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Côte d’Ivoire : Journalistes en péril

Publié le vendredi 26 août 2005 à 07h51min

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Bien qu’en Côte d’Ivoire, aucune dérive ne puisse plus surprendre, il faut reconnaître que les récentes mises en garde du nouveau chef d’état-major de l’Armée, Philippe Mangou, contre la presse (sous-entendu celle qui ne roule pas pour le pouvoir), sont d’une autre époque.

S’il est vrai que l’intéressé est parvenu rapidement à son grade actuel grâce à la courte échelle que lui a dressée Laurent Gbagbo, est-ce vraiment la bonne manière de remercier son bienfaiteur ?

A ce qu’on sache, même si la Côte d’Ivoire est aujourd’hui pratiquement un non-Etat, on ne saurait la transformer en camp militaire et les Ivoiriens en nouvelles recrues marchant aveuglement au rythme de la fanfare d’une Armée ou ce qu’il en reste après la désaffection de la plupart de ses gradés.

Ce qui est sûr, le rôle de la presse, fût-elle ivoirienne sous le régime de terreur de Gbagbo, ne saurait se limiter à cette béate répétition du bréviaire indigeste d’une Armée qui tend à s’écarter de ses vertus républicaines. Ce n’est pas la faute d’une certaine presse ivoirienne si l’Armée s’est laissé ravir sa place par une milice aveuglée, droguée, et par des escadrons de la mort qui ont pratiquement désarmé les vrais bidasses censés défendre l’intégrité territoriale du pays.

En fait, en prétextant la publication, par la presse, des déclarations de Mathias Doué et de Jules Yao Yao pour exiger des journaux de ne parler que de la pluie et du beau temps, les autorités ivoiriennes viennent de glisser sur la pente de la chasse aux sorcières. Ce n’est pas la première fois que les journalistes dans ce pays payent le lourd tribut de leur courage en voulant défendre la liberté de la presse.

Jean Hélène et André Kieffer sont l’illustration parfaite des méthodes fascistes auxquelles recourent régulièrement le régime et ses bras armés qui ont transformé la Côte d’Ivoire en repaire de Ku-Klux-Klan des temps modernes.
C’est le propre de tous les régimes aux abois. Après la presse internationale interdite dans le pays, il aurait été surprenant que la presse nationale ne subît pas la colère des courtisans du régime.

Mais l’expérience a prouvé que lorsqu’un pouvoir se trompe d’ennemis en jetant son dévolu sur la presse, il signe en même temps son arrêt de mort. Comme tous les régimes agonisants et paniqués, avant leur dernier souffle, le régime ivoirien veut emporter sur son passage ceux qui tentent de l’empêcher de survivre.

Sont de ceux-là, Mathias Doué, Jules Yao Yao et de nombreux anonymes. Depuis que ces deux bidasses ont sauté du corbillard et quitté le cortège funèbre qui, inexorablement, mène au cimetière, le pouvoir de Gbagbo est désorienté et n’obéit qu’à son réflexe d’animal traqué.
Désemparé, il faut reconnaître au régime ivoirien le mérite de ne pas oublier le fait que les mots sont parfois plus mortels que les balles.

En se faisant l’écho des déclarations de ces hauts gradés en rupture de confiance et de fidélité envers un régime qui a des cauchemars, la presse ivoirienne, du moins celle qui refuse d’être la voix de son maître, est dérangeante.

Surtout pour une Armée désoeuvrée, une Armée d’opérette qui a pratiquement démissionné et qui est discréditée auprès des citoyens. L’Armée ivoirienne, aujourd’hui inqualifiable, s’invente des ennemis, et s’entoure de fantômes qui n’ont rien à voir avec la situation actuelle et qui, à force d’être accusés, feront tout pour hanter les nuits du régime et le précipiter dans sa tombe.

C’est dommage que lorsqu’un régime est en difficulté, c’est la presse qui est diabolisée. La presse ivoirienne n’est nullement responsable quand une Armée se comporte comme une Armée mexicaine corruptogène, où le respect de la discipline et de la hiérarchie n’est qu’une fiction. Ce n’est pas Blé Goudé, le général auto-proclamé de la rue, qui dira le contraire. Une fois de plus, Laurent Gbagbo met à nu la déception qu’inspire son pouvoir, un pouvoir dont il proclame pourtant à tout moment la légalité.

En attendant la mobilisation internationale autour de cette flagrante violation de la liberté d’informer, il est évident que beaucoup de confrères qui refusent la "pravadatisation" des médias, vont connaître une passe difficile pour ne pas dire qu’ils risquent leur vie.

A la lumière des propos musclés du chef d’état-major à l’encontre de la presse, il est urgent de décréter l’urgence d’une opération de secours à journalistes en danger. D’autant plus que le régime va épargner une certaine presse jusque-là protégée, choyée, animée par des aventuriers et des mercenaires de la plume et prête à jeter de l’huile sur le feu. Quitte à se confondre en excuses après et à raser les murs, en Côte d’Ivoire. Pour des intérêts immédiats, certains ne craignent pas de couper le tronc de l’arbre sur lequel ils sont assis. Ils oublient que les régimes passent et que la presse est éternelle.

Pourtant, on avait aperçu une lueur d’espoir quand les journalistes avaient décidé un "désarmement" des plumes. L’espoir était donc permis de voir cesser les intimidations, les censures sélectives, les saisies et les menaces de mort à l’encontre d’une frange de la presse qui se voulait indépendante. Voilà que le pouvoir en place ameute ses troupes caporalisées et attise le feu en remuant la cendre à peine éteinte.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 26 août 2005 à 19:15 En réponse à : > Côte d’Ivoire : Journalistes en péril

    Bonne lecture d’une situation qui ne demande maintenant qu’un dénouement. Comme l’autre l’a dit, l’armée a pour vocation la protection du peuple et non lui priver d’information. C’est un droit inaliénable, et le général Mangou devra le savoir.

  • Le 29 août 2005 à 13:47 En réponse à : > Côte d’Ivoire : Journalistes en péril

    Bien. Tu as ublié de signer cet article. Tu serais pas un peu peureux mon pote ??

    C’st bien de critiquer avec une hargne si debordante l’armee de la cote divoire, mais regarde autour de toi. Blaire compaoré va etre reelu et vous aurez à trainer votre francafrique sur votre dos pour quelques annees encore.
    Bientot sa va chier chez vous et vous comprendrez ce que cest... Je vous donne 10 ans.

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