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Référendum en Algérie : Amnistie ou amnésie ?

Publié le vendredi 30 septembre 2005 à 06h40min

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Boutef. remet cela ! Six ans après avoir été le chef d’orchestre de la concorde civile en 1999, le président algérien met ses concitoyens "face à leur destin" comme le mentionne la manchette d’El Watan, un des quotidiens du pays.

Le référendum sur la concorde civile avait permis la reddition de milliers d’islamistes armés. Et pourtant ce n’était pas du donné loin s’en faut à l’époque : en effet, cette année-là, le Front islamique du Salut (FIS) qui avait gagné les élections de 1992 ou plutôt ce qui en restait ayant été dissous en mars 1992, il jurait toujours de se venger de sa victoire volée.

Et pourtant Abdelaziz Bouteflika, aidé par des officiers supérieurs de l’Armée nationale populaire (ANP), les "Janvieristes", entendez ceux qui avaient mis fin à l’aventure du FIS, réussira cette épreuve référendaire. Il est vrai que l’homme ne manque pas de qualités, legs de plusieurs années dans le sérail du pouvoir, notamment depuis Houari Boumedienne, qui en avait fait son chef de la diplomatie.

Le référendum d’hier 29 septembre est en fait une promesse électorale du Chef de l’Etat. Lors du scrutin d’avril 2004, Boutef. avait fait de cette charte présidentielle sur la réconciliation un élément essentiel de son programme. Cette charte prévoit l’extinction des poursuites judiciaires à l’encontre de "tous les individus qui mettent fin à leur activité armée et remettent les armes en leur possession".

Mais ceux qui sont "impliqués dans des massacres collectifs, des viols ou des attentats à l’explosif dans des lieux publics" en sont exclus. Enfin, le texte interdit également toute activité politique aux ex-responsables du FIS, rendus responsables des différents tueries et viols et prévoit l’indemnisation des "victimes du terrorisme".

Voilà donc 18 millions d’Algériens qui se sont prononcés sur cette sorte de catharsis collective voulue par le premier magistrat. Une initiative qui n’est pas nouveau en Afrique, car rappelant des remake, en Afrique du Sud, et même ici au Burkina avec la Journée nationale du pardon (JNP) instaurée depuis le 30 mars 2001.

En vérité, tous les pays qui sortent de conflits cherchent toujours à panser leurs plaies et à embaumer les cœurs meurtris, bref, à réconcilier les citoyens entre eux. Soit par la justice classique soit par un "effacement des dettes de la violence". Au Rwanda, il y a par exemple le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) mais il y a aussi les gacaca ; en Sierra-Leone, il y a le Tribunal spécial pour la Sierra-Leone (TSSL).

Le référendum du 29 septembre est-il aussi vital que le vote sur l’autodétermination du 1er juillet 1962 qui avait abouti à l’actuel l’indépendance du pays comme l’a affirmé Ahmed Ouyahia, premier ministre de Boutef. ? En tout cas il divise la société algérienne.

D’aucuns voient dans cette réconciliation, la volonté du président d’absoudre les forces de l’ordre de tous les crimes commis pendant les années de plomb (1991-1999), autrement de les "laver" sans qu’elles passent dans la casserole de la justice. D’autres penchent plutôt pour la thèse de la réhabilitation des anciens patrons du FIS, Ali Benhaj et Abass Madani étant désormais libres.

En tout cas que ce soit dans l’un ou l’autre des camps, cette initiative présidentielle n’est pas vue comme innocente, quoique l’initiateur clame qu’il s’agit ni plus ni moins "d’une charte pour la paix et la réconciliation" visant à mettre fin à 13 ans de guerre civile entre forces gouvernementales et groupes islamistes, une guerre qui a fait plus de 150 000 morts et plus de 10 000 disparus.

Certes celui qui a supervisé la rédaction du texte n’est pas n’importe qui : il s’agit de Mohamed Bedjaoui, ancien président de la Cour internationale de justice de la Haye et actuel ministre des Affaires étrangères d’Algérie. Mais suffit-il que la majorité des Algériens (selon les sondages le oui devrait l’emporter avec 59%) répondent par l’affirmative à la question : êtes-vous d’accord avec le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale qui vous est proposé ?

Pour que tout se normalise ? Assurément non, car selon l’une des huit mesures que contient cette charte, toute affirmation visant à rejeter la responsabilité de l’Etat sur certaines "disparitions" est écartée. Pourtant c’est une évidence, qu’au plus fort de la guerre civile, des "bavures massives" ont été commises par les forces de l’ordre, qui les ont mises sur le compte des terroristes islamistes, en évoquant "un terrorisme résiduel".

Alors cette volonté de Boutef. de tourner définitivement la page du terrorisme est-elle vraiment synonyme d’amnestie ou confine-t-elle à l’amnésie ? Déjà c’est un grand pas d’essayer de se pardonner et de repartir sur une nouvelle base. Fénélon disait au sujet de la véritable Nation qu’elle est constituée de "gens qui ont fait des choses ensemble et qui veulent encore en faire ensemble". La Nation algérienne veut remettre les compteurs à zéro, mais le pardon qui ne se décrète pas ne signifie pas oubli, le devoir de mémoire doit demeurer et surtout, le "plus jamais ça" devra rester vivace dans les esprits des Algériens.

Par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga

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