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Flambée des prix : du nerf, chers dirigeants !

Publié le mardi 13 septembre 2005 à 07h57min

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Il arrive un moment où l’Etat doit mettre sous le boisseau toutes les théories économiques libérales en vogue pour adopter une ligne réaliste et énergique. C’est ce que le gouvernement français a fait récemment, en appelant les grandes sociétés pétrolières à ne pas trop répercuter l’inflation constatée au niveau du baril sur le prix de vente à la pompe.

Thierry Breton, le ministre des Finances, a même menacé d’appliquer une "taxe exceptionnelle" aux compagnies trop gourmandes.

En général, le marché est réfractaire à toute ingérence de l’Etat dans le monde des affaires. Et c’est au nom de ce précepte que nombre de pays africains privatisent à tours de bras les sociétés d’Etat, ferment les yeux sur les dérives et pratiques mafieuses des milieux économiques et, surtout, se désengagent de certains secteurs sur lesquels ils doivent pourtant avoir un droit de regard.

La France , pays développé, dirigé par un régime de droite, pouvait donc appliquer à la lettre les bonnes règles édictées par les Institutions financières et les théoriciens de tous poils sans que l’on ait à redire. Mais non, le gouvernement en a appelé à la citoyenneté des entreprises pour leur dire que l’heure est d’une gravité telle qu’elles ont le devoir d’aider l’Etat à contenir les coûts du carburant.

Cela, après que le gouvernement lui-même ait consenti des sacrifices, en diminuant certaines taxes imposées au pétrole. L’attitude des autorités françaises est bien la preuve que l’Etat peut intervenir dans le milieu des affaires quand la situation le commande. Et dans le cas d’espèce, il était nécessaire d’inviter les sociétés pétrolières au sens du service public. Car il ya un temps pour faire de gros bénéfices et un autre où l’esprit civique doit transcender les intérêts financiers..

Les dirigeants africains ne s’inspirent pas de ces cas fort intéressants. Ils préfèrent se réfugier derrière la fameuse neutralité de l’Etat pour refuser d’assumer leurs responsabilités. Ainsi, les consommateurs sont abandonnés à eux-mêmes, face aux opérateurs économiques.

Or en l’absence d’une société civile forte, les victimes et les perdants sont toujours les populations qui n’ont aucune voie de recours face à certains abus dont ils sont l’objet au niveau du rapport qualité/coût des produits : la Justice est trop longue, coûteuse et aléatoire ; les organisations de consommateurs s’occupent de tout sauf à défendre les consommateurs ; les pouvoirs publics sont très souvent complices des commerçants véreux. Bref, les consommateurs se voient infligés une double punition : non seulement ils sont spoliés, mais en plus, ils n’ont nulle part où se plaindre et se faire justice.

Comme des enfants battus à qui l’on interdit de verser des larmes, les populations, dans leur grande majorité, sont réduites à ruminer dans le silence, leurs exapérations. Pendant ce temps, les dirigeants, eux, ne se refusent rien. La vie chère les affecte peu, grâce à ces prébendes qu’ils s’octroient à tours de bras, dans la clandestinité la plus absolue et au mépris de toute décence. Ainsi en est-il, au Burkina, des députés qui viennent de revoir à la hausse leurs indemnités, désormais de 30 000 FCFA/jour de session contre 21 000 FCFA précédemment.

Comme la Constitution le lui permet en son article 93, "l’Assemblée nationale jouit de l’autonomie financière". Visiblement, nos élus, avec la bienveillance de leur président qui, selon la loi fondamentale "gère les crédits" et "est responsable de cette gestion", usent et abusent de cette autonomie financière dont le premier objectif est d’assurer l’indépendance de l’institution parlementaire et non de s’enrichir sur le dos du contribuable.

Au lieu donc de voter les lois qui contribuent à alléger la misère des citoyens, les parlementaires semblent plus préoccupés à lutter contre leur propre "pauvreté". Ne serait-ce que sur la hausse vertigineuse et récurrente des prix des produits pétroliers, les élus pouvaient avoir leur mot à dire. Car au nom d’un certain libéralisme, les autorités burkinabè ont depuis belle lurette, cessé de subventionner le carburant. Mais elles n’oublient pas de prélever d’importantes taxes sur ce même produit, ce qui contribue à renchérir les prix à la pompe. La flambée des cours du pétrole sur le marché international n’est donc pas un argument défendable pour un Etat soucieux du bien-être de ses citoyens.

Des alternatives sont toujours envisageables, pour alléger les charges des consommateurs tout en offrant à l’Etat d’autres sources de revenus. Malheureusement, au Burkina, on semble manquer d’imagination. Et ce sont les contribuables qui casquent, véritables vaches à lait qu’ils sont. Qu’ils n’espèrent pas, en tout cas, un quelconque secours des députés, engagés eux aussi dans la course à l’enrichissement. Quel monde !

Le Pays

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