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Côte d’Ivoire : L’alternative ivoirienne : le miracle ou... le pire !

Publié le vendredi 30 septembre 2005 à 07h04min

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Le 19 septembre dernier, la Côte d’Ivoire a commemoré le troisième anniversaire de sa crise. Trois ans déjà que la paix a déserté ce pays. Trois ans de partition entre le Nord et le Sud. Trois ans aussi que les multiples tentatives de règlement de la crise sont restées vaines.

On y a presque tout essayé mais en vain. Dans une sorte d’indifférence et de résignation à peine voilées, la communauté internationale semble s’être résolue à n’attendre que deux éventualités : le miracle... ou le pire.

Préoccupante au départ, la situation qui prévaut en Côte d’Ivoire a ensuite lassé puis agace finalement. C’est le moins que l’on puisse dire après les initiatives de médiations infructueuses.
Depuis le déclenchement de la crise militaro-politique le 19 septembre 2002, l’état de santé de la Côte d’Ivoire ne s’est jamais amélioré véritablement.
Horsmis le fait que les armes n’y crépitent plus comme aux premières heures du conflit, c’est pratiquement le statu quo. Le climat socio-politique reste des plus malsains ; les tensions de tous ordres sont devenues permanentes et menaçantes.

Bref, le pays d’Houphouët est aux abois... La ligne de fracture entre le Nord et le Sud, entre les Forces Nouvelles (ex-rébellion) et le régime du Président Gbagbo gagne davantage en largeur et en profondeur chaque jour que Dieu fait.

La Côte d’Ivoire aux abois

La suspicion y est généralisée et l’activité économique du pays est au point mort si elle n’est pas en déliquescence. Sur tous les plans, la Côte d’Ivoire porte aujourd’hui les stigmates de la crise. Et aucun signe ne laisse entrevoir la normalisation pour bientôt. Bien au contraire ! Comme si cette situation de malheur n’avait que trop duré, les prochains jours s’annoncent tumultueux pour ce pays. Et ce, parce qu’aux niveaux militaire et politique, il subsiste une forme de confusion qui entretient une sorte de brouillard au bord de la lagune Ebriée.

Chacun sait que le Président Gbagbo, parachuté au pouvoir à l’issue des élections controversées du 22 octobre 2000 termine son contrat le 30 octobre prochain. Etant donné que le leader du Front Populaire Ivoirien (FPI) est en train de vivre ses dernières heures de contrat légal et qu’il est objectivement, matériellement et politiquement impossible d’organiser des élections à la date prévue, la politique politicienne y a repris de plus belle. Tandis que d’aucuns prônent une transition politique sans Gbagbo après le 30 octobre à l’image de l’ex rébellion, d’autres parlent de prolongation du mandat présidentiel. Ces deux positions plus antagoniques que divergentes s’affichent au moment où les protagonistes de la crise ivoirienne, l’organisation des Nations Unies et l’opinion internationale avec, ont constaté l’échec de la médiation du Président Sud Africain, Thabo M’Beki.

Cette énième médiation a échoué alors que le pays entame une étape charnière de son évolution. Plus de médiateur, plus de dialogue donc point de solution. Même si le Président Olusegun Obasanjo du Nigeria se montre favorable à prendre le relais de son homologue Sud-Africain, du côté d’Abidjan, les esprits semblent peu disposés à discuter. Le Président Gbagbo n’a t-il pas juré qu’il ne dialoguera plus avec aucun de ses adversaires ? « Je suis fatigué, je ne discute plus avec quelqu’un » avait-il laissé entendre en substance.

De qui se moquent les protagonistes de la crise ivoirienne ?

Ainsi donc, et comme si les protagonistes de la crise ivoirienne se moquaient des bonnes volontés et de toute la communauté internationale, ils viennent de manifester une fois de plus leur mauvaise foi quant à la sortie de crise. Bamako, Marcoussis, Kléber, Accra I, II et III , Pretoria I etc. n’étaient que des pièces de théâtre au cours desquelles chacun se débrouillait pour jouer son rôle ; après quoi, il s’empressait de se rétracter et de se désengager. Tout se passe comme si les facilitateurs n’étaient que des dindons d’une farce, voire des marionnettes que l’on trouvait du plaisir à ridiculiser.

Sinon, comment comprendre que depuis trois ans, aucune lueur d’espoir de sortie de crise ne pointe à l’horizon.
La réalité est qu’il se trouve des gens qui se complaisent dans ce mélodrame. N’est-ce pas, qu’aussi malheureux que cela puisse paraître, l’imbroglio ivoirien profite bien à des individus ou à des groupes d’intérêts ? En effet, il est inutile de rappeler qu’à l’instar du charognard qui se régale des cadavres, certains -et Dieu seul sait qu’ils sont nombreux- amassent actuellement des fortunes en Côte d’Ivoire.

Que ce soit au Nord ou au Sud, la crise a créé des situations de rentes. Tant et si bien qu’en l’espace de trois ans, des légendaires lumpen se sont métamorphosés en de véritables milliardaires. Ces nouveaux riches se recrutent dans tous les bords aussi bien dans le camp présidentiel que chez les ex-rebelles.

Ceux qui profitent de la crise

Des pasteurs devenus marchands d’armes, des hooligans devenus porte flambeaux d’un patriotisme et d’un anticolonialisme sonnant et trébuchant, des intellectuels devenus des nervis de première classe. Bref, on trouve du tout à Abidjan tant qu’il y a de l’argent à prendre.
Du côté des ex-rebelles, on a mis au placard les nobles idéaux du 19 septembre 2002 qui faisaient leur admiration. Ces derniers ont eu la prouesse même de se forger une réputation en dehors de leurs frontières. Au Burkina Faso par exemple et dans des villes comme Ouagadougou, les nouveaux riches venus de Bouaké ne passent pas inaperçus. A l’instar de leurs semblables locaux qui semblent avoir la discrétion pour totem, ils roulent carrosse, dorment mou dans des quartiers huppés, rotent gras et s’octroient naturellement les belles compagnies.

Pour ces sociaux-jouisseurs des deux camps, la normalisation de la situation en Côte d’Ivoire est synonyme de la fin de l’eldorado. Pas étonnant donc que l’on rechigne à désarmer ; pas étonnant que l’on s’ingénie à inventer des situations de blocages du processus de paix. Le hic est que les explorations des différentes pistes de solutionnement semblent négliger jusque là cette donne d’où les échecs quasi systématiques des initiatives. Et si on n’y prend garde, cette situation de ni guerre ni paix qui prévaut dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest, et dont les conséquences se répercutent dans la sous-région et au delà, risque de perdurer.
Toutefois, il est à reconnaître qu’à l’allure où vont les choses, le statu quo actuel, en dépit de ses préjudices, se présente comme le moindre mal.

Certes, les protagonistes de la crise sont actuellement au stade de la guerre des mots mais dans cette chienlit, il faut se dire que les oiseaux de mauvais augure ne sont jamais loin ; les canons peuvent reprendre bientôt du service. Car, il n’est pas exclu que les uns et les autres se résolvent à régler définitivement leurs contradictions par la violence des armes.

Et à observer et à analyser l’évolution de la situation, cette option tragique (à moins d’un miracle), se présente de plus en plus comme une alternative d’autant plus que les différents pourparlers se sont avérés stériles. Elle le devient de plus en plus depuis quelques jours, car d’autres facteurs non moins importants sont venus s’ajouter au dossier. Sont de ceux-là, la dissidence suivie des menaces de certains officiers des forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et des déclarations du Guide libyen Mouamer Kadhafi.

Quand Kadhafi et le général Doué rentrent dans la danse

On se rappelle que l’ex-chef d’état-major des FANCI, le Général de Division Mathias Doué et l’ex-porte parole de la grande muette le Lt Colonel Jules Yao Yao tombés en disgrâce, ont promis de jouer ’’leur partition’’ dans la crise. Même si ces velléités proclamées ne constitueraient qu’un coup de bluff, elles ne participent ni à l’apaisement, ni à la clarification de la situation.
Il en est de même des récentes déclarations de Mouamar Kadhafi qui ont valeur de soutien au Président Gbagbo.

Morceau choisi : « ...Personnellement, je pense que mon frère le président Laurent Gbagbo est un dirigeant révolutionnaire. On partage la même vision. Quand il y a un dirigeant révolutionnaire dans le monde, dans le tiers-monde plus particulièrement, il y a toujours ces forces réactionnaires, ces forces racistes, impérialistes qui prennent toujours le parti de ses opposants contre lui. Vous pouvez constater vous-mêmes les prises de position des autres à l’égard du président Mugabe, à l’égard du président Gbagbo et à l’égard de la Libye. ».

Fort de cette caution, le président ivoirien qui a un sérieux déficit de légitimité se trouve requinqué, surtout que Kadhafi n’est pas n’importe quelle personnalité.
Tous ces facteurs donc risquent de crisper la situation et de susciter un climat de tension. Il ne reste donc qu’à prier pour qu’à défaut du miracle, que le pire soit conjuré.


Au regard des articles ci-dessous de la constitution ivoirienne, on peut se poser bien de questions. Y a-t-il vraiment un vide, après le 30 octobre ?

Art. 38 En cas d’événements ou de circonstances graves, notamment d’atteinte à l’intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation.
Le Conseil constitutionnel décide dans les vingt quatre heures, de l’arrêt ou de la poursuite des opérations électorales ou de suspendre la proclamation des résultats. Le Président de la République en informe la Nation par message. Il demeure en fonction. Dans le cas où le Conseil constitutionnel ordonne l’arrêt des opérations électorales ou décide de la suspension de la proclamation des résultats, la Commission chargée des élections établit et lui communique quotidiennement un état de l’évolution de la situation.
Lorsque le Conseil constitutionnel constate la cessation de ces événements ou de ces circonstances graves, il fixe un nouveau délai qui ne peut excéder trente jours pour la proclamation des résultats et quatre vingt dix jours pour la tenue des élections.

Art. 39 Les pouvoirs du Président de la République en exercice expirent à la date de prise de fonction du Président élu, laquelle a lieu dès la prestation de serment.
Dans les quarante huit heures de la proclamation définitive des résultats, le Président de la République élu prête serment devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle. La formule du serment est :
" Devant le peuple souverain de Côte d’Ivoire, je jure solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l’intérêt supérieur de la Nation.
Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment ".

Art. 48 Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après consultation obligatoire du Président de l’Assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par message.
L’Assemblée nationale se réunit de plein droit.

Par Bangba Nikiema
Bendré

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Vos commentaires

  • Le 1er octobre 2005 à 14:40, par André JoFLO En réponse à : > Côte d’Ivoire : L’alternative ivoirienne : le miracle ou... le pire !

    Bangba, merci pour votre analyse impartiale dont la finalité est de comprendre la complexité de la situation de ce pays africain.
    En tant qu’africains, nous avons le devoir d’imaginer des voies pour que ce pays frère retrouve la paix et non s’inscrire dans la logique d’une presse à sensation qui souhaite que la situation se détériore davantage. A notre connaissance, aucun pays africain ne peut se dresser en modèle, compte tenu des défis qui interpellent tous les pays africains dans le chantier du développement. Un Camerounais.

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