LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

"Ce programme de réforme est le plus ambitieux jamais proposé depuis la création des Nations unies"

Publié le vendredi 9 septembre 2005 à 08h08min

PARTAGER :                          

A partir du 14 septembre prochain, s’ouvre à New-York, la 60e session de l’Assemblée générale des Nations unies avec un point principal à l’ordre du jour : la réforme de l’ONU et les interrogations et passions qu’elle soulève. Nous avons voulu déblayer le terrain pour vous, en nous entretenant avec M. Georg Charpentier, Coordonnateur du système des Nations unies au Burkina Faso sur la question.

Sidwaya (S.) : M. Charpentier, vous êtes Coordonnateur du système des Nations unies au Burkina Faso. En quoi consiste votre tâche et le mécanisme de coordination du système des Nations unies ?

Georg Charpentier (G.C.) : Le système de coordination des Nations unies ainsi que mon rôle de Coordonnateur n’est souvent pas très bien compris. On fait souvent la confusion avec ma responsabilité en tant que représentant du PNUD. En effet, la différence c’est que dans mon rôle de Coordonnateur du système des Nations unies, je suis directement accrédité par le Secrétaire général au nom des Nations unies et pour mon rôle de représentant du PNUD, je suis accrédité par l’administrateur du PNUD. En quoi ce rôle consiste ? Il consiste essentiellement à assurer une coordination opérationnelle des activités de l’ensemble du système des Nations unies (N.U.) dans le pays. Alors nous sommes allés assez loin dans ce sens. Il y a une très bonne équipe ici ; les autres agences du système des Nations unies sont connues. C’est l’UNICEF, le FMI, l’OMS, la FAO, le PNUD, l’ONUSIDA. Je représente aussi les agences et les organisations des Nations unies non-résidentes au Burkina Faso. D’ailleurs, le rôle de coordination du système des Nations unies dans les pays fait partie intégrante des réformes proposées par le Secrétaire général récemment dans son rapport sur les réformes.

S. : Est-ce que vous pouvez nous quantifier le parténariat entre le Burkina Faso et le système des Nations unies ?

G.C. : C’est un excellent partenariat ; car je peux le dire d’emblée. La collaboration se fait sur une base de dialogue très ouvert, de collaboration extrêmement constructive sur tous les plans. Je pense que le pays apprécie aussi les efforts de coordination qui sont faits au niveau du système des Nations unies ; mais aussi pour diminuer les transactions qu’un système aussi éparpillé peut engendrer avec la contrepartie nationale. Au lieu de faire six, voire sept réunions de programmation, on peut s’organiser dans cette coordination et n’en faire qu’une avec la même contrepartie nationale. Nos relations sont excellentes. Je pense que le Burkina est un grand supporter des Nations unies aussi bien sur le plan moral que financier.

S. : Depuis quelques mois donc, il y a un débat qui s’est engagé sur la réforme de l’ONU. De quoi s’agit-il en réalité ? Que recouvre cette réforme ?

G.C. : La réforme dans le sens large se fait surtout sur un rapport préparé par le Secrétaire général qui porte sur des aspects de développement, de sécurité, de respect des droits humains. Il se réfère à un nombre très large de choses sur lesquelles on pourra revenir plus en détail. Le débat essentiel qu’on entend un peu plus dans l’opinion, c’est autour d’un aspect de la réforme du système de sécurité. Ce qui ne veut pas dire que les autres aspects de la réforme proposés par le SG ne sont pas aussi importants et porteurs d’un débat, mais sont moins médiatisés.

S. : Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui a motivé la démarche de Kofi Annan pour envisager cette réforme ?

G.C. : Le SG a voulu revoir l’instrument que sont les Nations unies, et dans le temps a mis en place une commission de hauts responsables pour proposer des éléments à la réforme. Ce programme de réforme proposé porte sur la sécurité, sur le fondement même de la Charte des Nations unies dans certains aspects, sur le développement, sur les droits humains... C’est extrêmement ambitieux. C’est le plus ambitieux des programmes de réforme qui ait jamais été proposé depuis la création des Nations unies.

S. : Le 14 septembre prochain va se tenir au siège des Nations unies, une réunion plénière de haut niveau dénommée "Sommet mondial 2005". Est-ce que vous pouvez nous donner les objectifs de ce sommet-là ?

G.C. : Le Sommet vise principalement à revoir l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) vous savez qu’en l’an 2000, il y a eu un premier sommet sur les OMD où un grand nombre de pays se sont engagés à tout mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs, au nombre de 8 ; dont la date buttoir (pour la plupart des objectifs) est prévue pour 2015. Alors la réunion de cette année du 14 au 16 septembre consiste à revoir le chemin parcouru depuis 5 ans. Quelle évolution a été faite dans la logique de l’atteinte des objectifs ? Est-ce qu’on peut maintenir cet engagement sur le plan global ? Est-ce qu’on a fait assez pendant ces premières années sur cet engagement, pour vraiment garantir que les 10 années suivantes seront mieux que les 5 précédentes. Donc le premier objectif est celui de réitérer l’engagement des pays par rapport à cela. Ce sommet sera le plus grand rassemblement des leaders et décideurs politiques mondiaux jamais organisé.

Et au-delà de l’évaluation ou du bilan des atteintes des OMD, il sera aussi question pendant le sommet de confirmer des décisions et d’en prendre de nouvelles, relatives à des propositions qui ont été faites notamment au sein de la réforme des Nations unies, mais aussi vis-à-vis du financement pour le développement et dans d’autres domaines.

S. : Justement en prélude à ce sommet, le Secrétaire général a publié un rapport. Est-ce que vous pouvez nous donner les grands axes de ce rapport que Kofi Annan a élaboré pour soumettre aux leaders dont vous parliez tantôt ?

G.C. : Oui, ce rapport disons, porte pratiquement sur les mêmes éléments de la réforme, puisque les propositions de réforme découlent un peu de ce rapport portant sur la sécurité, donc d’un côté le renforcement de l’outil du Conseil de sécurité, mais aussi par exemple la définition du terrorisme, sur la définition de comment intervenir dans un conflit national, etc. Comment peut-on amener les pays à être plus explicites dans le respect des droits humains dans les principes acceptés par tout le monde, mais qui ne sont pas toujours respectés. Sur le plan central, il y a des propositions, ainsi que sur le plan local ; notamment par le renforcement du rôle de coordonnateur résident.

S. : A propos de la mise en œuvre des OMD, quel regard critique jetez-vous actuellement sur la mise en pratique de ces objectifs ? Quel est l’état actuel de ces OMD ?

G.C. : Il y a des bilans qui ont été faits. Il y a un rapport qui vient d’être fait (le rapport 2005) sur les OMD avec des statistiques qui portent globalement sur les 8 objectifs. Il y a aussi un suivi qui se poursuit sur le plan national. Mais disons à titre général qu’on peut voir à 2 niveaux : sur le plan global on peut dire que les OMD peuvent être atteints en agrégeant les progrès de tous les pays. Par contre, il ne faut pas perdre de vue le rapport sur la réalisation ou l’atteinte des OMD sur le plan national. Malheureusement pour beaucoup de pays en Afrique et en Asie du Sud, il est clair déjà que les OMD ne seront pas atteints avant 2015. Et donc il ne faut pas se satisfaire du fait qu’ils peuvent être réalisés, mais se poser vraiment la question : qu’est-ce qu’il faut faire pour accélérer le rythme...? Qu’est-ce qu’il faut faire de suffisamment drastique pour augmenter les opportunités par lesquelles (peut-être) tous ces pays qu’on voit aujourd’hui puissent émerger, grâce aux OMD en les pousser au maximum.

S. : Qu’est-ce que l’ONU fait pour l’atteinte de ces objectifs-là ?

G.C. : L’ONU est, disons-le, la plate-forme centrale mondiale d’engagements d’abord sur les OMD et de plaidoyers pour les OMD. Et en même temps, l’on coordonne, dirige ou soutient un certain nombre de programmes qui visent à l’atteinte des OMD. Mais ce ne sera pas l’ONU en tant que telle qui assurera l’atteinte des OMD et c’est là où il faut peut-être voir dans les éléments inclus du rapport du Secrétaire général qui sont ceux qui portent sur le développement, sur le financement et la lutte pour l’annulation de la dette, et surtout sur la création d’un environnement commercial plus équitable avec des opportunités de développement industriel, commercial pour les pays qui ont malheureusement accusé du retard dans ce domaine.

S. : Alors, vous préconisez qu’on aille dans le sens des recommandations de Kofi Annan lors du sommet ?

G.C. : Oui, certainement ces questions seront débattues. On a eu des échos très favorables déjà avec l’annulation des dettes pour un certain nombre de pays dont le Burkina Faso ; et on a un écho également favorable de la réunion du G8 en Ecosse où on a parlé de doubler l’aide.

Il y a des signes favorables et le contexte actuel permet de trouver des solutions innovatrices qui créeraient des conditions à l’accélération du développement. Ceci dit, les signes ne sont certainement pas suffisants au regard des besoins des populations. Personnellement je pense que l’élément le plus important dans cette panoplie de mesures est celui de la création de réelles conditions dans les pays pauvres (si on peut les appeler ainsi), une impulsion économique interne par des mesures favorisant le commerce extérieur de ces pays avec des investissements beaucoup plus conséquents. Dans les petites et moyennes industries, dans l’énergie et dans le coût des facteurs de production. Parallèlement, on pourrait demander aux pays soi-disant riches à plus de sacrifices (même si cela est politiquement incorrect).
S. : Revenant à la question des droits de l’Homme, dans son rapport, M. Annan parle de création d’un conseil de droits de l’Homme, alors qu’on sait qu’il y a déjà une commission des droits de l’Homme. Pourquoi un conseil des droits de l’Homme ?

G.C. : Je crois que la question du conseil des droits de l’Homme, c’est pour répondre essentiellement à des défaillances qui ont été notées au sein de la commission. La commission n’arrive pas à traiter des questions des droits de l’Homme de façon continue et actuelle, souvent pour des raisons politiques liées aux membersheaps (membres principaux). Et ça devient très difficile dans des sessions avec 6, 7 semaines pour statuer ponctuellement sur des problèmes, des questions de droits humains qui surgissent. Par conséquent, il ne s’agit pas forcément de remplacer la commission avec un conseil mais de renforcer la plate-forme dans laquelle les questions de droits humains sont traitées par la création d’un conseil avec un siège des membres beaucoup plus réduit et qui aurait les responsabilités permanentes de traiter les questions des droits humains et d’actualité les plus brûlantes.

S. : Il y a aussi une commission intergouvernementale de consolidation de la paix. Est-ce que cette commission est viable avec l’état du monde que nous voyons les questions de terrorisme, les questions transversales ? Comment compte vivre cette commission-là ?

G.C. : Cette proposition a été faite parce qu’il manque sur l’échiquier international une instance qui traite spécifiquement de la période transitoire d’un pays en crise vers une situation de stabilisation. Par exemple, au sein de l’appareil onusien, on a des institutions très rodées dans le maintien de la paix pour assurer la sécurité. Dans une crise, on a des instances qui s’occupent du développement ; mais il n’y a pas une capacité explicite bien définie pour traiter de la transition entre une situation de crise et une situation de paix. Et on s’en est rendu compte avec un certain nombre de crises, surtout celles d’Afghanistan et d’Irak. Ces périodes de transitions sont très complexes. Elles sont assez longues et il faudrait renforcer le cadre dans lequel elles sont traitées. C’est pour ça d’ailleurs qu’au-delà de la commission qui serait une commission de pays membres, il est proposé au sein des Nations unies, de créer un bureau qui fonctionnerait comme secrétariat de cette commission pour traiter des questions de transitions dans les pays en crise.

S. : Parlons maintenant de la réforme même du Conseil de sécurité. Qu’est-ce qui a fondé la démarche de Annan ?

G.C. : Disons que la raison même de fond de la réforme du Conseil de sécurité, c’est clairement que le contexte géopolitique a changé. Et tout le monde en est conscient. La Charte des Nations-unies, la configuration actuelle du Conseil de sécurité est le résultat (vous le savez) de la 2e guerre mondiale. Et donc cela reflétait dans le temps, le contexte géopolitique.

On se plaint très souvent du fait que la plupart des questions de l’agenda du Conseil de sécurité concernent plus l’Afrique alors qu’elle n’est pas représentée par des membres permanents.

S. : Justement, il y a des divergences à propos de cette représentativité. Comment expliquez-vous le fait que certains soient réticents à la réforme du Conseil de sécurité ?

G.C. : C’est le début actuellement médiatisé. Je pense qu’on le fait avec beaucoup d’intérêt. C’est vrai que c’est extrêmement compliqué de trouver un consensus autour de cette question. La proposition du Secrétaire général de l’ONU est l’augmentation à 24.

Avec des sièges permanents d’une part et des membres avec mandat renouvelable de l’autre. D’autres propositions sont également faites, et tout cela sera débattu lors du sommet. Je pense que les leaders trouveront malgré tout des points d’accord. Ce sera un grand débat qui ne doit pas constituer un facteur de blocage.

S. : Par rapport à tout ce qui se trame, qu’est-ce que le Burkina Faso peut attendre d’un tel sommet ?

G.C. : Je pense que pour le Burkina, l’agenda le plus important, c’est celui du développement. Comment les pays s’engagent à nouveau dans le soutien d’aide au développement, les questions de suppression de la dette, les négociations de Doha à partir de 2006. De ce sommet, nous attendons une confirmation forte des pays membres dans leurs engagements. Ce qu’un pays comme le Burkina attend pour accélérer le rythme actuel de son investissement, et faciliter la création d’opportunités.

S. : Est-ce que vous pouvez jeter un regard rétrospectif sur les 60 ans de l’ONU ?

G.C. : Nous fêtons effectivement cette année le 60e anniversaire de l’ONU. A cet effet, je pense que c’est important de réaffirmer la nécessité absolue de l’existence de l’ONU. Personnellement je suis convaincu que si l’on devrait prendre en considération certaines opinions très critiques qui estiment que l’ONU n’est plus utile, on reviendrait encore pour créer à nouveau la même organisation. En plus, je voudrais dire aussi qu’à l’occasion de ce 60e anniversaire, il faudrait peut-être mettre en exergue l’importance et la force du multilatéralisme qui a été mis en évidence ces dernières années. Cela pour retrouver une considération plus grande vers un multilatéralisme comme outil de concertation et véhicule pour le respect des différentes cultures, des différentes aspirations... Tout cela pour converger vers la mise à jour d’une plate-forme qui soit égalitaire et équitable. C’est ce respect malheureusement bafoué que transporte le multilatéralisme.

Boubakar SY
Ged ZOLA(Stagiaire)
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique