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Sénégal : Seck rit, Wade serre les dents

Publié le jeudi 25 août 2005 à 07h31min

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Inondations, « Journée du tirailleur », sont, entre autres, les récents événements qui ont rythmé le quotidien des Dakarois, voire des Sénégalais. Mais l’affaire qui n’est pas près de s’estomper est celle des « Chantiers de Thiès » mettant en cause, depuis le mois de juillet 2005, le maire de cette ville, Idrissa Seck, par ailleurs ex-premier ministre du chantre du « Sopi », Me Abdoulaye Wade.

Idrissa Seck a été épinglé par un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE) pour des malversations dont les montants avoisineraient 46 milliards de FCFA.

En effet, on se rappelle que le Parlement sénégalais avait voté une résolution de mise en accusation de l’ancien premier ministre Idrissa Seck, dont le père spirituel n’est autre que le président de la République, laissant ainsi un grand boulevard à la Haute Cour de justice d’entendre et d’écrouer le maire de Thiès.

Alors qu’une bataille rageuse se menait entre l’inculpé et ses camarades d’hier du Parti démocratique sénégalais (PDS), plusieurs ministres qu’on dit être proches d’Idrissa Seck seront, à leur tour, remerciés du gouvernement pour les besoins de la justice.

Parmi ceux-là, l’ancien ministre de l’Habitat, de la Construction et du Patrimoine, Bâti, Salif Bâ qui a été placé sous mandat de dépôt depuis le lundi 22 août 2005 après son face-à-face avec le juge Cheikh Tidiane Diakhaté.

A lui également, il est reproché plusieurs infractions relevées par les enquêteurs de l’IGE dans la gestion des « Chantiers de Thiès ». Il s’agit notamment d’un tansfert illicite de 22 milliards de FCFA de crédits alloués à son département avec détournement d’objectifs ; le choix d’entreprises fictives ; la passation de marchés de gré à gré ; le paiement à des entreprises sans justificatifs ; le non-versement de précomptes au titre de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Si l’ex-premier ministre a fait usage d’un livre sacré pour réaffirmer son innocence, Salif Bâ, quant a lui, nie tout en bloc et s’est même constitué une véritable armada de neuf (9) avocats. _Comment est-on arrivé au point que le père spirituel jette en pâture son fils alors que de nouvelles échéances pointent à l’horizon ?

Dans une interview accordée par le président du groupe libéral et démocratique, Doudou Wade, au quotidien d’Etat, « Le Soleil », et publiée le 19 août 2005, ce dernier lâche ceci à propos de l’ancien chef du gouvernement : « Idrissa a toujours pensé qu’il ne peut être que Premier ministre d’abord et ensuite président de la République.

La mission est totalement différente de la prétention, surtout quand c’est une prétention démesurée. Il lui est arrivé, lors du dernier Conseil des ministres durant lequel le président de la République lui a demandé de s’expliquer sur les informations qu’il venait de recevoir sur les « chantiers de Thiès », de rigoler. Mais le président lui a dit de ne pas en rire.

L’avertissement a été donné de manière républicaine ». Pour ce député, « au fur et à mesure qu’on avancera, les gens vont être informés qu’Idrissa Seck a eu des problèmes de gestion politique et de gestion de fonds publics. Il a des problèmes de malversations, il a aussi fait une dissimulation de documents administratifs ».

Tout compte fait le président du groupe libéral et démocratique ne passe pas par quatre chemins pour étaler à l’opinion différents actes de rébellion qu’aurait commis celui « qui, dans son site Web, dit être né pour être président ».

Ainsi, a-t-il dit, des ministres de la République, dont Abdou Fall, Farba Senghor, Sérigne Diop, Abdoulaye Diop, auraient été hués à Thiès, ville du maire détenu, sans que ce dernier ne lève le bout du doigt pour protester.

Alors est-ce ce mélange de mépris de l’ex-premier ministre vis-à-vis de son père spirituel et de rébellion qui a fini par fendre le cœur du président pour qu’il se décide à fouetter l’effronté et ses disciples avec le rapport de l’IGE ?

Tout porte à croire que si l’ambiance était restée plus saine entre le président Wade et le maire de Thiès, le rapport des enquêteurs aurait poiroté au fond des tiroirs, comme on le voit un peu partout dans nos pays.

En effet, il n’est plus un secret pour personne que les rapports d’inspections générales d’Etat sont rangés soigneusement dans des armoires et n’en ressortent que lorsqu’on ne peut plus protéger un gourou ou quand on veut se lancer dans une opération de charme en direction de bailleurs de fonds.

Politiquement, ces rapports servent aussi à tenir en respect des camarades politiques trop agités ou des opposants qui auraient, entre-temps, vendu leur âme au pouvoir en place.

Ce qui fait dire à plus d’un Sénégalais que cette affaire des « Chantiers de Thiès » est avant tout une opération de chasse aux sorcières, même si du côté du PDS de Me Wade, on prétexte deux conventions signées par le Sénégal avec les Nations unies en 2003 et avec l’Union africaine, dans le cadre de la bonne gouvernance, de la gestion des deniers publics et de la lutte contre la corruption.

Au nom donc de ces dispositions, il y a ceux-là qui estiment que nos gouvernants ont la bonne matraque pour mâter au moment voulu la personne de leur choix, mais non forcément indiquée.

Si le gouvernement sénégalais avait fait plonger Seck et ses amis au moment où ils fumaient ensemble le même calumet, beaucoup n’auraient rien eu à redire, mais lorsqu’on le fait pendant que la case est en feu, cela peut paraître tout de même moins convaincant.

Ce qui est sûr, l’étau se resserre de plus en plus sur Seck et ses disciples et on a tout comme l’impression que le rire du maire de Thiès lors de son dernier Conseil de ministres suite à l’interpellation du chantre du « Sopi » a été perçu comme du mépris qui méritait une belle correction. Et ça, Seck est en train de le payer cash !

Cyr Payim Ouédraogo
L’Observateur Paalga

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