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Problèmes fonciers : Le Naaba Kougri accuse l’Etat

Publié le mardi 2 août 2005 à 07h33min

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La gestion foncière est à tout point de vue conflictuelle entre l’administration républicaine et la chefferie coutumière au Burkina. Les coutumiers incriminent la Réorganisation agraire et foncière (RAF), alors que l’Etat manie la carotte à travers des séminaires avec ces derniers et le bâton en brandissant la loi.

Face à cette situation, voici le point de vue du Naaba Kougri, premier ministre du Yatenga Naaba. La légitimité traditionnelle, dit-il, "a été lésée par la confiscation sans condition des terres par l’Etat révolutionnaire".

Nous remercions la presse de nous permettre de revenir sur les idées de l’atelier des chefferies sur la sécurité foncière en milieu rural, qui s’est déroulé les 7 et 8 juillet 2005 à Ouagadougou. Nous en profitons pour saluer l’esprit de dialogue et de conciliation des experts qui nous ont encadrés, leur maîtrise du dossier et leur volonté de réussir.

Suite à l’engagement du président du Faso à la Journée de pardon, le constat est que l’Etat est en train de réhabiliter la totalité des citoyens atteints dans leurs droits et dans leur moral, conformément à l’esprit de la démocratie, de la bonne gouvernance et du pardon. Pour nous, la Réorganisation agraire et foncière (RAF) doit être revue en tenant compte des idées de la démocratie et de la bonne gouvernance, parce qu’elle est issue d’une décision de l’Etat exceptionnel
(la Révolution).

Elle est incompatible avec la démocratie, la bonne gouvernance et le pardon. Les coutumiers saluent le gouvernement pour avoir fait appel à la collaboration des chefs coutumiers sur la question de la sécurité foncière car :
- Les coutumiers ont la stabilité que leur ont conférée la coutume et la tradition ;
- Les coutumiers ont la légitimité coutumière à l’intérieur des chefferies hiérarchisées ;
- Les coutumiers ont une expérience séculaire de la gestion des terres et des hommes ;
- Les coutumiers ont intégré des valeurs éternelles que sont la justice, la vérité, la sécurité, cela depuis des siècles ; valeurs utiles dans la tradition et dans la modernité ;
- Les coutumiers sont engagés à travailler en partenariat avec le gouvernement dans tous les domaines en général, et particulièrement ceux de la sécurité foncière en milieu rural.

La force gère les vaincus, la démocratie gère des responsables. La légitimité ne se presse pas, tout reviendra à elle. Nul n’ignore l’expérience des coutumiers dans la gestion des terres, des forêts, des eaux et de la faune surtout en matière de sécurité. La terre est sacrée pour les coutumiers. Toute intronisation se sert du sacrement de la terre.

Des exemples de faits vécus

- Le camp militaire Zandoma à Ouahigouya a été investi par l’Armée nationale sur les terres du Bougo de Yissigui, sans autorisation coutumière. Le vent emporta tous les toits. L’Armée négocia et depuis lors, tout est calme au camp.
- Le chef de Toukhin (Ouagadougou) a fait son acte d’adoration médiatisée à "Bangre-Weoogo", ancien "Bois de Boulogne" pour avoir la pluie en 2002 et Ouaga fut noyé (inondé) dans la semaine même.
- Le chef de Roanga, 20 km au nord de Ouahigouya, fut intronisé en juin 2005 sous une pluie qui arrosa tout le Burkina, emportant des milliers de bêtes et même de vies humaines.

Nos convictions

Nous sommes convaincus que la forêt appartient "aux gens de likê" c’est-à-dire les esprits tutelaires invisibles, les éléments de la brousse, les esprits de nos ancêtres qui ont légué aux traditionnels et coutumiers la forme de gestion appropriée à la brousse et à la terre.

La synergie des coutumiers et traditionnels en matière de foncier contribuera au succès pour toute action de gestion de la terre, des forêts et de la faune. La terre est la racine de la vie. Les deux réalités sont sacrées, nous devons tous y accorder une grande importance.
Nous savons tous que le savoir aussi meurt mais que le rejet total du savoir ancien est maladroit.
Se détacher de ses racines (coutumes et traditions), c’est courir à sa perte.

L’Etat actuel est une nouvelle personne qui cherche à s’installer dans le village, le coutumier est celui qui possède ses valeurs à l’intérieur de la maison et des cœurs.

Solutions

Nous pensons que, en matière de gestion de la brousse et de la terre, le respect de la légitimité coutumière et traditionnelle est la base incontournable. Dans le dialogue entre gouvernement et chefferie, il est nécessaire que des voies soient trouvées pour résoudre le problème de sécurité foncière.

La contribution des chefferies coutumières dans la sensibilisation des populations aidera à trouver des solutions concrètes.
Pour réussir, il faudra y mettre le sérieux requis, en sacrifiant des efforts associés, afin d’émettre des décisions consensuelles.

Les chefferies coutumières et traditionnelles à l’atelier ont souhaité que la situation soit revue, conformément aux principes de démocratie et de bonne gouvernance : à savoir que les droits en matière de foncier soient rétablis ; car la légitimité traditionnelle a été lésée par la confiscation sans condition des terres par l’Etat révolutionnaire.

Appel

Tout coutumier mettra à contribution son expérience pour assurer la sécurité foncière dans tous les milieux. Nous invitons tous les chefs coutumiers et traditionnels du Burkina Faso à accompagner le gouvernement dans un partenariat légal pour une application meilleure de la démocratie et de la bonne gouvernance.

La collaboration chefferie/ Administration est visible de part et d’autre. Les administrateurs participent à nos cérémonies. Nous participons aux activités de l’Administration.

Nous bénéficions de formations aux niveaux national et régional et d’ateliers de travaux. Nous faisons partie des corps constitués de l’Etat.
Dans ce régime, la chefferie est en train de récupérer un peu de considération, un peu de réhabilitation, un peu de responsabilisation, un peu de collaboration, dans la confiance et le respect. C’est bon pour un début. L’espoir est permis.

Le Pays

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