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Burundi : Nkurunziza à l’épreuve du pouvoir

Publié le lundi 22 août 2005 à 08h42min

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Qui a dit que le sport ne conduit pas à tout, à condition d’en sortir ? En tout cas, Pierre Nkurunziza, professeur de sport au Burundi, est depuis le 19 août dernier le premier président de l’après-transition et le second de l’histoire contemporaine de ce pays (le premier ayant été Melchior Ndadayé, assassiné en octobre 93), confimant que du sport à la politique, il n’y a qu’un pas, qu’il a franchi du reste depuis des lustres.

En effet, le leader des ex-rebelles des Forces pour la défense de la démocratie (FDD), seul candidat à la présidentielle de vendredi dernier, a obtenu 94% des suffrages exprimés dès le premier tour, passant haut les mains ce scrutin qui n’était qu’une formalité pour lui (lire le Regard sur l’actualité du 12 juillet intitulé : Nkurunziza sur un boulevard).

Personne ne doutait en tout cas de la victoire du patron du Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), qui avait engrangé la majorité à l’Assemblée nationale, au Senat et aux municipalités. Et pourtant, rien n’était joué dans ce petit pays bien arrosé qui, depuis 1993, n’a connu que la violence... jusqu’aux fameux accords d’Arusha (Tanzanie) signés le 28 août 2000, qui marquaient une étape fondamentale vers le retour à la paix. En février 2005, les Burundais enclenchaient le compte à rebours avec l’approbation, à la majorité, de la nouvelle Constitution. Un texte fondamental qui répartit le pouvoir législatif entre les deux principales ethnies du pays, les Hutus et les Tutsis.

Le calendrier électoral qui avait été arrêté à l’époque a été respecté dans l’ensemble alors qu’on a craint, à un certain moment, une transition sans fin. Mieux, chaque camp a joué franc jeu, exceptés les forces du Palychutu-FNL (Parti pour la libération, du peuple hutu-forces nationales de libération) qui continuent à faire le coup de feu dans le Bujumbura rural.

De ce fait, le pouvoir sera éthniquement équilibré, pour respecter également l’esprit de la Constitution qui a exclu Domitien Ndayizeyé et Pierre Buyoya de la course, tous deux ex-chefs d’Etat du Burundi. En vérité, il faut donc féliciter les protagonistes de la scène politique burundaise qui ont su faire preuve de pragmatisme en transcendant leurs divergences (le syndrome du scenario catastrophe de 1993 y est aussi pour quelque chose), pour arriver à ce agrément politique. Qui aurait cru que l’armée, dominée par les Tutsis minoritaires, allait être équilibrée à ce jour ?

A ce sujet, Nkurunziza a réussi à intégrer les Hutus, son ethnie, dans une armée (composée à parité de Hutus et de Tutsis) atteinte depuis des années par l’ethnocentrisme du fait des discours politiques. Qui aurait parié, qu’en 2005, six des sept mouvements rebelles déposeraient les armes au Burundi ? A l’évidence les Burundais veulent la paix, et se donnent les voies et moyens pour y parvenir, en provoquant catharsis et signes forts pour rassembler.

Du reste, le CNDD-FDD a pu hisser son champion à la magistrature suprême grâce à un discours rassembleur, de paix et de changement. Voilà donc l’ex-rebelle hutu Pierre Nkurunziza à l’épreuve du pouvoir. Une chose en effet est d’être un bon rebelle, donnant des estocades au pouvoir en place, ou un opposant populiste, et une autre chose est d’endosser les habits de chef d’Etat. L’histoire politique récente d’opposants ayant accédé à la présidence a édifié les citoyens et la communauté internationale qu’un bon opposant n’est pas nécessairement un bon chef d’Etat...

car entre la stature de président et celle d’opposant, l’écart est abyssal et bien des opposants, surpris par l’exercice du pouvoir, sont tombés dans ce grand fossé. En créant le CNDD-FDD en 1994, Nkurunziza était loin d’imaginer qu’à 40 ans il accéderait au sommet de l’Etat.

Certes il a la jeunesse avec lui, les institutions qui l’ont élu au suffrage indirect lui sont acquises et les citoyens ont la volonté d’instaurer un Etat de droit. Cependant, le pays qui occupe le 173e rang/177 dans le classement de l’indice de développement humain a de nombreux défis à relever : santé, éducation, bonne gouvernance, bref, il doit réapprendre à vivre démocratiquement.

En cela, les chantiers qui attendent Nkurunziza sont immenses, et après les discours, et passé l’état de grâce dont il va bénéficier, il lui faudra montrer des signaux forts, passer aux actes, afin que ses compatriotes le jugent et le jaugent. Déjà le major Pierre Buyoya déclarait à l’issue de la présidentielle, alors qu’il était de passage à Lomé, que Nkurunziza devra convaincre, entendez travailler à prouver que c’est au pied du mur qu’on reconnaît le bon maçon.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Observateur Paalga

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