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Secteurs sociaux et secteurs productifs : La mauvaise politique du financement sélectif

Publié le mardi 23 août 2005 à 08h10min

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Dans des articles signés "Lise et moi", publiés dans 1’Observateur du 13 juillet 2005, des contributeurs au développement de notre pays, parce que venus dans le cadre de la coopération canado-burkinabè, dont on ne peut douter de la vitalité, ont cru bon de dire, à leur manière, un au revoir plein de sous-entendus à leurs amis burkinabè. Ils abordent ainsi, dans leurs écrits, les questions de l’aide publique au développement, les questions sociales, ainsi que celles de la gouvernance.

Un des aspects de leurs écrits nous interpelle parce qu’il constitue, comme le diraient les épistémologues, le "noyau dur" de la philosophie actuelle des développementalistes des institutions internationales. Il n’est pas rare en effet d’entendre les spécialistes des questions politiques africaines ou tout simplement des "experts" commis aux audits de leurs économies, recommander, à tout-va, le renforcement des politiques sociales comme solution à la paupérisation ou pour faire "mode" à la lutte contre la pauvreté.

S’il est une évidence que par nature, l’homme, continuellement, aspire à un mieux-être, que la solidité des filets sociaux est au centre de la réussite de toute politique de développement, cette lecture ne semble pas prendre suffisamment en considération les enseignements de l’Histoire économique en termes d’accumulation du capital d’une part, de création et de redistribution des richesses d’autre part.

Dans la situation actuelle des pays en développement, le danger consiste à faire l’apologie du "tout social" comme solution alternative aux échecs des Programmes d’ajustement structurel que bien d’ économistes de renom avaient vite fait de magnifier, soit par impuissance, soit par incapacité à imaginer autre chose, soit enfin par manque de vision prospective. Et en la matière, la responsabilité des chercheurs semble davantage engagée, comme cela a été souligné dans un de nos articles paru dans le numéro 321 de l’Hebdo.

Réduire les déficits sociaux c’est bien mais...

La trop grande importance accordée aux questions sociales est loin d’être la meilleure solution en considération des points clés suivants :

- premièrement, pour faire du social, il faut des ressources

- deuxièmement, nulle part dans le monde, une société ne s’est développée en recourant exclusivement au social qui, en lui-même, n’est pas générateur de revenus.

- Troisièmement, personne ne refuse de payer le prix des prestations reçues, à l’école ou à l’hôpital ; c’est le fait de ne pas avoir de moyen à cet effet qui pose véritablement problème !

Un adage bien en vogue dit qu’"il vaut mieux apprendre à quelqu’un à pêcher plutôt que de lui donner toujours du poisson". Il nous semble une flagrante contradiction de faire de cet adage un leitmotiv et en même temps prêcher le "tout social" comme étant la panacée pour sortir de la pauvreté.

Au lieu donc de ne mettre l’accent que sur la gratuité ou presque, des services sociaux, et donc de concentrer ses interventions sur la politique sociale, il y a lieu de rechercher, autant que faire se peut, pour l’individu, les moyens de s’acheter les services qu’il désire, c’est-à-dire par une véritable relance des politiques de développement.

Il n’est pas très sage et même indiqué, de consacrer l’essentiel de ses financements à la résorption des déficits sociaux car le jour où ces financements vont se tarir, non seulement les pouvoirs publics auront à faire face à des frondes sociales, ne serait-ce qu’au motif d’une indexation des salaires sur le coût de la vie, mais aussi à des difficultés de financement courant de l’économie.

Les problèmes qu’une telle lecture de la régulation de la vie politique, économique et sociale dans les pays en développement soulèvent sont, d’une part risque de perpétuation de la dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds, parce que justement le peu de ressources, au lieu d’être fructifié, est englouti dans des dépenses sociales ; et d’autre part le risque d’un cercle vicieux est réel.

Il se pose également le problème de l’efficacité de l’allocation des ressources budgétaires en ce qu’elle doit permettre d’atteindre des résultats économiques désirés et ce n’est pas la maximisation des dépenses sociales qui permettra de le faire.

Dans un contexte économique marqué par la concurrence, l’investissement dans les ressources humaines doit s’accompagner d’investissements dans les outils de production et la création d’un environnement économique incitatif du fait que la notion de flexibilité du marché de l’emploi a, de plus en plus, une signification concrète qu’il n’y paraît.

Mieux que cela, la récente annulation de la dette de quelques pays, avec une échéance de remboursement qui donne à méditer sur le sens réel de ce cadeau, fait l’objet de discordance. Des voix s’élèvent pour dénoncer l’unilatéralisme avec lequel ces décisions auraient été prises, arguant en partie de ce que la question touche le contribuable des pays du Nord qui devraient par conséquent être associés à une telle démarche pour mieux l’assumer.

La conjonction de l’adage cité ci-dessus, les récriminations de certains donateurs, les enseignements de l’Histoire, le simple bon sens (car même dans les familles, il arrive que l’on se contente de manger une fois par jour, parce que des projets avec un fort taux de retour sur investissements le commandent) et la dynamique concurrentielle dans laquelle les économies africaines se trouvent, oblige certes, à assurer le minimum social, mais surtout, à accroître les mécanismes de production.

Il y a de fortes chances que doté de ressources financières ou tout simplement de moyen de change, l’individu accepte de payer une part de ce qui peut faire son propre bonheur.

Si donc, au lieu d’investir dans des secteurs productifs, ce sont les secteurs sociaux qui sont privilégiés, parce qu’il y aurait trop de pauvres sous nos tropiques, il est évident que nous remettons nos avenirs entre les mains de ces donneurs de leçons comme "Lise et moi" qui pensent que c’est grâce à leurs "cotisations" que les gens se payent des voitures chez nous !

Pour une approche réaliste

La valorisation du capital humain, facteur clé dans tout processus de développement, devrait donc être vue sous l’angle de l’investissement, car pour améliorer son quotidien et participer activement au développement du pays, il faut être en bonne santé et s’instruire conséquemment, plutôt que sous celui de la consommation.

N’est-ce pas une des raisons pour lesquelles les questions d’emploi, d’opportunités de création de richesses et d’infrastructures économiques sont au centre des préoccupations du président Compaoré, afin que de manière permanente et dans un proche avenir, l’on puisse assurer durablement l’équilibre entre les recettes et les dépenses liées au financement du développement du Burkina Faso ?

Cette approche réaliste se conjugue avec une coopération où les échanges se font sur une base équitable, dans le respect des normes édictées par les organisations communes à tous, pour que solidairement engagés, nous puissions définitivement emprunter les rails du progrès continu.

Brice SAGNAN

L’Hebdo

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