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Soungalo Apollinaire Ouattara, administrateur de cœur et de raison

mardi 18 mars 2008.

 
Soungalo Apollinaire Ouattara

Sa nomination au sein du gouvernement en tant que ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, chargé des collectivités territoriales, n’a certainement pas été fortuite. Soungalo Apollinaire Ouattara, 51 ans, est un passionné de l’administration des services, mais encore un concentré d’expériences et d’expertises sur la gestion des ressources. Des compétences utiles pour mettre en synergie les potentialités des collectivités territoriales avec la politique de gouvernance locale, à l’échelle nationale, voire au-delà…

Il rêvait, dans son enfance, de devenir… journaliste ! Son désir était de communiquer, de partager les informations du monde avec les populations. Orienté en lettres modernes après avoir décroché son baccalauréat en 1976 au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, et suite à l’obtention de la licence, il est même inscrit à l’Ecole de journalisme du Conseil de l’Entente, à Lomé, capitale du Togo. Mais il était sans doute écrit que ce natif du Capricorne, né un certain 31 décembre, devait suivre un autre itinéraire. Un itinéraire qui a finalement pris ses racines à l’Ecole nationale d’administration (Ena, actuelle Enam), suite au retentissant mouvement estudiantin qui a ébranlé le campus de l’Université de Ouagadougou en 1979. L’aspirant journaliste, qui avait pris une part active dans ce mouvement qui appelait à une réforme du système des examens, s’est, en effet, retrouvé sans bourse.

Ainsi s’est forgée et s’est confortée, au fil des années, cette carrure d’administrateur qui veillait depuis longtemps chez Soungalo Ouattara. « Je me plais bien dans ce domaine. Je suis associé, depuis 25 ans, au système d’administration et de gestion à divers niveaux et j’en tire encore bien des satisfactions », confesse, la main sur le cœur, l’actuel ministre délégué burkinabè, chargé des collectivités territoriales. Et c’est non sans fierté qu’il évoque son passage « passionnant et enrichissant » à la présidence du Faso, où il occupa, de 1995 à 2006, soit pendant plus de dix ans, les fonctions de secrétaire général. Un poste stratégique qui lui aura sans doute permis d’affiner son expertise d’administrateur civil pointu, et de mettre sa riche expérience au service de la première des institutions de la République. D’autant que cet administrateur-là est resté un communicateur dans l’âme, et a même été chargé de cours de liberté publique à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) en 1994.

Préfet-maire à tout faire…

Mais Soungalo Ouattara n’a pas atterri à la présidence du Faso par hasard. Derrière cet homme affable et courtois, se profile un parcours d’administrateur et de gestionnaire, nourri aux sources d’une passion adolescente, et vivifié au gré des responsabilités. Très tôt, en effet, alors qu’il n’était qu’au lycée, le jeune Apollinaire se voit confier les responsabilités de la bibliothèque de l’établissement et de chef de classe. « Cela a forgé en moi l’obligation de rigueur, la nécessité de donner l’exemple », note-t-il. Même s’il avait déjà été pétri dans ces valeurs-là, au cours de son enfance à Koumi (15 kilomètres au-delà de Bobo-Dioulasso, seconde ville du Burkina), où il a été « façonné du point de vue religieux », à l’école catholique de cette localité.

C’est donc avec un certain bonheur que Soungalo Ouattara assume, entre 1983 et 1984, les fonctions de préfet-maire de la commune de Réo et de Haut-commissaire intérimaire de la province du Sanguié. Une époque où les préfets avaient, entre autres, pour missions, de tenir un journal de poste sur les mille et un événements rituels, culturels, économiques et politiques de la circonscription qu’ils administrent, de mobiliser les populations autour des projets de développement et de les informer sur d’éventuelles attaques acridiennes, sur les épizooties ainsi que sur les vicissitudes de la météo… Après le Sanguié, Soungalo Ouattara se retrouve, tour à tour, de 1984 à 1988, dans les provinces du Passoré et de la Gnagna, comme secrétaire général, cumulativement avec les fonctions de préfet-maire de Bogandé et préfet de Thyon. Mais ce n’est pas tout. Son expérience d’administrateur rompu, il le mettra également au service du ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité (1988-1994), et de la Commission nationale de décentralisation (1994-1995), respectivement en qualité de secrétaire général et de secrétaire permanent.

Perpétuel questionnement

On comprend donc pourquoi cet homme est tellement à l’aise lorsqu’il s’agit de débattre ou simplement de brasser des idées constructives en matière d’administration et de gestion de ressources humaines, matérielles, physiques… « C’est mon vécu. L’administrateur civil est tenu d’observer l’évolution des sociétés », admet-il modestement, lorsqu’on lui demande comment il réussit à faire une éloquente synthèse entre l’histoire et l’écriture, pour livrer à la postérité, une œuvre majeure « pour une renaissance de l’Afrique ». En effet, le journaliste qui sommeille toujours dans cet administrateur civil prend bien souvent sa plume pour questionner le passé, scruter le présent et esquisser l’avenir. C’est, du reste, ce qu’il fait si admirablement dans son dernier ouvrage « Gouvernance et libertés locales », paru en novembre 2007 aux Editions Karthala, et qui fait désormais référence en la matière. Un ouvrage qui vient s’ajouter à une liste déjà longue de publications, portées sur l’administration et la gestion des collectivités et qui soulignent le perpétuel questionnement de l’auteur sur les grandes questions de son temps.

Marié depuis 1980 à Mariam Jeannette Sanou, documentaliste, qui lui a donné deux enfants - un garçon et une fille - Soungalo Apollinaire Ouattara adore manifestement l’écriture. Et, lorsque ses charges de ministre délégué le lui permettent, s’il n’est pas plongé dans la lecture de quelque ouvrage, il pianote joyeusement son ordinateur pour être constamment en phase avec les technologies de l’information et de la communication. « Je suis beaucoup porté sur l’informatique et j’adore organiser les services, les administrations, en mettant à profit les avancées de la technologie », assure le fils de feu Shufa Ouattara, ancien responsable administratif de Koumi, décédé en 1980. Assurément, le fils a de qui tenir…

Par Serge Mathias Tomondji


« Gouvernance et libertés locales », Plaidoyer pour une renaissance de l’Afrique

C’est un ouvrage de 240 pages, qui butine ingénieusement les chantiers « pour une renaissance de l’Afrique », et dont la première édition de 3 000 exemplaires s’est épuisée en seulement quelques semaines, au point de nécessiter une réédition. Preuve, s’il en est, que la problématique de ce livre, mais aussi la manière dont elle a été abordée par l’auteur, répondent à une certaine attente, et même à une espérance certaine. Pour Soungalo Ouattara, l’auteur, il s’agit ni plus, ni moins, d’une « réflexion sur les questions de gouvernance, en général, la perception, la réalité de celle-ci dans l’Etat moderne africain ».

Une réflexion profonde, majeure, qui analyse, sans complaisance aucune, des faits historiques sur la base d’exemples de société. Un mélange de cheminements historiques, de faits sociaux et de réalités économiques qui en font « un ouvrage très actuel dans les débats d’aujourd’hui ». Car, et c’est le professeur Louis Millogo qui le souligne dans la postface de l’ouvrage, en s’oubliant trop souvent dans sa quête d’apprendre des autres pour s’affirmer et se développer, « l’Africain a les oreilles dorénavant fermées à la voix de la tradition ; il a les yeux évidemment rivés sur le livre des autres, qui l’émerveille… ». Il faut donc régénérer les racines, pour que le passé, le présent et le futur se lient, « dans une réflexion et une action ouvertes au monde, mais profondément ancrées dans les valeurs positives de l’Afrique ».

Et c’est pourquoi ce livre, écrit par un acteur avisé, en appelle fortement à ces valeurs. Pour l’éditeur, Karthala, l’auteur « ne néglige rien de l’Histoire, de ses ombres et de ses lumières, de la période coloniale au temps de l’indépendance ». Un auteur qui, conscient du « tourbillon de phénomènes et d’événements nouveaux qui interpellent aujourd’hui gouvernants et citoyens », expose, dans un premier temps, « les racines profondes du présent », passe ensuite à la loupe « les pouvoirs africains dans le filet de l’occupant », avant d’explorer, dans un troisième mouvement, les « nouvelles souverainetés nationales et (la) sinuosité de la gestion des affaires locales ».

Tout ce travail d’investigation a finalement permis à l’auteur, dans une démarche à la fois pédagogique et pragmatique, de poser ses « regards sur une pratique de gouvernance en Afrique : la IVe République du Burkina Faso », pour enfin, dans une cinquième et dernière partie, énoncé, en son âme et conscience d’administrateur chevronné et à la lumière de cette longue exploration, « les leviers d’une renaissance ».
Une œuvre majeure, assurément, qui nous convainc que « oui, l’Afrique est soluble dans la modernité ». Si tant est qu’on en doutait encore…

S.M.T.

Gouvernance et libertés locales – Pour une renaissance de l’Afrique, 240 pages, Editions Karthala, novembre 2007

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