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Pr Ali Lankoandé : "Priorités : dossiers Norbert Zongo, Thomas Sankara..."

Publié le lundi 8 août 2005 à 08h25min

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Le président du Parti pour la démocratie et le progrès / Parti socialiste (PDP/PS), le professeur Ali Lankoandé, a rendu visite aux Editions "Le Pays" le 03 août dernier. Au cours de cette visite, le professeur a été reçu d’abord par le Directeur général, Boureima Jérémie Sigué, et les journalistes.

Il a ensuite effectué une visite guidée des locaux, en compagnie du Secrétaire national à la communication de son parti, Hassane Wereme. Pendant l’entretien avec la rédaction, le candidat du PDP/PS s’est prononcé sur l’actualité, la vie politique nationale et les atouts de son parti face à l’échéance électorale du 13 novembre 2005.

"Le Pays" : Est-ce facile de succéder à un homme comme le professeur Joseph Ki-Zerbo ?

Pr Ali Lankoandé : Vous savez, rien n’est facile. Mais lorsque des gens vous font confiance et vous demandent d’assumer des charges, vous vous en acquittez du mieux que vous pouvez et c’est ma situation. Il n’y a pas que les Burkinabè qui réclament Ki-Zerbo. Le professeur est réclamé par toute l’Afrique et une grande partie du monde. Le professeur Ki-Zerbo est un grand symbole. Ce n’est pas facile de remplacer un symbole. Puisque l’état-major du PDP/PS estime que je peux présider aux destinées du parti, je mets toute ma disponibilité et tout mon savoir-faire pour assumer cette tâche du mieux que je peux.

Après le retrait du professeur Ki-Zerbo, continuez-vous à le consulter ?

Bien sûr, car Ki-Zerbo n’a pas dit qu’il quittait le parti. Il a beaucoup de choses à nous apprendre. Pendant longtemps, il a été le premier de nos militants. Nous échangeons avec Ki-Zerbo sur les problèmes du parti, du pays et même du monde. J’ai eu la chance d’avoir ce genre d’échanges avec le professeur pendant 40 ans.

Les décisions que vous prenez sont-elles dictées par le Pr Ki-Zerbo ?

Je ne crois pas. Vous savez, les gens se font toujours beaucoup d’idées, ils fantasment et ils imaginent. Ki-Zerbo est quelqu’un qui respecte son vis-à-vis, son voisin et son semblable. Il n’a jamais eu cette tentation de tirer les ficelles. Quand on lui demande son point de vue, il le donne. Et je crois que c’est tout à fait naturel. Comme pendant longtemps il a dirigé cette maison, il a intérêt, comme tous les militants du PDP/PS, à ce que le parti avance vers son idéal, son but et dans les meilleures conditions possibles.

Après quarante ans d’expérience politique acquise au Burkina Faso, que répondez-vous à ceux qui estiment que le PDP/PS est un parti de "papys" ?

Je ne leur réponds pas. Je regrette simplement que ces gens soient assez éloignés de la conception africaine de la responsabilité. Traditionnellement, en Afrique, on ne confie pas des responsabilités à un bébé ou tant qu’il n’a pas encore un certain nombre de repères. Je ne sais pas sur quelles bases on dit que c’est un parti de "papys". Est-ce qu’il y a des statistiques établies qui prouvent l’existence de 99% de "papys" et seulement 1% de jeunes ? Je ne crois pas. Ceux qui ouvrent les yeux et qui regardent le PDP/PS savent très bien qu’il y a des jeunes au sein du PDP/PS. Mais que des "papys" soient responsables, cela est dû à la volonté de ces jeunes-là. Puisque ces "papys" ne font pas de putsch mais sont élus. Je pense que c’est cela la démocratie.

Certains estiment pourtant que le départ d’Emile Paré illustre la volonté manifeste de votre instance d’écarter les jeunes...

Emile Paré a quitté le PDP/PS parce qu’il a créé un autre parti. Si vous prenez la liste du bureau politique du PDP/PS, après analyse, je ne suis pas sûr que vous puissiez affirmer qu’il n’y a que des vieux au sein du bureau politique. Or, la responsabilité politique à mon avis est là. Quand quelqu’un est membre du bureau politique, il est un responsable politique. A moins que vous ne pensiez que pour être responsable, il faille nécessairement être président du parti. Rappelez-vous : notre avant-dernière journée parlementaire a porté sur le thème "Qu’est-ce qu’un militant ?"
Nous avons dit que ce n’est pas une question d’âge qui fait que nous sommes militants. Est responsable celui qui est disposé à assumer un certain nombre de tâches au sein du parti.

L’actualité, ces derniers temps, fait état d’une accointance entre le pouvoir et certains membres de l’opposition burkinabè. Avez-vous fait une telle démarche et l’Etat vous a-t-il déjà approché par le biais d’un envoyé spécial ?

En effet, depuis quelque temps, on met tout le monde dans le même sac. On estime que tout le monde soupe à la table de Blaise Compaoré ou bien que Blaise a envoyé son mystérieux commis en direction de tout le monde. En général, on sait qu’en politique les gens, bien qu’ils soient calculateurs, essayent tout de même de faire les calculs qui leur sont bénéfiques. Le PDP/PS n’est pas un parti qui date de quelques années. Il a changé de sigle mais sa ligne est restée la même depuis 1958.
Et depuis cette date, jamais un parti au pouvoir ne s’est avisé à nous faire des propositions d’achat de conscience. Et nous n’avons jamais estimé que c’était nécessaire d’aller voir quelqu’un qui était au pouvoir pour lui demander des subsides, compte tenu de notre ligne que nous essayons de respecter depuis. Nous avons un rapport à l’argent qui est très clair. L’argent doit être instrumentalisé pour faire de bonnes choses et pas de vilaines. Je peux donc affirmer que le pouvoir ne nous a jamais approchés pour nous faire des propositions de financement en dehors du financement politique légal, accepté par tout le monde, sur lequel d’ailleurs nous avons quelque chose à dire. Il n’est pas très juste, ce financement public. Car nous avons l’impression que c’est un peu comme dans la Bible : on donnera à ceux qui en ont et on prendra à ceux qui n’en ont pas. Ceci étant, nous avons toujours pensé que nous n’avons rien à demander aux autres surtout pour être à leur disposition. Nous estimons que si un jour quelqu’un choisit de créer un parti politique, c’est parce qu’il a un objectif, des idées à mettre au service du peuple, si un jour ce dernier lui faisait confiance. Si pour un peu d’argent on abandonne son carquois, je ne vois pas très bien où est-ce qu’on peut aller.

Pourquoi, selon vous, le parti au pouvoir n’a jamais osé vous approcher ?

En Afrique, on dit que l’enfant sait aussi ce qu’est le feu. Peut-être que le pouvoir pense que ce n’est pas nécessaire parce qu’il n’aura pas de réponse s’il s’adressait à nous. En ce moment, pourquoi faire des choses inutiles ? Je suppose car je ne suis pas à la place du pouvoir.

Faut-il accepter une aide du pouvoir pour être fort ?

Vous faites allusion à cette force dont parle quelqu’un en disant : "on nous donne de l’argent pour être fort afin de faire un contre-poids au pouvoir". Nous n’avons pas besoin de cette force-là. Nous trouvons cela absurde. Nous ne pouvons pas comprendre qu’un pouvoir dise à quelqu’un, voilà de l’argent pour nous déstabiliser. A la limite, on se demande si ceux qui soutiennent cette théorie ne se moquent pas de tout le monde.

Quel est le secret qui cimente la stabilité du PDP/PS ?

Nous sommes ce que nous sommes et nous nous battons comme cela depuis 1958. Malheureusement, nous sommes dans une Afrique complètement transformée, où c’est l’argent qui fait les décisions. Il y a un minimum de confiance, un minimum de fréquentation. En Afrique, on dit que l’amitié et la fraternité, ce sont les pieds. Quand vous voulez manifester à quelqu’un votre amitié, votre fraternité, vous vous déplacez vers lui. Ce sont ces petites choses qui font notre force. Ce n’est pas forcément l’argent. Nous ressentons une peine lorsque nous entendons certains dire : "s’il y a à manger, s’il y a de l’argent, nous viendrons". Nous pensons que l’Afrique est en train de suivre un chemin qu’elle ne connaît pas, c’est-à-dire le chemin du ventre.

A quelques mois de la grande échéance électorale, à savoir l’élection présidentielle, avez-vous de réelles chances de remporter la victoire ou de provoquer un ballottage ?

Vous me posez presqu’une question de devin. Nous avons parfois dit que nous ne sommes pas seulement électoralistes car nous ne faisons pas la politique que pour les élections. Bien sûr, il faut réussir aux élections pour pouvoir appliquer son programme.
Est-ce que le peuple burkinabè est prêt pour le combat du changement ? Il y a énormément de choses que nous aimerions voir changer. Si nous ne faisons rien ensemble, on ne changera rien. Les partis se créent pour prendre le pouvoir et le conserver. Malheureusement parfois à n’importe quel prix. Nous disons que prendre le pouvoir est une chose mais finalement satisfaire les gens par lesquels on dit avoir pris le pouvoir, c’est autre chose.
Beaucoup de partis estiment qu’une fois qu’on a pris le pouvoir, il faut le manger.

Vous avez claqué la porte d’Alternance 2005. De même l’ADF/RDA, avant son congrès, a consulté deux partis présents à l’Assemblée nationale notamment le CDP et le PDP/PS. Et finalement l’ADF/RDA a décidé de soutenir la candidature du CDP et pas celle du PDP/PS. Quelles sont vos intentions d’alliances ?

Nous n’avons pas claqué la porte d’Alternance 2005. Nous l’avons quittée parce qu’on nous a occultés. Nous étions à Alternance 2005 jusqu’aux journées de réflexion. Après ces journées, il y a eu des textes qui devraient être discutés et finalisés. Ne pouvant pas prendre part sérieusement à ces réflexions pour cause de congrès, nous les avons informés que nous suspendons notre contribution et avons décidé de reprendre attache avec eux après notre congrès. Nous avons fait cela mais malheureusement avant notre retour à Alternance 2005, des décisions avaient déjà été prises. Alors, je ne sais pas comment vous qualifiez cela. Est-ce ça claquer la porte ? Voilà pour ce qui est de Alternance 2005.
En ce qui concerne l’ADF/RDA, ce parti a dit qu’il voulait rencontrer deux partis qui ont des groupes parlementaires propres. Il est heureux que des gens discernent le propre et le non propre. Quand ils nous ont contactés, ils n’ont pas fait allusion à une alliance mais à des conseils pour leur congrès. Cela nous a paru bizarre. C’est ce sur quoi nous avons échangé et ils sont partis à leur congrès. Et nous avons vu comme tout le monde les conclusions du congrès. On n’a donc pas parlé d’alliance.

Vos conseils ont-ils été suivis ?

Non, comment voulez-vous donner des conseils à un parti qui va à son congrès ?

Ne vous ont-ils pas demandé conseil ?

Non, je répète qu’il n’y a pas de conseils à donner à un parti qui va à son congrès.

Depuis 1958, vous n’arrivez pas à conquérir le pouvoir qui est la finalité de toute formation politique. Cela n’est-il pas dû au manque de dynamisme du PDP/PS qui écarte les jeunes au sein du comité exécutif ? N’êtes-vous pas un parti iconoclaste ?

Je laisse la parole à Hassane Wereme pour des éclaircissements avant de vous répondre.

Hassane Wereme (Secrétaire national à la communication du PDP/PS) : Nous avons le parti qui a fait le plus d’alliances car nous avons toujours été constant dans notre ligne politique et cela nous a permis d’attirer les autres partis. Du MLN (Mouvement de libération nationale), nous avons créé l’UPV (Union progressiste voltaïque). En 1980, nous étions la force politique la plus importante de ce pays. N’eût été le coup d’Etat, nous aurions remporté les élections à cette période et pris le pouvoir. Avec la CNPP/PSD (Convention nationale des patriotes progressistes / Parti social démocrate), c’était un regroupement de partis. Après la CNPP nous avons créé le PDP. Ensuite, l’Union de la gauche démocratique (UGD). Après une autre coalition, nous avons créé le PDP/PS. C’est la preuve que nous avons toujours attiré le plus de partis, contrairement à ce que vous dites.
Ali Lankoandé : Je reconnais l’attitude provocatrice des journalistes. Mais nous traiter de parti iconoclaste, cela est quand même un peu fort. Avec le MLN, on nous traitait de parti des enfants. Avec le PRA, (Parti du regroupement africain), nous avons créé l’UPV. Sous la IIIe République, qui a limité le nombre de partis, il y avait cinq partis, contrairement à la centaine d’aujourd’hui. Les coups d’Etat ne permettent pas d’être fidèle à une ligne politique. Dans notre histoire, nous avons connu six coups d’Etat et quatre républiques ; cela ne permet pas de garder les militants. Beaucoup de militants changent ainsi de parti sans faire attention à la ligne politique. Ce qui intéresse les gens, c’est autre chose. L’UPV a été confrontée à des problèmes au sortir des élections (sous la IIIe République), dont celui avec le Front de refus conduit par Joseph Ouédraogo. Ce fut l’un de nos grands adversaires politiques car c’est lui qui nous a surnommés "Ko tid Pouy"(1). Il était du RDP et nous du MLN. Joseph Ouédraogo est venu à nous avec six députés et sa représentation. Nous avons alors créé le FPV (Front progressiste voltaïque). Puis, coup d’Etat et modification, et Joseph Ouédraogo est parti. Au sortir de la Révolution, il y a eu la CNPP/PSD. Elle s’est appuyée sur le FPV pour naître. La CNPP/PSD a dû aller rencontrer Ki-Zerbo à Abidjan pour une concertation car il lui était difficile de créer des sections dans nos différentes régions. Dans ma région (Fada N’Gourma), les gens de la CNPP/PSD ont effectué trois voyages infructueux. J’étais en Haïti à l’époque. Après, nous avons coalisé avec la CNPP/PSD. Nous avons quitté la CNPDD/PSD car il nous était inacceptable qu’un parti soit sans programme politique trois ans après sa création. L’autre raison de notre départ de ce parti, c’est que des gens sont rentrés au gouvernement sans que le parti ait été informé. Nous n’acceptons pas que des gens intègrent le gouvernement sans une concertation préalable entre lui et les membres du parti. Lorsque nous avons fait la remarque aux camarades qui ont été approchés, ils nous ont dit : "Le gouvernement nous a contactés à titre personnel".
La CNPP avait 13 députés, 9 se sont joints à nous et nous avons créé le PDP. Les 4 autres députés nous ont convoqués en justice avec l’aide du parti au pouvoir. Car pour saisir la Cour suprême, il fallait 20 députés. Alors, le parti au pouvoir leur a donné des signatures pour qu’ils puissent saisir la Cour suprême. La Cour suprême les a déboutés. Et le PDP a continué son chemin. Vous savez, je crois qu’on simplifie et schématise trop alors que les choses ne sont pas simples.

Comment expliquez-vous le fait que vous n’arriviez pas à saisir les opportunités, quand elles se présentent, pour bousculer, mettre à mal le parti au pouvoir ?

C’est dû à une certaine éducation car aujourd’hui les gens font feu de tout bois. L’important étant pour eux d’avoir au finish quelque chose qui réchauffe le ventre. Et nous avons appris, parfois à nos dépens, qu’il fallait remuer la langue sept fois dans la bouche avant de parler. Ce qui ne veut pas dire que nous abandonnons le terrain pour celui qui veut ! Et nous disons que le pouvoir, il faut le guetter au tournant et rebondir. Mais tout cela relève de la réflexion et des choses de l’esprit. De plus en plus, on s’aperçoit que les choses de l’esprit ne font pas toujours recette. Vous pouvez tenir le bon bout et compte tenu de l’information que tout le monde n’a pas malheureusement, ça passe à côté. Nous sommes dans un pays où 72% de la population est analphabète et où la langue officielle est le français. Pour faire passer une information dans nos langues, il faudrait des interprètes pour la porter à la base. Il y a énormément de problèmes qui font que les actions de l’opposition burkinabè, en général, et du PDP/PS en particulier, sont étouffées. C’est une question de temps. Nous constatons que nos amis, nos sympathisants font du volontarisme. Ce qui est à leur honneur. Mais le volontarisme, parfois, ne peut pas résoudre tous les problèmes posés.

La pluralité médiatique offre la possibilité de se faire comprendre à travers les langues nationales et de toucher vos militants. Les erreurs du parti au pouvoir restent inexploitées par l’opposition burkinabè, contrairement à des pays comme le Mali, le Bénin et le Sénégal. On vous a rarement entendus demander des enquêtes parlementaires, même quand le gouvernement commet des erreurs. A quoi cela est-il dû ?

Vous avez raison. Mais il faut relativiser. Au Parlement, les propositions de l’opposition, lorsqu’elles sont acceptées, ne viennent jamais en débat. Aucune des propositions de loi de l’opposition n’est véritablement venue en discussion. Nous savons que grâce à la bonne vieille Constitution gaulliste que nous avons transférée chez nous, c’est le gouvernement qui a la mainmise sur l’ordre du jour de l’Assemblée. S’il ne veut pas que quelque chose y soit inscrit, il le peut. C’est pour cela que je demande de relativiser. Il y a de nombreux blocages. Les enquêtes parlementaires sur les produits de consommation avariés n’auraient pas été publiées, n’eût été la pression de la presse. C’est au niveau de ces blocages que les synergies entre les partis politiques, les médias et la société civile devraient jouer. C’est vrai qu’il y a des journaux en langues nationales, mais ces journaux sont entre les mains d’ONG qui ne sont pas prêtes à publier des articles qui mettraient le roi nu. Ce qui explique la nécessité d’une synergie pour que le peuple y trouve son compte, mais pas seulement pour que l’opposition rebondisse.

L’actualité est nourrie par les problèmes au sein de nos mairies. Votre silence n’est-il pas dû au fait que vous n’êtes pas concernés ?

Nous sommes concernés. Et ce n’est pas parce que nous n’avons pas de mairie que nous dirons le contraire, puisque nous sommes dans le même bateau. Ce qui se passe à Koudougou nécessite une réaction de l’opposition. L’idéal est que la totalité de l’opposition fasse chorus sur des choses de ce genre. Si c’est l’un ou l’autre qui le fait, c’est bien ; mais comme on le dit, c’est pas arrivé.

Quelle est l’opinion du président du PDP/PS face à ce qui se passe au Sénégal entre Idrissa Seck et Me Abdoulaye Wade ?

Hélas ! cette affaire met un peu de bémol sur l’expérience sénégalaise, car au Sénégal l’opposition a pu se regrouper et prendre le pouvoir. Malheureusement, on reste déçu car l’expérience sénégalaise, que tout le monde citait un peu en exemple, tourne court. On reste sur sa faim. J’ai connu Wade et Seck. Les deux se connaissent depuis longtemps. On se demande comment cela a pu arriver. Wade avait commencé par se débarrasser plus ou moins de ceux qui étaient les auteurs du Sopi, du changement. Nous sommes absolument déçus et scandalisés par ce qui arrive au Sénégal. Surtout quand on connaît le cheminement de ces deux au sein de leur parti.

Et si ce qui est reproché à Idrissa Seck était avéré ?

Nous raisonnons sur ce que nous savons. Jusqu’à ce qu’on nous dise le contraire, il n’y a rien encore de réglé dans cette affaire.

Quelle sera votre priorité si vous êtes élu président du Burkina Faso ?

Je vais m’attaquer aux dossiers brûlants : Thomas Sankara, Norbert Zongo et bien d’autres.

Vous avez dit que les choses de l’esprit ne faisaient pas toujours mouche et que les gens étaient intéressés par le ventre. La crise céréalière n’est-elle pas un moyen pour le pouvoir d’attirer plus ces gens-là, vu que Blaise Compoaré a plus de moyens financiers ?

Nous pensons que les choses de l’esprit sont capitales. Nous ne pouvons, sous prétexte que cela ne marche pas, imiter les gens qui courent derrière les grains comme des poulets. Nous sommes prêts à trouver les moyens de ramener les gens vers les choses de l’esprit.
A la suite de nos journées parlementaires, nous sommes les seuls à en avoir parlé. Cela a été occulté et peu de gens en ont parlé. Nous avons pris des recommandations en direction du gouvernement en disant que ce n’était pas possible qu’il y ait excédent et que dans le même temps il y ait famine. Le CILSS a confirmé en disant qu’il y avait 435 000 tonnes d’excédent. Dans le même temps, les populations n’arrivent pas à trouver à manger. Ce n’est pas normal ! Le gouvernement envoie des sacs et fixe un prix dit social de 10 000 francs CFA. Cela est trop cher. Nous avons exigé un prix de 5000 francs CFA.

Que pensez-vous de la presse burkinabè ?

De façon générale, et comme ailleurs, il faut mettre l’accent sur la formation. On a l’impression que beaucoup de gens s’improvisent journalistes. Cela leur permet de se défouler, d’attaquer le voisin. Si ce pays donnait un statut aux journalistes, cela améliorerait peut-être davantage la situation. Mais laissez-moi vous dire que je ne suis abonné qu’au "Pays" et à "l’Evenement".

La formation est-elle inscrite dans votre programme ?

(Rires) A votre avis ? puisque j’en parle.

Que pensez-vous du régime de Blaise Compaoré ?

Nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’il fait. Sinon on s’en irait au CDP, puis c’est terminé. Le régime, très souvent, nous prend tous pour des demeurés lorsqu’on considère certaines choses qu’on voit ou entend. Il faut respecter son peuple, surtout quand on souhaite travailler avec lui. Et améliorer son quotidien.

Pourquoi tenez-vous à préciser qu’il y a boulanger et boulanger, chaque fois qu’on vous appelle le boulanger de la classe politique ? Comment se porte votre boulangerie de Fada ?

Il y a boulanger et boulanger. Il y a tout de même un nouveau concept de boulanger. Moi, je n’ai rien à voir avec ce nouveau concept. Dans le milieu où j’opère, ceux qui n’ont pas de CAP de boulanger ne sont pas appelés boulangers. Ils sont appelés des marchands de pain. Je n’ai pas un CAP de boulanger. Je suis un professeur de chimie, mais je sais un peu comment ça se passe. Ma boulangerie fonctionne. Il n’y a pas de sot métier. Je peux me battre pour mon parti et faire du pain pour la population de Fada N’Gourma et sa région. Vous croyez que c’est un complexe (Eclats de rire).

5 - "Ce n’est pas normal qu’il y ait excédent et en même temps crise alimentaire", a déploré Ali Lankoandé (Ph. Aristide Ouédraogo)

6 - Le Pr visitant l’imprimerie des Editions "Le Pays" (Ph. Aristide Ouédraogo)

7 - Le Pr dans la salle de rédaction et face au feu roulant des questions des journalistes (Ph. Aristide Ouédraogo)


Dans le livre d’or...

Bravo pour la très grande fidélité à votre ligne éditoriale jamais démentie ! Continuez à faire la différence dans cette voie. Mes encouragements et mes félicitations à la Direction générale et à tout le personnel de la maison.

Le 03/08/05

Pr El Hadj Ali Lankouandé

(1) En langue mooré. En français : "tu cultives et nous partageons" ; allusion au collectivisme bolchévique.

Propos recueillis par David KAFANDO (Stagiaire)
Le Pays

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