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Côte d’Ivoire : En finir avec la logique de guerre

Publié le lundi 22 août 2005 à 08h58min

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"Tous, si vous croyez encore à l’idéal d’unité, de paix et de prospérité partagé, prôné par feu Félix Houphouët Boigny, deviez prendre part dans ce combat, quelles que soient votre origine, votre profession, votre conviction politique et votre confession religieuse".

Ces propos de l’ancien chef d’état-major des Forces armées ivoiriennes, le général Mathias Doué, contenus dans une lettre ouverte au président ivoirien Laurent Gbagbo sont depuis ces derniers jours, l’objet de conversations et des sujets de commentaires de plusieurs journaux tant en Côte d’Ivoire qu’à l’étranger.

De quel combat parle Doué dans une Côte d’Ivoire en proie aux troubles, divisée dans une situation de ni guerre ni paix et à deux mois d’une élection présidentielle sinon impossible, du moins difficile pour ne pas dire périlleuse ? Le combat dont parle l’ancien chef d’état-major des Forces armées ivoiriennes ne serait-il pas celui d’un homme amer qui regrette de n’avoir pas joué le rôle qu’on attendait de lui au moment où son pays, au vu et au su de tous, sombrait dans le chaos ? Est-ce aujourd’hui qu’il lui faut demander à la communauté internationale de faire partir Gbagbo au moment où celui-ci met en place un système de guerre ? Est-ce de la gesticulation ou de la fanfaronnade quand Mathias Doué soutient qu’il ferait partir le président ivoirien si la communauté internationale n’agit pas ? Avec d’ailleurs quels moyens et alliés ?

Pour sûr, il y a bien des zones d’ombre dans la position actuelle de l’ancien chef d’état-major des Forces armées ivoiriennes que le temps aidera sans doute à éclaircir. Le parcours militaire et politique de Mathias Doué est tel que son nom est associé à la Côte d’Ivoire de ces dernières années. Pour être plus précis, à la Côte d’Ivoire des coups d’Etat et tentatives (fausses ou réelles) de coups d’Etat, à la gestion politique et militaire au plus haut niveau de l’Etat tant sous l’ancien président Robert Guéi que sous Laurent Gbagbo, à la crise militaro-politique grave dans laquelle se débat ce pays, surtout depuis le déclenchement de la rébellion, le 19 septembre 2002 et bien sûr, à la partition de fait du territoire entre Nord et Sud.

Mathias Doué soutient qu’il veut mettre fin à cette situation et refaire une Côte d’Ivoire à l’image de celle que Houphouët Boigny leur a léguée. Cette Côte d’Ivoire là, la communauté internationale a déployé tous ses trésors d’intelligence, de sacrifices pour la sauver. Depuis janvier 2003 et la signature des accords de Linas Marcoussis en France, aucun accord de paix n’a pu être appliqué de façon effective. Au point que cette communauté internationale, comme lassée et découragée, tombe de plus en plus dans l’indifférence avec la conviction que l’unique enjeu pour les parties en conflit est le seul contrôle du pouvoir d’Etat. Même les massacres à tour de bras des populations civiles en mars-avril 2004, novembre-décembre de la même année, juin-juillet 2005 pour ne citer que ces exemples et surtout les tueries et spoliations des allogènes dont de nombreux Burkinabè contraints et forcés de fuir le pays laissent de marbre les autorités ivoiriennes. Comme d’habitude, le gouvernement d’Abidjan et la rébellion se rejettent toujours la paternité des nombreux blocages dans l’application des accords de paix.

La paix devient chaque jour qui passe une ligne d’horizon. En dépit des dénégations et des professions de foi, on s’achemine, avec les nouvelles difficultés nées de l’interprétation des accords de Prétoria, vers une impasse totale. Conséquence possible : à l’issue du 30 novembre prochain, date prévue pour la présidentielle, il faut bien craindre que la situation ne se détériore totalement et tourne à la guerre civile surtout qu’on suspecte les deux camps de s’être fortement réarmés, donc d’entretenir la logique de guerre.

Mathias Doué, contrairement à nombre de personnes soutient que l’élection présidentielle à venir ne sera pas la solution au retour à la paix et à la réconciliation en Côte d’Ivoire. Pourtant, l’Union africaine et les Nations unies entre autres ne jurent que par cette consultation capitale qu’elles veulent du reste transparente, libre, équitable, démocratique. Conditions à leurs yeux, d’un retour à la paix. Autrement dit, on ne pense pas à une transition où la mise du pays sous tutelle de l’ONU.

Il est malheureusement un fait indéniable : les conditions d’une élection digne de ce nom ne sont pas réunies. Cette réalité donne un sens particulier à "l’appel" de Mathias Doué qui, sans le dire expressément, pense à une transition dont il sera le président ou tout au moins à une phase pour faire cesser, comme il le dit lui-même, les exactions et les assassinats sur les populations.

On aura laissé Gbagbo aller jusqu’au bout de sa logique : gouverner dans la peur, les larmes et le sang au point de déchirer son pays. Son ancien chef d’état-major, aujourd’hui dans la clandestinité, affirme qu’il prendra bientôt les choses en main pour une autre façon de diriger.

Prévenir, dit-on, vaut mieux que guérir. C’est la quadrature du cercle en Côte d’Ivoire. La communauté internationale ne doit pas se lasser de chercher des solutions de retour à la paix même si l’on sait que la bonne foi n’est pas la chose la mieux partagée chez les belligérants que le temps est compté et qu’après tout, seuls les Ivoiriens peuvent remettre leur pays sur les rails. Pour ce faire, aucun sacrifice ne devrait être de trop, de leur part.

Bessia BABOUE
Sidwaya

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