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Cri de détresse d’un enseignant : "Ma carrière est bloquée"

Publié le vendredi 12 août 2005 à 07h37min

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Saïdou Kaboré, instituteur à Zorgho, estime qu’un plan de sabotage de sa carrière est en marche. N’en pouvant plus, il a décidé d’adresser cette lettre ouverte à l’inspecteur, chef de la circonscription d’éducation de base de Zorgho, dans la province du Ganzourgou.

Monsieur l’inspecteur,

par la présente, je viens m’inscrire en faux contre les observations portées sur ma fiche confidentielle et qui m’ont ôté le droit de prendre part au concours professionnel de recrutement des Instituteurs principaux (IP), session 2005.

Je veux également, par la même occasion, attirer une fois encore l’attention des parents d’élèves du Ganzourgou, de l’opinion nationale et de vos supérieurs hiérarchiques sur les pratiques inhumaines que vous exercez sempiternellement sur les enseignants du Ganzourgou, en cette ère de démocratie.

Monsieur l’inspecteur, d’autres écrits m’ont précédé ; une kyrielle de lettres de protestation les a suivis également et j’avais cru en la raison qui nous est commune que ceux-ci révolteraient votre conscience ou celle de votre éminence grise pour vous éviter d’autres dérives. Mais comme vous êtes toujours au front, à mon tour, je vous jure hostilité éternelle à toute forme de violation de mes droits quelque degré que ce soit.

J’ai pu comprendre que j’ai été recalé au récent concours de recrutement des IP parce que selon vous, je suis "un enseignant paresseux" que vous avez amené en ville "pour le surveiller de près". Je vous demande, si la même paresse que vous supposez m’habiter ne vous hante, de rechercher, et vous trouverez dûment, ma demande de mutation de 2003 auprès de vous.

Jusqu’à preuve du contraire, c’est au vu de celle-ci que j’ai été affecté dans la commune de Zorgho. Je vous prie donc d’y avoir recours et, dans des dispositions psychiques favorables, rechercher d’autres raisons qui puissent tenir, sinon par ces allégations, vous insultez l’intelligence humaine et vous vous discréditez aussi auprès de vos supérieurs et des enseignants du Ganzourgou qui croyaient beaucoup en vous.

Monsieur l’inspecteur, je ne m’y attarderai pas car un adage dit qu’il n’y a pas d’observations sottes. Elles permettent à une tierce personne de juger ceux qui sont concernés. Ce théâtre fallacieusement monté sur mes dossiers, s’il ne confirme pas l’impéritie, révèle pour le moins les intentions sadiques d’un tyran. Ce n’est pas la peine de nous faire croire à ces allégations car personne ne s’en laissera conter.

"Une crise qui va de mal en pis"

J’ai la certitude que le blocage de ma carrière est lié tout simplement au fait que j’exprime toujours ouvertement et sans détour, mon point de vue ou montre sans ambages ma différence face à vos décisions malsaines. Attitudes qui, selon vous, sentent le fagot. En outre, mon bord syndical et politique, mon refus d’adhérer à votre association ethnocentrique (regroupement de tous les fils du Ganzourgou, enseignants servant au Ganzourgou) sont, à votre avis, un crime de lèse-majesté expiable par un blocage de carrière.

Je tiens à préciser qu’étant moi-même fils du Ganzourgou, je n’approuve pas ces associations à tendance xénophobe. Vous devriez plutôt travailler à rassembler tous les enseignants de la province pour le bien des enfants, au lieu de les diviser.

Monsieur l’inspecteur, depuis votre sacre à la Direction provinciale de l’Enseignement de base du Ganzourgou (DPEBA), la famille enseignante est engluée dans une crise qui va de mal en pis. J’en veux pour preuve, les multiples traitements indignes infligés aux enseignants militants du Syndicat National des Travailleurs de l’Education de Base (SYNATEB). Ceux-ci, considérés à tort comme des hommes de sac et corde, ont reçu publiquement et régulièrement des invectives et des humiliations, des lettres d’avertissement bâties sur du faux.

Vous avez mené, en outre, diverses formes de guerres des nerfs pour les discréditer auprès des parents d’élèves. Enfin, tous ont été écartés de l’organisation des examens du Certificat d’études primaires (CEP) ; certains mêmes, candidats aux concours professionnels, ont été empêchés d’y prendre part.

Vous promettez dans les jours à venir de démettre tous les directeurs d’école militants du SYNATEB de leur fonction, de renvoyer« les enseignants étrangers » chez eux et purger le reste des enseignants SYNATEB par des affectations par-ci et par-là ; vous en voulez même de façon inhumaine, à une directrice d’école et l’avez ouvertement dit au Secrétaire général de la province. Tels peuvent être résumés vos objectifs exécutés ou non sur le sort des enseignants du Ganzourgou.

"Si vous m’empêchez de prendre part au concours de l’ENAM ..."

En ce qui me concerne, c’est le lieu donc d’interpeller les autorités administratives et les parents d’élèves, pour que cessent immédiatement ces agissements malsains qui, au futur, porteront un coup fatal à l’éducation des enfants de la province. Je ne comprends pas que les deux tiers des instituteurs certifiés qui sont pour la plupart vos directeurs d’école, vos maîtres de CM2 et qui ont obtenu 87,13% au CEP de cette année, soient déclarés inaptes aux concours professionnels ! Qui a abattu ce travail de cyclope ? Ces enseignants inaptes ou vous-même ? A moins que vous ne trafiquiez les chiffres pour vous maintenir à votre poste, sinon ce pourcentage revient à l’effort sans cesse renouvelé de ces enseignants inaptes.

Par conséquent, monsieur l’inspecteur, je vous saurai peu de gré et je vous le signifierai par les moyens légaux, si vous m’empêchez une fois encore de prendre part au concours de l’ENAM, si vous affectez mes collègues chez eux ou mutez tout autre enseignant sans son consentement.

Sachez que dans une démocratie, ni la situation ni les tendances syndicales et politiques ni les pouvoirs d’un homme ne sauraient accroître ou limiter sa liberté. Aucune divergence d’opinion ne saurait encourir une sanction. L’intolérance à la contradiction est déphasée et indigne donc à notre siècle.

Veuillez recevoir Monsieur l’inspecteur, l’expression de ma plus haute sincérité.

Zorgho, le 28 juillet 2005

KABORE Saïdou Instituteur certifié en service à l’école Nord de Zorgho, province du Ganzourgou

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