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Marlène Zébango : "Faire pièce à la forfaiture qui s’annonce"

Publié le vendredi 16 septembre 2005 à 09h36min

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Dans la déclaration qui suit, Marlène Zébango s’insurge contre ceux qui considèrent que toute l’Opposition a rendu les armes en acceptant les conditions d’organisation "d’un scrutin de bout en bout" , sans combattre.

A l’exemple de beaucoup de politiques, et particulièrement d’opposants, je ne me suis jamais fait des illusions sur la qualité de la démocratie mise en œuvre en Afrique et dans mon pays, le Burkina Faso. Cette démocratie est un leurre jeté à l’appétit des citoyens et du personnel politique pour faire croire que les gouvernants africains sont inscrits à l’école de la démocratie, mais en réalité c’est pour mieux les piéger en les amenant à accepter, grâce à la fraude, aux violences et à la corruption, des règles de jeu tout à fait faussées.

Cette situation nous paraît singulièrement difficile à combattre parce que nos partenaires se préoccupent beaucoup plus de sécurité juridique et économique, de protection de leurs intérêts que de la promotion des droits de l’homme et de la démocratie. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut baisser les bras et fermer toute possibilité, dans l’avenir, à l’avènement de la démocratie sur le continent.

Aujourd’hui, de bonnes volontés soulignent que la transparence est un vain mot au Faso. Preuves à l’appui, nous disons qu’elles contredisent toutes les louanges qui sont faites sur la qualité de notre démocratie, la performance des instruments électoraux (CSI, CENI...), Ia neutralité de nos juges constitutionnels et montrent que des scrutins organisés dans ces conditions ne peuvent pas refléter l’état réel des forces politiques et de la volonté populaire.

C’est tout à leur honneur d’oser dire ainsi ce que beaucoup n’osent plus dire, par peur, par soumission aux sollicitations, par démission de leur obligation d’intellectuels, pour beaucoup d’entre eux. Ce qu’il faut par-dessus tout mettre au crédit de leur courage, de leur patriotisme, c’est aussi leur option de défendre bec et ongles l’interdiction, en vertu de l’article 37, de tout troisième mandat pour tout Burkinabé, et notamment pour Blaise Compaoré.

Mais là où les critiques de ces bonnes volontés me paraissent excessives, c’est lorsqu’elles vont jusqu’à considérer que toute l’Opposition a baissé la garde ou a rendu les armes en acceptant les conditions d’organisation d’un scrutin pipé de bout en bout, sans combattre.

"J’étais de toutes les luttes pour obtenir le bulletin unique"

Là, je me permets, en tant que militante, en tant qu’élue, responsable dans un parti politique d’opposition, d’apporter des corrections. J’ai toujours combattu, à mon niveau individuel, comme au sein de mon parti, le manque de transparence. Beaucoup se souviendront qu’en 1997, je suis allée jusqu’à apporter la preuve de l’existence de listes parallèles. Sur ce point, je n’ai pas souvenance que l’enquête, avec d’autres, que j’ai demandée à l’époque, ait pu être courageusement menée jusqu’à son terme.

J’étais également de toutes les luttes pour obtenir le bulletin unique, son paraphe... Pour les scrutins à venir, conformément à la position prise par Alternance 2005 pour obtenir plus de transparence, notamment dans son document du 15 janvier 2005, je me suis battue pour contribuer à la sensibilisation de l’opinion sur la nécessité de favoriser l’avènement d’une démocratie apaisée, en oeuvrant à garantir la transparence et la loyauté des scrutins.

Lorsqu’au pas de charge, le pouvoir remodelait les textes électoraux à sa convenance, sans dialogue démocratique, qu’ainsi le consensus électoral sur le mode de scrutin volait en éclats, que l’on décidait d’autorité de renvoyer les municipales après la présidentielle, que les mesures pour la transparence tant demandées tardaient à venir, j’ai signé des correspondances au nom de mon parti, le 13 mai 2005, adressées au président de la CENI, au Secrétaire exécutif du CGD, demandant au premier de répondre favorablement aux demandes de l’Opposition, au second de s’investir encore plus pour la transparence.

J’ai également écrit, toujours au nom du parti, aux ambassadeurs accrédités au Burkina Faso pour leur transmettre les conclusions des travaux du parti sur les préalables, en leur expliquant les préoccupations que nous avions par rapport à « la volonté du président sortant de briguer un troisième mandat, aux changements unilatéraux et iniques des dates des élections, et aux fraudes électorales possibles », souhaitant qu’ils « prennent à cœur les problèmes soulevés dans notre document », en précisant notre disponibilité pour « tout échange éventuel ».

Je suis également intervenue dans les médias pour tirer la sonnette d’alarme dans une lettre ouverte aux partenaires techniques et financiers datée du 19 mai 2005. Je leur ai notamment demandé de tout faire pour obtenir que la mesure soit rapportée, et par rapport à la transparence, je leur ai spécifiquement dit ceci : « Obtenez que la photo de l’électeur figure sur la carte d’électeur... Usez de pressions, comme vous le faites dans d’autres pays, pour ramener la démocratie dans son lit ».

"Le pouvoir ne considère pas l’Opposition"

Toujours à la quête de cette transparence, j’ai, à travers des tournées à l’intérieur du pays, informé les structures du parti sur la nécessité de dénoncer la préméditation en cours d’un hold-up électoral, et de se préparer à la lutte. Dans le même temps, l’UNDD, par le truchement de Badéma Baboué, transmettait, le 23 mai 2005, le rapport « Préalable sur les élections à venir » au président de la CENI, adopté par le BEN le 10 mai 2005.

Après cette réunion, faisant part de ses exigences par rapport à la transparence des scrutins à venir, la « Coalition Hermann Yaméogo » publiera le document amendé par elle, sur ces préalables, document de 10 pages qui sera publié dans les journaux.

Inlassablement, ces demandes ont été faites en même temps qu’était stigmatisé le refus de tout dialogue démocratique, pour aboutir à l’élaboration d’un cadre électoral consensuel. Le 22 juin, l’UNDD publiera encore un communiqué pour appeler le pouvoir à la prise de mesures urgentes pour que le fichier électoral soit sécurisé, et notamment pour que la photo de l’électeur et ses empreintes digitales figurent sur la carte d’électeur.

Mais le pouvoir ne considère pas l’Opposition ; il sait ce qu’il a à faire pour obtenir le résultat qu’il souhaite. Le calendrier électoral inversé de façon honteuse ne sera pas modifié ; les Burkinabé de l’extérieur ne pourront pas voter ; les votes multiples seront légion et dénatureront le scrutin, puisqu’on aura eu recours à la multitude de documents d’identification pour l’établissement des listes, qu’une seule personne pourra récupérer les cartes de toute la famille en zone rurale, et que la photo et les empreintes digitales ne figureront pas sur la carte d’électeur.

Ces élections seront d’autant plus dénaturées que le fichier informatique n’aura pas été contrôlé durant tout le processus électoral, comme exigé, que le paraphe du bulletin unique se fera au début de l’opération de vote et non tout au long, que les perdiems ne seront pas distribués aux représentants des partis politiques au moment de l’opération de récupération des cartes.

Encore plus dommageable, Blaise Compaoré briguera un troisième mandat malgré l’interdiction de l’article 37 de notre Constitution. Ceux sur qui on doit pointer un doigt, ce sont ceux qui n’ont pas répondu favorablement aux demandes.

Je voudrais donc qu’on nuance les condamnations à l’inaction de l’Opposition par rapport notamment aux conditions qui prévalent à l’organisation des consultations à venir. Je demande aux militants de l’Opposition de se mobiliser pour pouvoir faire face à la forfaiture qui s’annonce.

Habata Marlène Zébango

Observateur Paalga

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