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Laurent Gbagbo : Le réflexe du naufragé

Publié le jeudi 29 septembre 2005 à 08h31min

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Fort du soutien de l’ex-médiateur sud-africain, Thabo Mbeki, Laurent Gbagbo a, dans un discours à la nation le 27 septembre à Abidjan, réaffirmé son opposition à toute phase transitoire après le 30 octobre 2005 et à toute nouvelle médiation, surtout venant de la CEDEAO dont il a accusé des Etats-membres d’être "juges et parties", de soutenir les Forces nouvelles et de piller les ressources de son pays.

Aussi, n’est-il pas prêt à se rendre le 30 septembre prochain à Abuja où se tiendra, à l’initiative du président nigérian Olusegun Obasanjo, un mini-sommet de la CEDEAO sur l’après-30 octobre 2005 en Côte d’Ivoire.

La question est de savoir si le soutien de l’Afrique du Sud et l’interprétation tendancieuse de certains articles constitutionnels sur lesquels s’agrippe le président ivoirien lui suffiront pour conserver le pouvoir en dehors de toute transition après l’expiration du 30 octobre. Avec cette dernière sortie, Laurent Gbagbo n’a fait que rendre officiel le blocage qui se profilait à l’horizon dans la mise en oeuvre du processus de paix depuis la mise en cause de la médiation de Thabo Mbeki par les Forces nouvelles et les partis politiques de l’opposition.

En accusant ouvertement les voisins de soutenir les ex-rebelles et de piller les richesses de son pays, et en appelant l’UA et l’ONU à prendre leurs responsabilités, le numéro un ivoirien montre, d’une certaine façon, qu’il n’est pas un partisan de la paix. Comment peut-il vouloir la paix tout en posant des actes qui ne vont pas dans le sens de la paix ? Par ses déclarations, il vient ainsi de mettre à dos ces Etats qui ont, d’une manière ou d’une autre, travaillé au retour de la paix dans le pays, ne serait-ce qu’à travers leur présence aux différentes rencontres y relatives.

Visiblement, ce qui semble intéresser véritablement le fondateur du Front populaire ivorien (FPI), c’est la conservation de son pouvoir. Ce n’est ni l’intérêt général des Ivoiriens ni la paix dans le pays. C’est dans ce cadre qu’il faut surtout comprendre son refus de la nouvelle médiation de la CEDEAO. Laurent Gbagbo sait, en fait, que les conclusions qui sortiront du sommet d’Abuja ne seront pas forcément en sa faveur, le président Obasanjo, hôte de la rencontre, ayant oeuvré à la disqualification de la médiation de Thabo Mbeki. Sinon, pourquoi refuser toute solution de transition alors que le pays est en réalité sous transition depuis janvier 2003 ? En tant que partisan de la paix, toute initiative allant dans ce sens devrait être bonne à prendre pour lui.

Face à ce paradoxe difficilement compréhensible, l’on se demande à quel jeu joue le fils de Mama. En taxant ses voisins de pilleurs des ressources naturelles ivoiriennes, et en appelant les Nations unies à leurs responsabilités, il fait, peut-être sans le savoir, penser à la crise en République démocratique du Congo où le président Joseph Kabila accuse le Rwanda et l’Ouganda de pillage des richesses de son pays. Or, dans ce cas précis, c’est une transition menant aux élections qui a été préconisée et adoptée comme une solution par la communauté internationale.

Alors, pourquoi le chantre de la refondation ivoirienne s’oppose-t-il, sans raison valable, à toute idée de transition, même venant d’une structure communautaire comme la CEDEAO ? Quel intérêt les Etats de cette organisation ont-il à adopter des résolutions qui ne s’inscriront pas dans la défense des intérêts de la Côte d’Ivoire dans son ensemble, de la sous-région, si affectée par la crise ? L’attitude du président Laurent Gbagbo ne répond donc qu’à une logique : se maintenir à tout prix au pouvoir, advienne que pourra. Un véritable réflexe du naufragé qui, pour sa survie, s’agrippe à tout ce qui est à sa portée.

Sa méfiance vis-à-vis des Etats de la CEDEAO ne s’explique pas, sinon par sa propre conduite basée sur le calcul et la duplicité. Dans ce contexte, il n’est pas du tout étonnant qu’il se retrouve aujourd’hui sans allié au sein de l’institution. Son refus de la médiation de la CEDEAO est la preuve de l’isolement dont il est l’objet au sein de la sous-région ouest-africaine. C’est pourquoi, il appartient aux Etats de la région et à la communauté de faire preuve de lucidité et de responsabilité pour éviter le chaos dans lequel Laurent Gbagbo risque d’engager le pays de Félix Houphaouët Boigny.

A ce niveau l’invitation de Jacques Chirac à Kofi Annan pour une plus grande implication des Nations unies dans le processus de paix et l’initiative de la CEDEAO de tenir un mini-sommet en prélude à une réunion du Conseil de sécurité de l’UA le 6 octobre prochain à Addis Abeba, méritent d’être saluées à leur juste valeur. Pour la paix, aucun effort, aucun sacrifice n’est de trop. Car, sans elle, c’est tout le processus de démocratisation, et du développement du continent qui se retrouverait remis en cause.

Le Pays

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