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Courant des renovateurs du PDP/PS : C’est ce qui aurait dû se passer à la CNPP/PSD

Publié le lundi 19 septembre 2005 à 07h32min

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Etienne Traoré

Le Burkina est en plein dans la précampagne. A quelque huit semaines de la présidentielle, certains états-majors des formations politiques ont déjà sillonné toutes les provinces, voire le moindre hameau de culture ; d’autres, qui ont pourtant décidé de présenter des candidats, continuent de se prélasser dans les salons douillets de la capitale et inondent la presse de déclarations à longueur de journée. Pour ensuite crier à la fraude quand l’heure du bilan aura sonné.

En dépit de la quinzaine de candidatures déclarées à ce jour à la présidentielle 2005, rarement élection aura suscité aussi peu d’engouement, ce, d’autant plus que sauf ultime surprise, l’enjeu reste peu lisible. Et dans ce Burkina qui semble vibrer au rythme de cette compétition électorale sur fond de corruption, d’assèchement progressif du panier de la ménagère et d’angoisse de lendemains incertains, l’événement politique majeur de la semaine restera sans doute la décision prise par quelques cadres du Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste de donner un coup d’accélérateur à la rénovation de leur parti.

En effet, les 10 et 11 septembre derniers, hasard du calendrier ou choix dicté par la conjoncture internationale, le Centre Abel Sanou de Bobo a servi de cadre à une rencontre entre militants et cadres du PDP/PS qui n’entendent plus, disent-ils, laisser leur parti "aller à la dérive" sans broncher. Et deux jours durant, ils ont fait leur diagnostic des tares dont souffre le parti et ont créé un mouvement dénommé "Courant de rénovation du parti", CRP.

En un mot comme en mille, ce nouveau courant conteste la gestion du parti par la nouvelle équipe dirigeante. Et le porte-parole des contestataires n’est pas un inconnu de la scène politique nationale. Il a pour prénom Etienne et pour nom Traoré. Enseignant de philosophie politique à l’université de Ouagadougou, Etienne Traoré, qui passe depuis quelque temps pour être le mouton noir du parti, reste, quoi qu’on dise, un intellectuel honnête qui a le courage de ses opinions.

Candidat malheureux aux législatives de 1992 sous la bannière de son parti, l’ADES, Etienne Traoré, tout comme d’autres, rejoignirent non peu pour survivre politiquement, le parti du professeur Ki-Zerbo. Avec cet apport de jeunes cadres dynamiques, il était à penser que le PDP/PS serait une très grande formation avec une représentation croissante et certaine.

Et pourtant, dans le document produit par les "rénovateurs", il est dit que le PDP/PS connaît une baisse de représentativité électorale, passant de plus de 18% (1997) à un peu plus de 8% (en 2002) et que la tendance va de mal en pis. D’où cette action énergique des rénovateurs pour "conjurer le déclin".

L’acte politique posé par Etienne Traoré et son groupe est suffisamment rare pour ne pas être salué à sa juste valeur. A quelques exceptions près, nous avions coutume des démissions en cascade d’un parti pour en créer un autre ou tout simplement intégrer un autre où on s’est déjà réservé une place au soleil.

C’est vrai que dans un Burkina frappé de plein fouet par une paupérisation grandissante ainsi que l’analphabétisme et où le premier responsable d’un parti passe pour être un tiroir-caisse, ne pas honorer une ordonnance ou n’avoir pas assisté à des funérailles peuvent vous valoir des démissions du parti. Ici, bien de militants préfèrent être la tête d’un rat plutôt que la queue d’un lion, et peu se décident à livrer bataille de l’intérieur pour rénover leur parti et le préserver du déclin. L’acte posé par Etienne et ses amis mérite donc d’être loué dans la mesure où il contribue à l’enracinement de la démocratie au sein même des partis.

Autrement dit, il faut rester et se battre de l’intérieur pour que les choses changent au lieu de claquer la porte simplement parce que la poignée de main du chef n’était pas chaleureuse. Si en 1993, Ki-Zerbo et ses amis s’étaient battus de manière interne pour rénover la CNPP/PSD, nous aurions eu un parti fort et crédible, susceptible de réaliser l’alternance au pouvoir.

Au lieu de cela, le départ de la frange Ki-Zerbo a fragilisé le parti, le livrant ainsi pieds et poings liés aux appétits gloutons de ce qui était alors l’ODP/MT. Plutôt que de livrer bataille en interne, le célèbre prof. et ses amis ont préféré à l’époque aller voir ailleurs, en créant leur propre formation politique.

Aujourd’hui, c’est le même parti, dont "le déclin continu" suscite les inquiétudes du groupe des rénovateurs, puisqu’après la retraite politique de l’éminent historien, intervenue lors du dernier congrès, ceux qui caressaient le secret espoir d’un rajeunissement en profondeur ont vite déchanté, un papy (Ali Lankoandé) en ayant remplacé un autre.

Nul doute qu’Etienne et ses amis ont quelque part du mérite même s’il faut reconnaître que lui était presqu’en rupture de ban avec son parti pour deux raisons principales :
- primo, suppléant de Ki-Zerbo aux législatives de 2002, il ambitionnait occuper à l’hémicycle le siège du professeur conformément à une promesse que ce dernier lui aurait faite, mais jamais tenue ;
- secondo, à l’issue du dernier congrès du parti, Etienne a pour ainsi dire été mis à la touche, puisque son nom ne figure "étrangement" pas dans les instances dirigeantes du PDP/PS. Est-ce cela qui l’a définitivement convaincu de la nécessité de franchir le Rubicon ? Peut-être. La seule question ici, c’est l’opportunité d’une telle action à la veille de la présidentielle.

En effet, compte tenu de cette échéance électorale, n’aurait-il pas été opportun de parer au plus pressé en se mobilisant autour du candidat déclaré du PDP/PS, Ali Lankoandé, au lieu de créer ce désordre certain et de brouiller la lisibilité des actions de leur candidat ? Là est toute la question. Mais on se doute bien qu’Etienne et son groupe ont longuement médité sur l’opportunité de secouer le cocotier PDP/PS. Ici comme ailleurs, la politique a ses raisons que la raison ignore.

Observateur Paalga

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