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Benoît XVI aux JMJ : Entre rigueur dogmatique et nécessaire ouverture

Publié le lundi 22 août 2005 à 08h42min

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Depuis qu’il a succédé à Jean-Paul II au trône de Saint Pierre, beaucoup d’analystes, sans même lui accorder un délai de grâce, se sont demandé si Benoît XVI sera un pape de continuité ou de rupture avec l’oeuvre de son prédécesseur. Certains ont même parlé de pape de transition dont l’âge (78 ans) avancé laissait présager qu’il ne pourrait pas fondamentalement bouleverser de fond en comble la colossale oeuvre (politique, sociale, morale et théologique) de son devancier.

De toute évidence, il convient de rappeler que Benoît XVI a été pendant le long pontificat de Jean-Paul II, l’ange gardien sinon l’inspirateur du dogme puisqu’il était le chef incontesté de la congrégation pour la doctrine de la foi.

Par ailleurs, il est improbable qu’un pape, fût-il Benoît XVI, puisse, comme par un coup de baguette magique, laisser aux vestiaires ou reléguer aux oubliettes, l’héritage légué par Jean-Paul II après 28 ans de Pontificat et durant lesquels il s’est taillé la stature d’un homme de dimension internationale. S’il est vrai que le Cardinal Joseph Ratzinger doit sa longévité à son poste de garant du dogme, à sa fidélité à la pensée de Jean-Paul II, néanmoins, il faut reconnaître qu’il n’agissait pas uniquement par procuration. Il partageait les mêmes convictions que son supérieur.

Il n’empêche que dans un monde troublé, en perpétuelle évolution où beaucoup de gens perdent de plus en plus leurs repères, où les vocations fondent comme neige au soleil, où les appétits matérialistes prennent le pas sur les considérations morales, où enfin la déchristianisation, surtout en Occident, va à une vitesse vertigineuse, Benoît XVI ne peut que se débarrasser de certains aspects d’un dogmatisme sans concession s’il veut être à l’écoute du monde actuel qui n’a pas les mêmes défis à affronter que ceux du siècle passé.

Il est difficile aujourd’hui de convaincre ces millions de déshérités, ces laissés-pour-compte d’un monde injuste où les richesses ne sont pas équitablement partagées et où les plus forts écrasent les plus faibles, que l’homme ne vit pas seulement de pain. Difficile aussi de convaincre toute cette légion d’affamés qu’il existe un enfer dans l’au-delà après celui qu’ils vivent présentement sur terre.

Le nouveau pape peut-il en effet susciter de nouvelles vocations et endiguer la vague déferlante de désaffection vis-à-vis de la religion, s’il ne prend pas en compte la fameuse théologie de la libération qui voudrait que les hommes d’église ne se contentent pas uniquement de distribuer des sacrements, mais qu’ils s’engagent dans le combat politique aux côtés de ceux qui sont abandonnés sur le quai du progrès ?

D’ailleurs, aucun pape ne saurait aujourd’hui s’enfermer dans les frontières figées du dogme. Ce serait refuser d’épouser son siècle. Quatre mois après son élection à la tête du Vatican, Benoît XVI a pu prendre devant 700 000 jeunes, la mesure des motivations, qui ne sont pas forcément chrétiennes, de cette importante composante de la société.

Aussi bien de jeunes catholiques, de protestants que de jeunes musulmans, parfois dans un décor qui ressemble à celui du chemin de Croix emprunté par Jésus, ont entrepris le pèlerinage de Cologne. Un tel brassage spontané peut être interprété comme un appel du pied à cet indispensable dialogue inter-religieux dont Jean-Paul II s’était fait l’avocat intraitable.

Benoît XVI peut-il s’inscrire en faux contre une telle exigence quand on sait qu’aujourd’hui, tant d’amalgames tendent à opposer les religions sur fond de lutte contre le terrorisme international dont l’Islam serait le terreau ? On sait ce que ces confusions et ce manichéisme ont coûté et continuent de coûter au monde en termes de conflits armés, de guerres de recolonisation, d’hégémonisme, d’appétits géostratégiques, géopolitiques et de pertes en vies humaines.

Enfin, il n’est un secret pour personne qu’en Occident, ce sont les personnes âgées qui constituent l’essentiel des fidèles de la religion chrétienne. Le message de l’Eglise semble mal passer au niveau des jeunes qui, de plus en plus, désertent les lieux de prière. Même en Afrique où l’Eglise trouve une compensation au déficit de foi de l’Occident, les jeunes ne semblent pas se presser aux portes des églises.

D’où la prolifération de ces nombreuses sectes qui proposent des contre-valeurs en lieu et place de celles égrenées par l’Eglise officielle ou universelle. Toujours est-il que les jeunes attendent de Benoît XVI sur un sujet sur lequel son prédécesseur n’a voulu faire aucune concession. Il s’agit de tout ce qui a trait à l’existence de l’homme, la naissance, la mort, l’avortement, les contraceptifs, les grossesses, l’euthanasie, etc.

Pour Jean-Paul II, le monde actuel est dominé par la culture de la mort. Farouchement opposé à l’avortement, Jean-Paul II s’était arc-bouté sur le premier des dix commandements pour affirmer avec force que c’est Dieu qui donne la vie et que c’est lui seul, et personne d’autre, qui a le droit de reprendre la vie.

Pour lui, l’avortement est une forme d’homicide puisqu’on ôte la vie au foetus qui est un être vivant. Mais, pour une certaine opinion, la vie cesse d’être la propriété de Dieu dès lors qu’il l’a donnée à un individu qui peut en disposer comme il veut. Sans adhérer à cette sentence extrême, il faudrait au nouveau pape, tout un trésor d’imagination pour convaincre des jeunes qui, face à des problèmes existentiels récurrents ne peuvent qu’être tentés de s’écarter de certains préceptes.

Après donc la XXe édition des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), le nouveau pape devra faire la part entre rigorisme et incontournable ouverture de la religion vers un monde qui n’est plus le même. L’avenir de la religion dont il est le porte-flambeau en dépend. Il semble l’avoir compris en affirmant qu’au sein de l’Eglise, il y a bel et bien la bonne graine et l’ivraie.

En tout état de cause, le premier voyage de Benoît XVI est une occasion pour lui, de s’affirmer face aux contradictions qui secouent l’Eglise et au doute qui s’est emparé de certains fidèles. Sans céder aux sirènes des "tripatouilleurs" de la Sainte Bible, il devrait être à l’écoute et comprendre que le monde actuel ne peut plus s’accommoder de certaines prises de position qui dégagent certaines odeurs "d’opium" des peuples.

Le Pays

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