C’était la stratégie pour justifier certaines dérives. Lorsqu’un régime africain est aux abois, il est coutumier chez lui de vouloir à tout prix détourner l’attention de l’opinion publique vers le gros méchant loup tapis hors de ses murs. Malheureusement les autorités mauritaniennes ont oublié qu’on ne cache pas une plaie qui se trouve au milieu de la figure.

Mercredi 3 août, les événements survenus dans ce pays ont donné raison au Burkina qui criait à qui voulait l’entendre que le problème était interne à la Mauritanie. On se rappelle que le chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale, le colonel Sidi Oul Richa avait déclaré le 20 août 2004 devant la presse nationale et internationale que les auteurs du coup d’Etat manqué se trouvaient au Burkina.

Le haut responsable de la gendarmerie mauritanienne poursuivait ses propos en affirmant que "la disponibilisation de l’ensemble des moyens financiers des équipements et de l’armement nécessaires à l’exécution des tentatives était assurée par un groupe que le Burkina appuie et encadre". En son temps, ces fausses allégations n’avaient pas intimidé les autorités burkinabè qui y avaient d’ailleurs apporté un démenti catégorique et formel.

La situation était tout de même insolite pour plus d’un observateur. Quel intérêt le Burkina a-t-il à déstabiliser le régime du président Ould Taya ? La Mauritanie n’a aucune frontière avec notre pays. Au plan diplomatique et économique, il n’existe pas d’enjeux majeurs entre les deux Etats. Mais on a l’impression que dans cette sous-région africaine, c’est devenu un effet de mode que d’accuser le Burkina en cas de déstabilisation.

La Guinée Conakry, la Côte d’Ivoire, le Libéria sont tous passés par là, par le passé accusant notre pays à tort. Pourquoi à-t-on peur du président Blaise Compaoré ? Seize (16) tentatives de coups d’Etat en 20 ans contre le pouvoir du président Ould Taya ont-ils été l’œuvre du Burkina ? La dictature d’Etat, la pratique de l’exclusion, la mal gouvernance, l’esclavagisme acerbe étaient devenus la règle du pouvoir d’Etat en Mauritanie.

Au point où se multipliaient les accusations fantaisistes à l’encontre du Burkina, force est de se demander s’il n’y a pas une certaine jalousie derrière tout ce cirque. Pensez donc ! Un pays jadis étiquetté "pourvoyeur" de main d’œuvre et qui depuis plus d’une décennie est devenu une place forte politique et diplomatique du continent. A preuve, des rebellions touareg et nigérienne à la guerre civile libérienne, sans oublier les crises tchadienne, comorienne, on ne compte plus les conflits dans lesquels le Burkina Faso a eu une intermédiation heureuse. On constate d’ailleurs que tous les pays qui ont indexé le Burkina jusque-là se débattaient avant dans d’inextricables contradictions socio-politiques, exacerbées par une morosité économique très forte. Quand un Gbagbo par exemple désigne le Burkina comme l’instigateur de la guerre en Côte d’Ivoire, il oublie qu’avant septembre 2002, tous les ingrédients d’une guerre civile étaient réunis dans son pays. Que dire de la Guinée de Lansana Conté, exemple achevé de régime anachronique dont le jusqu’au-boutisme peut avoir des conséquences désastreuses. Dans le cas de la Mauritanie, le mal-être social et politique crevaient les yeux. C’est la raison pour laquelle les populations ont accueilli à bras ouverts le coup d’Etat qui a mis à la porte les tenants de ce régime abhorré.

Se laver des soupçons n’est pas chose aisée

Il est facile d’accuser, on le sait, mais se laver des soupçons n’est pas chose aisée. Comme le dit le dicton, l’eau versée peut-elle être ramassée ? Même si des moyens de haute technologie le permettent, ce n’est pas sans grands investissements. Aussi faut-il reconnaître qu’il était difficile pour le Burkina malgré sa bonne foi, de donner la preuve de son innocence dans cette affaire afin de rétablir la vérité.

Les mensonges, les allégations sans fondement des autorités mauritaniennes telle l’eau qui s’infiltre dans le sol ont dès leur publication provoqué les effets escomptés par leurs auteurs. En clair, les autorités mauritaniennes, pour se dédouaner et justifier la crise de confiance qui existe entre elles et leurs concitoyens, n’avaient trouvé de stratégie que la recherche d’un bouc émissaire extérieur. Le Burkina en présentait le profil. Comme le dit un proverbe mossi "si l’os de la cour se trouve dehors c’est que le chien de la cour l’y a amené". Hermann Yaméogo est spécialiste des illogismes du genre. Lorsque des pays avaient accusé le Burkina de déstabilisation, il avait effectué le tour de leurs capitales et avait "dîné" avec leurs présidents. Il s’était en son temps, justifié en disant qu’un opposant a le droit de se rendre à l’étranger et de rencontrer qui il voulait.

Il avait avoué lui-même avoir à rencontrer Ould Taya prochainement. Aujourd’hui Ould Taya est à quelques kilomètres du Burkina, il aura énormément besoin de visite. Ould Taya a été trompé par ses amis de l’intérieur et ceux de l’extérieur qui, en voulant satisfaire leurs propres intérêts en s’en prenant au Burkina l’ont induit en erreur si bien qu’il était devenu aveugle et ne pouvait voir ce qui se tramait contre lui. Ould Taya s’est laissé piégé par ses proches et par des vendeurs d’informations. Si Ould Taya avait écouté le Burkina en cherchant à trouver les solutions, des problèmes à l’intérieur, peut-être qu’il serait toujours au pouvoir aujourd’hui.

Ould Taya a été pris dans son propre piège

Le coup d’état qui a eu lieu apparemment sans violences, en l’absence du président Ould Taya parti pour assister aux obsèques du roi Fahd à Riyad en Arabie Saoudite a obligé le dictateur déchu à abandonner le chemin du retour et à poser ses pénates à Niamey au Niger. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie qui s’est emparé du pouvoir a à sa tête le directeur de la sûreté nationale, le colonel Ely Ould Mohammed Vall considéré comme un confident proche du président Ould Taya depuis vingt ans.

Ce sont donc des militaires issus pour la plupart de la garde présidentielle qui au petit matin du mercredi 3 août ont pris le contrôle de la capitale. Les accusations portées contre le Burkina apparaissent alors, au regard des événements comme autant d’éléments d’une machination visant à discréditer notre pays. Les preuves sont claires. Le coup n’est pas venu du Burkina, mais de l’entourage du président Ould Taya. Il a été pris dans son propre piège en cherchant à accuser gratuitement le Burkina.

Ces récents événements ont mis en lumière les tensions nées dans la société mauritanienne : le climat réel qui y régnait. Ould Taya qui juge le coup qui l’emporte "d’insensé et de dramatique" tirera le bilan de vingt ans de pouvoir autoritaire.

Dès l’annonce du renversement du régime, des centaines d’habitants de Nouakchott sont descendus dans les rues pour manifester leur joie pour la liberté retrouvée. Personne dans son entourage, n’a voulu mouiller sa chemise pour défendre le président. Pour les Mauritaniens c’est un bon débarras.

Kibsa KARIM
L’Hebdo