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Crise ivoirienne : Ouangolo, si loin et si proche du conflit

Publié le mercredi 28 septembre 2005 à 08h22min

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Petite ville ivoirienne surplombant la zone occupée par les Forces nouvelles depuis septembre 2002 et donnant sur le Burkina Faso, Ouangolodougou est aujourd’hui devenue une plaque tournante et un des poumons de l’économie pour ses nouveaux maîtres. Un séjour de 24 h dans la région nous a permis d’en savoir davantage sur le quotidien de ses populations qui, quoique loin des champs de combats, subissent les contre-coups de la guerre et ses corollaires.

Samedi 17 septembre 2005. Nous venons de traverser le pont de la Léraba. Nous sommes désormais dans "la zone rebelle". Le chauffeur du véhicule qui nous transportait commence à rassembler ses documents. Les habitués du circuit emboîtent ses pas et réunissent les jetons qu’ils ont en poche. Mon voisin de droite se retournant vers moi me lance : " Ils vont te demander tes pièces mais sache que cela les préoccupe très peu. Ils ont surtout besoin de sous". Deux minutes plus tard, nous arrivons au niveau du premier poste de contrôle.

Des jeunes soldats et des volontaires (ceux qui se sont joints aux Forces nouvelles pour mener la guerre) demandent aux passagers de faire voir le contenu de leurs sacs de voyages. Les passagers sont fouillés un par un. Le chauffeur se dirige vers le chef de poste et lui tend ses documents. Après des échanges, il a l’autorisation de traverser le barrage. Un jeune volontaire âgé de la vingtaine demande gentiment aux passagers de lui remettre individuellement la somme de 100 FCFA. Après satisfaction, il permet aux passagers de rejoindre le véhicule.

A la gare de Ouangolo, les passagers valent de l’or. Le parc automobile se compose d’une vingtaine de véhicules de marques "Peugeot 504" et "Dina" et amortis pour la plupart. Amadou, le chauffeur qui nous a transportés sur les lieux, sans gêne, nous fera savoir que l’âge des véhicules ou encore leur état importent peu : l’essentiel, c’est que ça roule et qu’on puisse faire le maximum de va-et-vient avec le maximum de passagers à l’aller comme au retour". Et d’ajouter que le transport de passagers et de marchandises est actuellement l’activité la plus juteuse de la région.

Des différents échanges que nous avons eus avec les transporteurs de Ouangolodougou, il ressort que ce domaine est en vogue mais rencontre parallèlement de nombreuses difficultés. Les frais de route ont été revus à la hausse.

Ils sont passés de
2 500 FCFA valables pour trois jours à 2 500 FCFA par jour. A cela s’ajoute le fait qu’aucun de ces véhicules n’est assuré ; les chauffeurs n’ont aucun document pouvant leur permettre de circuler librement dans les pays frontaliers : l’administration en place ne peut leur fournir de documents. Pour la carte d’identité et les autres pièces, il faut plutôt se rendre à Yamoussoukro ou à Abidjan. Des trajets qui exigent des sueurs froides et le déboursement de fortes sommes d’argent (pour ce qui concerne les rackets).

Concernant ce point, le Sergent-chef Namory Karaboué, commandant du secteur de Ouangolo, nous fera savoir que les Forces nouvelles entretiennent de bonnes relations avec les populations de la zone : " Nous assurons la sécurité des populations. Nous faisons tout ce qu’on peut pour leur faciliter la tâche. Pour ce qui concerne les prix des produits et des taxes, c’est une affaire d’opérateurs économiques. C’est eux qui se réunissent et fixent des prix. Et nous les faisons appliquer".

A Ouangolo, la vie suit son cours, comme nous l’a fait savoir un enseignant : "Les élèves vont toujours à l’ école. Nous ne sommes pas payés en tant que tel. Mais, quelquefois, les parents d’élèves cotisent la somme de 500 FCFA par mois afin de nous permettre de vivre".

L’hôpital de Ouangolo continue de fonctionner avec l’aide des bailleurs de fonds et de quelques médecins qui ont choisi de rester. On y trouve essentiellement des produits génériques à la portée de toutes les bourses.
Les populations se sont adaptées à la situation et elles vivent en harmonie avec les Forces nouvelles. Les rues sont animées jusqu’au soir. Les maquis et autres restaurants distillent des chansons du type " coupé-décalé" hostiles aux "rebelles" mais tolérées.

L’électricité est gratuite ; et ce, depuis le début de la guerre. La Radio-télévision de Ouangolo a la tâche de diffuser l’information. Les populations ont à leur portée la chaîne nationale ivoirienne et des chaînes européennes. Le problème crucial se situe surtout au niveau de l’approvisionnement en eau : les délestages sont légion et les quartiers sont approvisionnés à tour de rôle.

Pour le responsable de la ville, le Sergent-chef Namory Karaboué, cette situation a une autre explication : " Le château d’eau de la ville est dépassé depuis belle lurette. Et cette situation était prévisible. Nous sommes en train de réfléchir sur les conditions à réunir pour résoudre le plus tôt possible ce problème".
Les stations d’essence ne sont plus le lieu d’approvisionnement privilégié des usagers de la route. Ils préfèrent se ravitailler dans les "stations par terre" où le carburant frelaté est vendu en bouteille et à vil prix.

A vue d’oeil, Ouangolo est une ville de militaires. La majorité des jeunes ont choisi d’évoluer dans le treillis. Ceux qui ont pu s’offrir la tenue complète (pantalon, chemise treillis et rangers) les arborent comme des trophées, un signe de puissance. Quant aux autres, ils se contentent soit de la chemise, soit du pantalon. La paire de chaussures importe peu.

Et pour "chasser" l’oisiveté, ils n’hésitent pas à faire des parades dans la ville avec des véhicules banalisés ( des véhicules 4x4 frappés à l’effigie de leur compagnie ou de gros engins à deux roues). L’on se croirait dans une zone où tout est permis. Mais ce n’est pas le cas à Ouangolo. L’ordre dans la ville et la sécurité des citoyens sont assurés par deux hommes : le Sergent-chef Namory Karaboué, commandant de la zone nord (Ouangolo) et Souleymane Koné alias Solo Ninja, le Chef de la Sécurité du secteur de Ouangolo.

Dans un entretien qu’ils nous ont accordés, ces deux hommes feront savoir que toutes les précautions ont été prises afin que les échanges entre opérateurs économiques de Ouangolo et ceux du Burkina et du Mali ( via Pôgô) se fassent dans la quiétude. Concernant l’insécurité remarquée depuis quelque temps sur les routes de la sous-région , Souleymane Koné, alias Solo Ninja affirme que son département envisage de mener des opérations en synergie avec les forces de sécurité des pays frontaliers : " Nous n’excluons pas le fait que ces attaques aient des liens avec les mouvements qui ont lieu en Côte d’Ivoire.

Nous avons eu à faire des recrutements sans en savoir beaucoup sur les éléments. Certains d’entre eux pourraient donc être impliqués dans ces braquages. C’est à voir. Nous menons également des opérations afin de repérer et d’arrêter tous ceux qui ont participé à l’attaque de la BCEAO. Nous demandons donc la collaboration des autorités burkinabè et maliennes pour mener à bien cette mission."

Par Alain Dabilougou ( Envoyé spécial )
Le Pays

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