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Mauritanie : Vers une reconnaissance du nouveau régime

Publié le jeudi 11 août 2005 à 08h13min

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Après les condamnations de principe, l’heure semble être maintenant à la diplomatie, à la politique de rapprochement pour bon nombre de partenaires de la Mauritanie. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le déplacement d’une délégation de l’Union africaine à Nouakchott le 9 août dernier.

Objectif affiché : discuter avec les nouvelles autorités et l’ensemble des acteurs de la scène politique du pays. Cette visite intervient moins d’une semaine après le coup d’Etat qui a renversé Maaouyia Ould Taya, arrivé au pouvoir en 1984 à la faveur d’un putsch, et met en doute la sincérité des condamnations qui ont fugé de toutes parts (UA, ONU, Etat-Unis et Grande-Bretagne).

De l’avis de nombreux observateurs, le geste de l’UA constitue un pas supplémentaire vers une reconnaissance de la situation politique actuelle du pays car certains Etats non membres de l’UA comme le Maroc avaient déjà agi dans ce sens en envoyant des émissaires à Nouakchott. Ce qui est loin de plaire à tout le monde. Pour Haris Oyesina Alli, directeur de recherche à l’Institut des affaires internationales du Nigeria (NIIA), la CEDEAO et l’UA doivent plutôt réagir en prenant des mesures destinées à renverser la situation.

Pour lui, on ne devrait pas laisser les putschistes consolider leur pouvoir, ce qui pourrait, estime-t-il, avoir un effet de contagion. En revanche, certains observateurs reconnaissent à cette initiative de l’Union africaine des mérites parce qu’elle renvoie à une position médiane, qui tranche avec les condamnations unilatérales sans aucun souci de prise en compte des réalités politiques locales.

Dans ce cas, il aurait peut-être fallu, pour une question de bon sens, que l’UA inversât le scénario, c’est-à-dire, discuter d’abord avec les putschistes pour comprendre leurs motivations et les inciter à un retour à l’ordre constitutionnel ; procéder ensuite, s’il y a lieu, à des condamnations et sanctions. Mais il est vrai que procéder de la sorte équivaudrait à une prime aux coups d’Etat.

En tout état de cause, se pose maintenant la question des intentions réelles des nouveaux maîtres de Nouakchott. Vont-ils tenir vraiment à leurs engagements d’instaurer en Mauritanie un système démocratique et un appareil judiciaire impartial ? Ou vont-ils se contenter comme beaucoup le prédisent, d’une révolution de palais qui assure une continuité du système Taya ?

Certes, les nouvelles autorités ont pris quelques mesures visant à assurer l’opinion publique nationale et internationale de leur bonne foi. Ainsi, une vingtaine de prisonniers ont été libérés et la constitution toujours maintenue.

Mais cela n’indique rien sur les vraies ambitions d’Ely Ould Mohamed Vall, ni n’offre des gages d’une mise en place effective d’un système démocratique viable en Mauritanie. Le nouvel homme fort de Nouakchott saura-t-il échapper au piège du pouvoir comme Amadou Toumani Touré et organiser des élections transparentes auxquelles il ne prendra pas part ? Ou s’inscrira-t-il dans les scénarii de Robert Gueï, de Ibrahim Maïnassara ou de François Bozizé ?

En tout cas, la composition du nouveau gouvernement qui ne compte qu’un membre de l’opposition ne va pas dans le sens du renforcement de la crédibilité du nouvel homme fort de Nouakchott. Et plus le temps passera, plus il sera difficile de le rappeler à l’ordre, puisqu’il aura constitué de puissants réseaux relationnels à même de le soutenir. Ce qui signifie, en clair, qu’on pourrait s’acheminer vers une normalisation de l’actuelle situation politique mauritanienne, sans aucune certitude démocratique.

Mais, au-delà du cas isolé de la Mauritanie, il est temps pour des organisations comme l’Union africaine, de songer à des mécanismes qui favorisent l’instauration de la démocratie dans les Etats africains. Elles pourraient par exemple, prendre des mesures amnistiantes en faveur des chefs d’Etat qui hésitent à quitter le pouvoir de peur de poursuites judiciaires après leur départ.

Cela, sans doute, conduirait certains dirigeants à démocratiser le jeu politique, à éviter les tripatouillages des urnes et des constitutions. Ce qui, par ricochet, pourrait contribuer à mettre fin aux putschs sur le continent. Alpha Condé avait déjà proposé cette recette qui, quoique sage, n’a reçu aucun écho. En tout cas, Maaouyia Ould Taya, après plus de vingt ans à la tête de son vaste pays de 2 millions de km2, se retrouve aujourd’hui sans territoire fixe (STF). Il vient en effet, d’être accueilli en Gambie après le Niger.

Dans l’intérêt de la stabilité et du développement, il serait judicieux pour l’Union africaine et les institutions régionales du continent de travailler à ce que tous les Etats africains s’acheminent vers le système d’un mandat renouvelable une fois.

Le Pays

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