triompher que dans la capitale Antananarivo et dans la province dont elle est le chef-lieu.

    PRISE DE POSITION EN FACE DU REFERENDUM
    (des anciens députés de Madagascar)

    Depuis sa conquête par la France, en 1895, Madagascar n’a jamais oublié qu’il avait formé une Nation organisée, un État souverain.

    Soixante années se sont écoulées !

    Elles ont vu s’intensifier et s’affirmer toujours avec plus de vigueur la volonté du Peuple Malgache de faire abolir la loi d’annexion du 6 Août 1896 qui a fait de son Pays une simple colonie.

    Sa revendication fondamentale reste celle de restaurer dans sa plénitude, son indépendance perdue et d’en retrouver l’exercice effectif et souverain.

    Dans cet esprit, le Peuple malgache nous a élus, voici dix ans, à une écrasante majorité et il nous a donné mission de faire entendre auprès du parlement français la voix authentique de ses aspirations les plus profondes.

    Nous y avons voué notre vie. Nous entendons y rester fidèles jusqu’à la mort.

    L’on ne comprendrait pas notre silence devant la gravité de l’heure où notre Peuple est convié à faire un choix qui, bon gré mal gré, marquera son destin. Par une expérience amère, nous savons, certes, qu’au cours de ces dernières années, les consultations populaires sont plus ou moins orientées.

    Mais ce n’est pas une raison pour nous dérober au devoir d’émettre notre avis sur le sens de l’option, qu’en conscience nous recommandons à notre Peuple lors du référendum du 28 septembre 1958.

    Pour nous, une seule question importante : oui ou non, la Constitution proposée permet-elle d’atteindre notre objectif national, celui de la restauration de notre indépendance ?

    Le Général de Gaulle a déclaré dans le site historique de Mahamasina :

    « Demain vous serez de nouveau un État comme vous l’étiez au temps où ce palais était habité ».

    On se rappelle par quelles ovations frénétiques le Peuple malgache a salué cette émouvante évocation : il en a pris note comme le Général de Gaulle a pris note, au nom du Gouvernement français, de l’existence sans conteste de la souveraineté nationale de Madagascar.

    Or une étude approfondie du texte définitif de la Constitution nous amène à une seule conclusion et nous dicte une seule attitude : aucune clause n’y autorise, voire, n’y favorise la réalisation de cette belle parole.

    On nous parle bien de Communauté. Mais loin d’assurer une garantie d’Indépendance, la structure et l’objet du nouvel organisme en constituent, en réalité, la limite infranchissable. Nous ne reconnaissons à personne le droit de faire figer, par une barrière constitutionnelle, l’histoire et l’épanouissement politiques de notre peuple.

    Notre refus s’inspire de l’examen des procédures instituées pour faire passer un Territoire quelconque d’un statut à l’autre : la transformation reste, en définitive, à la merci exclusive du seul parlement français où ne figurera plus aucun représentant des éventuels États de la Communauté.

    Des dispositions font, certes, allusion à la création ou à la possibilité d’États indépendants. Mais quelle étrange conception de l’indépendance que celle qui en subordonne l’institution à l’ approbation suprême d’un parlement qui, lui, représente la souveraineté d’un autre peuple.

    Dans ces conditions, nous ne pouvons adopter et conseiller qu’une seule attitude, celle de répondre Non et Non à une Constitution où, quoiqu’on en ait dit, nous ne serions pas de nouveau « un État comme nous l’étions au temps où notre palais était habité ».

    NON ! parce que l’adhésion à une telle Constitution apparaît à nos yeux comme l’expression d’un reniement à la volonté inébranlable de notre Pays de redevenir pleinement indépendant.

    NON ! parce que sans aucune décision claire du gouvernement français en faveur de l’abolition sans équivoque de la loi (d’annexion) du 6 août 1896, aucune Constitution, si libérale soit-elle en apparence, ne modifie guère les données fondamentales des rapports politiques entre la France et Madagascar : les termes changent mais les faits ne varient pas.

    NON ! parce que fidèles à l’idéal politique qui nous a valu la confiance de notre Peuple nous entendons affirmer, une fois de plus, cette soif inextinguible qui le porte à réclamer sans répit l’établissement d’un régime républicain malgache où puisse s’épanouir pleinement sa dignité de peuple.

    NON ! parce que le Général de gaulle lui-même l’a dit « Vous voulez votre Indépendance ! Prenez-la le 28 Septembre en votant NON ! »

    NON ! Nous invitons tous nos frères et sœurs à voter avec nous : NON, parce que notre NON signifie un seul mot, une seule idée : Indépendance.

    C’est en peuple libre et souverain que nous entendons nous associer en toute amitié au peuple français.

    Toulouse le 7 Septembre 1958
    Joseph Raseta, Joseph Ravoahangy, Jacques Rabemananjara

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique