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Mairie de Koudougou : querelles foncières sur parcelles politiques

Publié le lundi 8 août 2005 à 08h17min

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La révocation du bourgmestre de la grande cité du Bulkiemdé continue de susciter de nombreux questionnements, ce qui n’est guère inédit : lorsque ce que d’aucuns considèrent déjà comme un scandale est arrosé d’une vinaigrette politique, l’on n’est guère étonné de cette place démesurée qu’on veut lui donner ...

En revisitant l’histoire et les uvres de certains grands hommes africains, l’on s’aperçoit malheureusement que les Burkinabè n’y font aucune référence lors de leurs prises de décisions.

Pourquoi faut-il que chaque fois qu’un maire est révoqué ce soit pour des histoires de terre, en premier ? L’ancien président Tanzanien, Julius Nyéréré, avait compris et souligné que la question de la propriété et l’usage des terres reste la principale pomme de discorde entre les traditionnalistes, soucieux de maintenir le statu quo, et les modernistes, désireux de transférer la terre des paysans à la petite bourgeoisie naissante.

Cette dernière, issue de la bureaucratie ou du secteur privé, est de plus en plus dominée par le système capitaliste. Mais si les modernistes sont persuadés que les petites parcelles contrôlées par les paysans pourraient être mieux exploitées, la réalité des sociétés africaines rend la promotion de cette politique dangereuse et imprudente.

Au Burkina Faso, les fameuses opérations commandos de lotissement continuent de traîner de lourdes séquelles : on dit de certains endroits qu’ils auront été maudits par les propriétaires originels, d’autres seraient hantés, etc.
Cela pour dire que les questions foncières seront longtemps au cur de débats dont il faut sereinement délimiter les contours. Il reste exact que chaque élu local souhaiterait, en aménageant et en réaménageant son domaine, laisser une empreinte positive dans le développement de celui-ci. Il y a cependant la méthode et la manière.

Au début des années 60, le gouvernement de feu N’krumah du Ghana a essayé de moderniser Accra en annonçant une politique de réaménagement urbain. Son but était de déplacer les Ghanéens vivant dans un quartier d’Accra considéré comme dangereux par le gouvernement. Comme le quartier avait été classé par les autorités coloniales britanniques comme ’’terres de la couronne’’, le gouvernement crut pouvoir déloger facilement les habitants du ghetto d’Accra pour y bâtir des logements plus confortables.

Or cette décision s’est heurtée à la résistance de la population de la zone et une confrontation éclata. Les habitants refusèrent de s’en aller parce que c’était là que leurs aïeux étaient enterrés. Abandonner une partie de leur territoire revenait en quelque sorte à tourner le dos à leurs protecteurs spirituels. Il s’agissait donc d’un acte de trahison, et les Africains, qui tiennent encore à leurs murs ancestrales, sont peu disposés à appuyer les actions d’un gouvernement dans ce domaine.

Pour les Africains, les ancêtres continuent d’appartenir à la même corporation foncière dont ils faisaient partie lorsqu’ils étaient en vie et ont donc le droit de participer en tant qu’ancêtres aux bénéfices qui vont à leurs descendants. En raison de cette notion de propriété, on le voit bien, la mort d’une personne ici-bas ne met pas fin à son adhésion au groupe. Confrontés aux besoins pressants d’offrir à leurs pays des structures modernes, les hommes politiques africains doivent affronter ce système de croyance. On l’a vu dans les années 1970, au Sénégal, lorsque le président Senghor prit la décision de démolir le cimetière des Lébu et d’utiliser les espaces ainsi disponibles.

La communauté prit les armes ! Senghor parvint cependant à désamorcer la situation en convoquant en secret les principaux dirigeants de la communauté et réussit à les persuader non seulement avec des mots, mais avec des cadeaux. Cela fait, il laissa aux anciens le soin de désamorcer la situation explosive. Ce fut l’un des exploits de la diplomatie de Senghor, puisque, comme il le soutient lui-même dans ses poèmes, "les Africains sont étroitement accrochés à leur terre"...

Au Burkina Faso, l’esprit de tolérance et surtout la mémoire courte de la haine qui anime la majeure partie de ses habitants font que certains esprits mal intentionnés se croient tout permis concernant la terre : les treize arrestations intervenues récemment dans l’affaire des parcelles de Boulmiougou le prouvent abondamment.

Ne se pourrait-il pas qu’il se soit passé quelque chose d’à peu près identique dans la capitale du Bulkiemdé ? Peut-être, mais s’il y en a qui clament haut et fort avoir vocation à la transparence financière et à la sainteté politique, nul ne saurait pour cela abroger le fait de la liberté d’expression magistralement proclamée par la loi fondamentale.

Qui aurait intérêt à politiser l’affaire ? C’est bien là la question essentielle lorsqu’on sait que le CDP, quasiment assuré de la victoire de son candidat, ne souhaiterait nullement voir planer quelques contestations sur le résultat du scrutin. Du reste, chacun sait qu’un régime qui défend avec acharnement ses intérêts au détriment des autres peut voir son autorité mise fréquemment au défi.

A quatre mois d’une élection majeure, c’est un risque que ne prendrait aucun gouvernement. Et si l’on a même parlé de poursuites judiciaires, cela suppose des preuves que devraient, en dernier ressort, connaître les juges. Il faut donc leur faire confiance, ce qui ne semble pas être l’avis de ceux qui crient au loup et qui ignorent qu’à force de se forger de nombreux épouvantails, l’on en vient souvent à avoir peur de sa propre silhouette.

A. Pazoté
JOurnal du jeudi

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