
Vote des Burkinabè de l’étranger : Revoir la loi avant sa mise en œuvreLe Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a organisé, mercredi 28 octobre 2009 en début de soirée, un débat autour du vote des Burkinabè de l’étranger. Cette rencontre, qui a regroupé des acteurs de la scène politique nationale et des représentants de la société civile, a pour objectif, selon les organisateurs, de susciter le débat démocratique entre acteurs de la gouvernance. L’Assemblée nationale a voté le 7 mai 2009, la loi sur le vote des Burkinabè de l’étranger. Mais à peine cette revendication des partis de l’opposition et de la société civile satisfaite, la nouvelle disposition d’extension du choix de suffrage de nos compatriotes résidant hors du pays suscite de nombreux questionnements au sein de l’opinion nationale. Aussi, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a décidé de regrouper les acteurs de la gouvernance démocratique afin de leur permettre d’échanger sur le sujet en vue de faire des recommandations pour une mise en œuvre "efficiente et efficace" de ce nouveau dispositif. Au menu de cette rencontre, il y avait une communication faite par le professeur Albert Ouédraogo de l’Université de Ouagadougou. Après avoir donc campé le décor, Julien Natielssé du CGD, laissera la parole au facilitateur du débat, Abdoul Karim Sango, également enseignant à l’université et membre de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), pour le communicateur de cette soirée. Albert Ouédraogo a débuté sa communication par l’histoire politique de la Haute-Volta au Burkina Faso. Une histoire, pour le professeur, qui n’a pas du tout été un long fleuve tranquille avec à la clé une vingtaine d’années d’Etat d’exception. C’est en 1991 que le pays renouera avec l’Etat de droit. Depuis, des élections sont organisées pour consolider la démocratie. Les élections ne concernaient que les Burkinabè de l’intérieur. Pour le professeur Ouédraogo, les Burkinabè de l’extérieur ont tous les mêmes droits que leurs compatriotes restés au pays. Et, à l’entendre, ils sont aussi nombreux que ceux de l’intérieur. En effet, les chiffres du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale estiment leur nombre à 12 millions. Ce qui lui a fait dire que "nous sommes 26 millions et non 14 millions de Burkinabè". Pour lui, il ya très peu de pays au monde où on ne peut pas trouver ne serait-ce qu’un seul Burkinabè. Il faut donc saluer, selon lui, le vote de cette loi qui est le fruit d’un long combat. Seulement, à l’entendre, la mise en œuvre de cette loi, s’avère difficile. En effet, la loi à son article 48 stipule que seuls peuvent s’inscrire sur les listes électorales les Burkinabè déclarés à l’ambassade du Burkina Faso de leurs pays d’accueil. Elle exclut de fait des Burkinabè dont le Burkina Faso n’a pas d’ambassade dans leurs pays de résidence. Des pays comme le Soudan abrite environ 1,5 million de Burkinabè mais le Burkina Faso malheureusement n’y a pas une ambassade. Le Togo voisin accueille près d’un million de nos compatriotes et il n’y a pas d’ambassade du Burkina Faso. En revanche, des pays asiatiques comme la Chine ou le Japon abrite des représentations diplomatiques du Burkina alors que la proportion de nos compatriotes dans ces pays ne dépasse pas une quinzaine, voire une dizaine de personnes. Conséquence, des Burkinabè dont leur nombre ne dépasse guère une quinzaine peuvent voter parce que le Burkina Faso dispose d’une ambassade dans leurs pays de résidence tandis que des millions de Burkinabè vont être privés de ce droit. Au regard de cette donne, le professeur Ouédraogo estime qu’il faut revoir cette loi afin de corriger ce qu’il considère comme une injustice. Pour lui, seul le bulletin de vote confère à l’individu, la véritable citoyenneté en démocratie. Il faut donc corriger cette loi qui comporte des lacunes afin de permettre à tous les Burkinabè de l’extérieur, d’exercer leur droit de citoyens. La communication a suscité des débats fort enrichissants. Dans l’ensemble, les participants estiment qu’il faut revoir cette loi, qui ne peut être remise en cause, mais exclut une importante masse de Burkinabè dans son application. Maître Halidou Ouédraogo, membre du conseil d’administration du CGD, estime qu’il faut une concertation, voire des états généraux sur cette vieille question. Pour Kassoum Kambou du MBDHP, cette loi qui exclut les Burkinabè de l’extérieur aux consultations locales, législatives, sauf la présidentielle et le référendum, est une violation de la constitution. Mousbila Sankara, lui, pense que les partis politiques ont revendiqué cette loi sans tenir compte de leurs capacités dans son application. Selon lui, les partis politiques de l’opposition n’ont pas les moyens d’aller suivre le vote des Burkinabè de l’extérieur dans leurs pays de résidence. Achille Ouédraogo pour sa part propose que l’Etat prenne en charge les représentants des partis tandis que Sibiri Eric Kam se demande si la représentation nationale ne fait pas exprès pour voter des lois inapplicables. Florentin Sawadogo, lui, a proposé qu’une opération gratuite de délivrance de cartes consulaires à l’intention des Burkinabè de l’étranger soit organisée, car le constat est que ceux-ci ne se bousculent pas pour se procurer cette pièce qui est la condition sine qua non pour eux de pouvoir voter selon les dispositions de la loi. Pour le député Dim Salif Sawadogo, l’un des deux représentants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), tout le monde souhaite la relecture de cette loi. "Le CDP y est favorable...", a-t-il relevé. A en croire, le facilitateur du débat, membre de la CENI, un comité de réflexion sur cette loi a été mis en place. Etienne NASSA (paratena@yahoo.fr) Sidwaya Vos réactions (5) |