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Pratique des piercings au Burkina : La coquetterie au prix de la santé corporelle

lundi 19 novembre 2012.

 

Pour se faire belle, tous les « coups » semblent permis sur le corps humain. Le piercing en est une illustration parfaite. Cela n’est pas nouveau, parce que les femmes surtout, le pratiquent sur leurs oreilles, en vue d’y accrocher des boucles. Mais de plus en plus, la langue, les lèvres, les tétons, même les parties génitales, sont percés, puis garnis de boucles. Petit à petit, ce phénomène tisse sa toile au Burkina Faso.

Stella Noëlle est une jeune fille belle et attirante. Etudiante de son état, elle est une véritable pin-up (fille sensuelle) dont rêve tout gentleman. Mais un artifice de ce charme féminin suscite encore de l’étonnement à Ouagadougou, une boucle incrustée dans la lèvre supérieure de sa bouche. En fait, un piercing, comme on en voit de plus en plus chez des jeunes filles et garçons de son âge. Un effet de mode, auquel les adeptes se livrent au péril de leur santé. La demoiselle Stella Noëlle est formelle : « faire le piercing rime avec la tendance glamour. J’ai fait un piercing parce que cela me plaît. Aussi, pour être plus belle et rester dans la mode ».

Aminata Rouamba soutient que cette pratique rend davantage « clean » la beauté du corps. De même, la pratique permet d’être dans l’air du temps de la mouvance jeune. Mais contrairement à Noëlle Stella, elle a son piercing sur la langue. Pourquoi Rouamba a-t-elle choisi cette partie du corps ? « J’ai fait un piercing à la langue pour être différente des autres et surtout, attirer l’attention sur moi. Quand j’ouvre la bouche, je sens le regard des autres et cela me fait beaucoup plaisir. », déclare, visiblement fière, la jeune fille, tout en faisant frémir langoureusement sa langue ornée d’une boucle. La pratique qui gagne du terrain chez les jeunes filles permet à ses praticiens de se frotter les mains.

Le jeune Ghanéen, connu sous le pseudonyme de Bob, ne dira pas le contraire. Il confie avoir appris le métier de perceur pendant une dizaine d’années en Côte d’Ivoire. Arrivé au « Pays des Hommes intègres » il y a cinq ans, il ne vit que du métier de perceur. Praticien du piercing, Bob, dans un français empreint d’un accent anglais, affirme tirer son épingle du jeu. Il gagne en moyenne, par jour, 50 000 F CFA. Une somme parfois en hausse, lorsqu’il s’agit de faire des piercings sur certaines parties intimes du corps (les parties génitales,) à savoir les lèvres, le clitoris, les testicules, etc. En effet, fait-il savoir, le piercing sur ces parties sont les plus chères et peuvent coûter 25 000 F CFA. Quant aux autres parties, le client décaisse 5 000 F CFA pour le visage, 7 500 FCFA pour la langue et 15 000 F CFA pour les tétons.

Le piercing, source de maladies

Selon le perceur, ses clients sont constitués de femmes et d’hommes de tous les âges. Comment s’y prend-t-il pour réussir cette activité à la limite délicate ? Le jeune Ghanéen reconnaît que la première qualité est d’être habile. Dans la pratique, Bob explique utiliser une aiguille neuve et surtout stérilisée, aux fins d’éviter aux clients des contagions de maladies. « Tout ne s’arrête pas là car après l’opération, il est conseillé au client de faire un pansement régulier pour éviter une éventuelle infection de la plaie », précise le perceur. Malgré de telles précautions, la pratique du piercing reste dangereuse pour la peau, indique le Dr Patrice Tapsoba, dermatologue au Centre hospitalier universitaire (CHU), Yalgado Ouédraogo.

Pour lui, le piercing est souvent source de risque de chéloïdes sur les sujets noirs. « Mal exécuté sur les oreilles, il peut entraîner une nécrose qui, par la suite, va devenir une plaie », explique-t-il. Le piercing, poursuit le docteur Tapsoba est dans certains cas, la voie royale pour la transmission du VIH, de l’hépatite B, de la syphilis, des eczémas, et même des maladies bactériennes qui aboutissent à des plaies, des furoncles, etc.
En outre, il souligne que le piercing pratiqué sur la langue ou sur la muqueuse buccale dans la face interne de la bouche, est cause de dommages sur les gencives.

Ce qui, du même coup, conduit à un déchaussement des dents et une perte de l’émail dentaire. Quant à celui du nombril, particulièrement chez la femme, il y a un risque très important de distension abdominale source de déchirure et de douleurs lors des grossesses. Embouchant la même trompette, le professeur en gynécologie, Blandine Thiéba, explique que le piercing sur les mamelons peut entraîner des infections de la glande lactifère. « Il ne faut pas allaiter un bébé avec un sein où il y a un piercing », conseille-t-elle au passage. Et d’indiquer que cette pratique sur les organes génitaux est source d’infections et d’irritations.

Par ailleurs, le spécialiste de transfusion sanguine, du Centre national de transfusion sanguine, Yacouba Nébié, indique que le don de sang et le piercing ne sont pas incompatibles, de prime abord, même si cela exige des précautions spécifiques. « Une personne peut avoir tout le corps percé et donner son sang, si les conditions de délais entre le piercing et le don sont compatibles. Il faut quatre mois après le piercing pour pouvoir donner votre sang », précise-t-il. La préoccupation est de s’assurer qu’il n’y ait pas de risque de transmission de maladie, telle que l’hépatite C à des receveurs de sang.

Loutiri Rita TIEBA

(stagiaire)


Une pratique ancienne aux allures nouvelles

Le mot piercing vient de l’anglais ‘’to pierce’’ qui signifie percer. Le mot exact en anglais est « Body piercing » (piercing du corps). Le piercing correspond à une volonté esthétique ou une démarcation sociale. Ainsi, le piercing a pour but l’amélioration de son apparence, la volonté de se distinguer de l’ensemble de la population ou de s’associer à un groupe particulier. Autrefois, le piercing à l’oreille était un signe distinctif entre l’homme et la femme, mais de nos jours, les punks, les gothiques, les métalleux, les teuffeurs et d’autres groupes utilisent les piercings comme un de leurs moyens d’identification. Il peut également être un rituel d’initiation ou de pénitence. La pratique de la perforation du corps pour y insérer un ornement est très ancienne.

Déjà au Néolithique en Afrique notamment chez les Mursi, une tribu d’Ethiopie, des labrets en pierre étaient insérés au niveau de leurs lèvres inférieures ou des lobes des oreilles. Le piercing au nez est une coutume provenant de l’Inde, portée couramment par les femmes depuis des siècles. Il était aussi réservé aux castes supérieures. En Egypte Antique, des boucles d’oreilles en or étaient portées par des hommes de haut niveau social, à savoir l’appartenance à une élite. Dans certaines régions, le piercing était un signe de servitude et symbolisait l’obéissance stricte que le serviteur devait à son maître.

Le piercing est utilisé par certains pour s’opposer à leurs parents ou à la société. C’est une manière de s’affirmer, de se construire et de s’exprimer. Le piercing est aussi un moyen d’érotiser son corps, car il est associé à des pratiques sexuelles. Au Burkina Faso, le piercing a existé, sinon existe encore, dans des sociétés comme chez les Lobi, dans le Sud-ouest du pays. Cela se traduit par le port d’un « bijou » taillé dans du bois ou une autre matière que l’on introduit dans les piercings des lèvres.

L.R.T : Source : Wikipedia

Sidwaya



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