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CDP et exercice du pouvoir : De la nécessité d’un lifting

Publié le lundi 26 septembre 2005 à 08h10min

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"Et la présidentielle, y pensez-vous ?", question d’un journaliste au président du Faso le 7 septembre dernier lors de la rentrée gouvernementale. Réponse de Blaise Compaoré : "Ça, c’est pour bientôt", marquée d’un rire.

Cependant, nul ne sait mieux que le chef de l’Etat, qui est candidat à sa propre succession, que l’échéance du 13 novembre 2005 est un enjeu fondamental pour lui qui doit affronter plusieurs candidats.

Adoubé par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) le 17 juin dernier, le locataire de la présidence du Faso n’ignore pas non plus que ce scrutin ne sera pas comme les deux précédents (1991 et 1998).

Si, à la sortie de l’Etat d’exception en 1991, le président du Front populaire s’est mué en démocrate même s’il est allé seul à la conquête de l’électorat, un vote boudé par l’opposition, et qu’il y a 7 ans il a été "aidé" par deux candidats accompagnateurs, 2005 offre une autre configuration qu’un stratège politique que plus d’une décennie au pouvoir a forgé ne peut ignorer.

Certes, il bénéficie de l’appui d’un parti qui est une véritable machine électorale, le CDP ayant prouvé aux différents votes successifs (législatives, communales) qu’il demeure le parti majoritaire qui, à défaut du "Tuk guili" (tout raffler en langue mooré), s’est toujours taillé la part du lion. Une formation qui le tient à bras le corps et à qui il ne peut rien refuser. Du reste, il n’est pas exagéré d’affirmer que Blaise est la matrice du CDP, qui en empêche l’implosion.

L’explication de cette force du CDP réside dans la qualité des hommes qui le composent mais aussi dans les moyens dont il dispose et surtout dans le fait qu’il exerce actuellement le pouvoir d’Etat. Alors que l’ODP/MT était un regroupement de camarades qui ont crapaillouté ensemble dans des mouvements estudiantins ou politiques, et de révolutionnaires de tout acabit, sa fille, le CDP, s’est enrichie d’apports d’opposants ou de leaders politiques qui s’en étaient éloignés, depuis l’avènement du Front populaire en 1987.

Ainsi, des personnalités telles Kader Cissé de l’ex-Parti pour le progrès social (PPS) et actuel ministre des Mines, Alain Yoda (ministre de la Santé) de l’ex-Union des démocrates sociaux (UDS) puis avec l’ex-Rassemblement des socialistes indépendants (RSI) et Alain Ludovic Tou (actuel ministre de l’Emploi) de l’ex-Groupe des démocrates révolutionnaires (GDR) ont pu, à la faveur de l’avènement du CDP (1996), se joindre au grand creuset, voulu par le P.F. Intégration réussie donc pour ces militants de la 25e heure qui ont fortifié le parti présidentiel en faisant basculer certains bastillons de l’opposition, réputés inexpugnables, dans le giron du CDP.

Mais voilà, en politique rien n’est définitivement acquis, et c’est toujours un perpétuel combat pour se maintenir en pôle position et se faire élire. La preuve, depuis les législatives 2002, le navire battant pavillon CDP tangue. Même si "Notre parti n’a jamais été aussi solide que maintenant", répliquent les bonzes du parti, qui estiment que c’est de la surenchère politique.

Pourtant, non seulement la confection des listes électorales en 2002 a des mécontents au CDP, mais bon nombre de militants ayant donné beaucoup au parti rongent leur frein en attendant d’éventuels subsides sous forme de postes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’éventualité d’une loi pour limiter les mandats des députés à deux est envisagée. Après donc 10 ans de députation pour un élu, il doit "circuler" et laisser la place à un autre de sa région.

Une telle loi, si elle voyait le jour, permettrait à certains de "monter", mais empêcherait que d’autres fassent carrière dans l’hémicycle même si on peut rétorquer que c’est un mandat électif et que c’est aux populations de dire qui doit aller à l’Assemblée nationale.

Le mode de scrutin, le plus fort reste, qui a porté une grande estocade au mégaparti, lors des législatives de 2002, sans oublier la crise née du drame de Sapouy, que le pouvoir a traînée durant tout le septenat, sont aussi des facteurs limitants actuels pour le CDP. Des icônes du parti comme Salif Diallo, Roch Kaboré, Simon Compaoré, Tou Ludovic... feraillent dur pour maintenir le cap, ou plutôt ce que les Anglo-Saxons appellent le target (objectif) : la conservation du pouvoir d’Etat.

Pourtant, il faut se rendre à l’évidence, subrepticement, la machine CDP s’essouffle et il faut y rémédier. Et les discours du genre : "Untel maîtrise son fief, untel est fort, il est bon", n’y feront rien. Soit, il y a des gens qui sont effectivement puissants, électoralement compétents au sein du CDP, encore que la compétence soit limitée dans le temps et l’espace. Encore qu’ils soient nombreux, ceux qui, hissés à un poste de ministre ou DG, peuvent, en l’espace de 5 ans, se forger une envergure de personne-clef dans son village ou sa province.

C’est vrai que ce n’est pas uniquement aux postes de responsabilités qu’on peut œuvrer à l’essor du parti. Le militant lambda, de sa base, apporte sa pierre à l’édification de la formation. Mais avouons que c’est humain, tout homme a fortiori l’homme politique aspire à des ambitions.

Les révocations de maires cdépistes ainsi que les tambouilles au sein des conseils municipaux et dans certaines structures comme à Gourcy où des militants se regardent en chien de faïence (comme ce fut le cas jeudi dernier lors du passage des députés en route pour Ouahigouya pour les journées parlementaires), pire, les défections (même s’il y en a dans tous les partis) récentes survenues dans l’Ouest du Burkina sont symptômatiques d’un malaise au CDP.

Ces départs, qui sont concomittants avec l’absence du coordonnateur des Cascades, Ludovic Alain Tou, et d’un autre grand militant de l’Est, Justin Thiombiano (même s’il n’y a aucun rapport entre les deux faits) n’arrangent pas le parti. Aussi, le CDP, qui est toujours majoritaire gagnerait à rectifier le tir, en procédant à un renouvellement tant de l’appareil du parti, que dans le partage des pouvoirs.

Et cela, le grand horloge politique Blaise Compaoré le peut ; lui seul qui est le "militant émérite du CDP" est capable, en fonction de la géopolitique nationale, d’envisager le lifting de renforcement. Le fera-t-il ? Et quand ? Même ceux qui ont son oreille attentive ne se risqueraient pas à y répondre.

Observateur Paalga

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