LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Validité de la candidature de Blaise Compaoré : Le dernier mot à la Cour Constitutionnelle

Publié le mardi 23 août 2005 à 08h29min

PARTAGER :                          

La décision du président Blaise Compaoré de se porter candidat pour l’élection présidentielle du 13 Novembre prochain et la lettre ouverte à ce propos signée par trois de ses concurrents, posent à nouveau le débat sur l’interprétation de l’article 37 de la Constitution.

A cause de la limitation à deux du mandat présidentiel, Blaise Compaoré peut-il oui ou non être candidat à sa propre succession ?

La balle est désormais dans le camp de la Cour Constitutionnelle qui, seule et en toute souveraineté, mettra fin à ce battage politico-politicien en se prononçant sur la question. Le débat court depuis février 2000, c’est-à-dire au moment où la session extraordinaire de l’Assemblée nationale se tenait pour examiner les projets de lois relatives aux réformes politiques préconisées par le Collège de sages.

Il comporte -ce débat - des aspects éminemment juridiques, politiques et subjectifs en rapport avec les protagonistes en présence. Il gagne aussi en intensité suivant l’actualité et les échéances politiques du moment. A l’occasion de la présidentielle de novembre prochain, l’avis de la Cour Constitutionnelle sur la question est particulièrement attendu. En attendant, des points de vue sont émis ici et là avec des arguments plus ou moins pertinents pour ou contre la candidature de Blaise Compaoré. Au vu du large éventail des partis de l’AMP on peut dire que la majorité des Burkinabè sont d’avis que les nouvelles dispositions n’empêchent pas le président sortant de briguer un nouveau mandat.

Du principe de la non-rétroactivité de la loi

Tous les juristes et ils sont nombreux qui se sont prononcés sur l’interprétation controversée par les politiques de l’article 37 de la Constitution ont tous admis que d’un point de vue de la règle de droit, la loi n’est pas rétroactive. Ce principe est général et même fondamental dans l’esprit des lois. Il implique de ne pas appliquer une loi nouvelle à des actes, des situations ou des effets qui se sont produits avant que celle-ci ait acquis force obligatoire. De ce fait la rétroactivité de la loi est l’exception rare en droit. Elle concerne du reste les lois pénales, les lois de procédures mais aussi celles pour lesquelles le législateur a manifesté une volonté expresse.

La loi et la Constitution plus que toute autre, disposent pour l’avenir en ce qu’elles édictent des règles de portée générale. C’est pourquoi la révision de l’article 37 de la Constitution intervenue en l’an 2000, n’a pas eu de conséquences sur la durée du mandat présidentiel qui s’achève - 7 ans - elle ne devrait pas non plus avoir d’effet sur des mandats antérieurs. L’article 37 nouveau de la Constitution sanctionne les mandats présidentiels qui courent dès la fin du mandat actuel du président sortant acquis sous l’effet de l’article 37 révisé de 1997. On comprend mieux les déclarations de Me Halidou Ouédraogo qui soutient que "juridiquement, rien n’empêche Blaise Compaoré de se présenter à l’élection présidentielle de 2005". Par contre d’autres spécialistes du droit, constitutionnalistes de surcroît, ont laissé entendre que "en principe, les textes n’ont pas de portée rétroactive. Mais si on le veut, on peut y déroger. On peut donner un effet rétroactif à l’article 37 nouveau de la Constitution". On comprend tout de suite qu’ils font appel aux cas d’exception qui permettent la rétroactivité de la loi pour des raisons qui ne relèvent plus de la règle de droit mais du politique. Dans le même ordre d’idée, d’autres constitutionnalistes dont les affinités politiques sont perceptibles, prônent une rétroactivité partielle de l’article 37 de la Constitution. Dans leur entendement, parce que le mandat actuel de 7 ans n’a pas été raccourci à 5, le principe de la non-rétroactivité a été respecté et l’on ne doit s’en tenir qu’à cela. Pour le nombre de mandats, la rétroactivité doit être de mise. Conséquence, la Cour Suprême doit constater que le mandat de 1991 et celui de 1998 donnent au total 2 mandats pour Blaise Compaoré. C’est la fameuse logique de l’instituteur qui prend les Burkinabè pour des écoliers du cours préparatoire première année avec son exemple de calcul mental :

1 bâtonnet + 1 bâtonnet = 2 bâtonnets. Un calcul trop simpliste pour ne pas laisser paraître les motivations véritables de ceux qui s’y exercent.

La politique politicienne au secours du juridique

Les théoriciens du droit connaissent bien cette maxime : "Quand la politique entre au prétoire, le droit s’enfuit par la fenêtre". Dans la même logique, quand la politique politicienne s’investit à interpréter les lois qui plus est la Constitution, les risques de dérives sont importants. Dans le cas d’espèce, parce qu’il s’agit d’organiser la dévolution de la fonction présidentielle, ces risques de dérive sont encore plus grands.

En effet, pour les adeptes de "l’Alternance obligée", la révision de la Constitution en 2000 est une opportunité inespérée pour mettre hors compétition un challenger puissant. Ce n’est pas par hasard si ceux qui défendent la rétroactivité de l’article 37 se recrutent parmi les militants, les leaders et les candidas de l’opposition. Pour ce beau monde, tous les moyens sont bons pour conditionner l’opinion sur le "long règne" de Blaise Compaoré et militer pour son "renvoi" par une fraude insidieuse à la Constitution. On pense que limiter le nombre de mandat à la tête de l’Etat ou imposer la rétroactivité de l’article 37 nouveau de la Constitution sont les seuls moyens légaux pour faire partir le président Blaise Compaoré, c’est faire injure à la maturité des citoyens burkinabè. En effet si Blaise Compaoré gouverne mal, les urnes le sanctionneront dès novembre prochain. A l’opposition de se montrer plus persuasive dans ses propositions alternatives et sa campagne électorale. Les conditions de transparence des élections sont réunies nous semble-t-il. Seuls les programmes, le discours et la crédibilité des candidats feront la différence.

L’alternance, un mouvement de balancier ?

L’opposition burkinabè a l’art de se dissiper dans le dilatoire. La relation que l’on veut établir à force de sophisme entre limitation de mandat, rétroactivité de l’article 37 de la Constitution, alternance politique et démocratie est fort tendancieuse. En effet, les spécialistes de la science politique définissent l’alternance au pouvoir comme un "transfert de rôle conduisant deux partis ou deux coalitions à vocation majoritaire à exercer tantôt le pouvoir, tantôt l’opposition". Ce n’est donc point un jeu de à chacun son tour au gouvernail et pour un temps convenu. Un jeu qui serait mû par un sentiment de compassion et d’accord tacite entre adversaires politiques.

S’il devrait en être ainsi, où met-on la compétition politique avec ses avantages de stimulation des idées et des acteurs ?

Des candidats à la candidature

La compétition politique doit être pleine et dans le respect des lois et de l’adversaire. C’est en cela que la démocratie se bonifie. Pour ce faire, et à propos de l’interprétation de l’article 37 de la Constitution révisée, la balle est aujourd’hui dans le camp de la Cour Constitutionnelle. C’est son rôle d’apprécier la constitutionnalité des lois, de les interpréter et d’indiquer dans quel cas elles sont appliquées ou transgressées. Pour le cas qui nous concerne, il est clair que les Burkinabè sont divisés. Elle doit alors jouer son rôle d’arbitre au-dessus de la mêlée partisane. Du reste, tous les 13 à 16 candidats déclarés à cette présidentielle, sont des candidats à la candidature. Avant l’examen de leurs dossiers de candidature et au vu de la loi, le citoyen profane ne peut pas dire que telle candidature est plus acceptable que telle autre. Ce jugement technique appartient à l’institution technique créée à cet effet. Sa décision souveraine devrait être acceptée par tous. Ainsi va la démocratie.

Djibril TOURE

L’Hebdo

P.-S.

Lire aussi :
Présidentielle 2005

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 25 août 2005 à 09:17, par Emile OUATTARA En réponse à : > Validité de la candidature de Blaise Compaoré : Le dernier mot à la Cour Constitutionnelle

    Il est quasi certain que la cour constitutionnelle va accepter la candidature de Blaise COMPORE. Blaise COMPAORE va donc aller aux élections. Il est certain aussi qu’il va les gagner. Il est encore certain qu’il gagnera les élections présidentielles de 2010 (je le parie). Mais les opposants politiques qui ont osé remettre en cause la candidature de Blaise COMPAORE aujourd’hui ont réussi une chose : c’est d’avoir attiré l’attention des burkinabé sur le cumul excessif des mandats présidentiels.

    En effet, il n’est pas exclu qu’à l’approche de la fin du deuxième quinquenat, la majorité parlementaire complètement soumise à Blaise COMPAORE, veuille nous préparer une autre salade, à savoir prolonger de nouveau sa présence à la tête de l’Etat en modifiant de nouveau la constitution. Ce qui serait inacceptable. Il faut se préparer à cette éventualité dès maintenant pour éviter au peuple burkinabé la gestion douloureuse de la "prostate" d’un chef d’Etat. Le peuple burkinabé doit veiller à cela et merci aux opposants politiques qui eu ont le mérite de préparer l’opinion publique nationale et internationale sur une éventuelle modification de la constitution au cours des dix ans à venir.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Groupe des cinq : Savoir raison gardée
La gueule de bois des lendemains électoraux !
Les leçons d’un scrutin
Présidentielle 2005 : Ce qui devait arriver arriva
L’opposition burkinabè : Les causes d’une défaite
Analyse des résultats : On récolte ce qu’on a semé
Présidentielle au Nahouri : Le PAI analyse sa défaite
Election présidentielle : L’AJCBC dit merci à la jeunesse