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Marcellin Noraogo Yaméogo : Victime collatérale

Publié le lundi 1er août 2005 à 09h03min

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Comment ne pas y voir un règlement de comptes politiques, tant toutes les apparences plaident pour cette hypothèse ? Jusqu’à la révocation, mercredi dernier, de Marcellin Noraogo Yaméogo pour fautes graves dans la gestion du lotissement, Koudougou était en effet la seule mairie du Burkina tenue par l’opposition.

Et quelle opposition ! Celle dite radicale, dont le porte-étendard n’est autre que Me Hermann Yaméogo, natif de cette ville, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) et l’un des trois candidats déclarés d’Alternance 2005 à la présidentielle du 13 novembre prochain.

On ne le sait que trop, après avoir flirté par intermittence, tel un amant inconstant, avec le pouvoir au point d’entacher durablement sa crédibilité, celui qui était alors la "seconde épouse" de Blaise Compaoré entretient depuis quelques années des relations exécrables avec ce dernier. Des rapports tendus qui culmineront en 2003 avec le putsch dont le fils de monsieur Maurice sera victime de la part du fils du duc du Yatenga, qui le remplacera à la tête de l’ADF-RDA, l’obligeant à créer un nouveau parti, l’UNDD.

Alors, on y avait déjà vu la main "invisible" du régime, qui serait passé maître dans l’art du "diviser pour régner". Depuis, une lutte à mort où tous les coups semblent permis s’est engagée entre le président du Faso et le plus illustre et le plus virulent de ses opposants, qui l’accuse, pêle-mêle, de menées déstabilisatrices (en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Mauritanie), de corruption, de malgouvernance, de violations des droits de l’homme et de la Constitution burkinabè, etc.

On n’oublie pas également que, pour Hermann, qui invoque des obstacles politiques, juridiques, économiques et ethiques pour appuyer sa thèse, la candidature de l’enfant terrible de Ziniaré est inconstitutionnelle. Pour le pouvoir, Hermann est le prototype du parfait apatride qui est prêt à vendre son âme au diable (de Gbagbo), qui pactise avec l’ennemi (Oul Taya, Conté, etc.), qui est prêt à tout pour parvenir à ses fins, dût-il jouer à se faire peur en exhibant l’épouvantail de menaces de mort contre sa personne.

Difficile donc dans ces conditions et ce climat particulièrement délétère de ne pas considérer Marcellin comme une (grosse) victime collatérale, abattue pour expier les péchés dont on accable son mentor. Certes, le maire fraîchement déchu de Koudougou n’est pas le premier à perdre son poste avant terme, même que ceux qui ont été jusque-là "naréfiés" sont tous du CDP.

De sorte que, pour certains, si la majorité peut destituer ses propres militants, il n’y a vraiment aucune raison qu’elle ne puisse pas le faire quand vient le tour des autres. Mais comparaison, c’est bien connu, n’est pas raison, et si celles avancées aussi bien à Koudougou qu’à Ziniaré, Zorgho, Ouahigouya ... sont les mêmes (lotissements ou gestion courante des municipalités), les situations ne sont pas analogues et les procédures suivies encore moins.

La plupart du temps en effet, ce sont les luttes de clans intra-CDP, parfois attisées par les barons du parti, qui débouchent sur la révocation du bourgmestre après une crise plus ou moins longue. Or là, le couperet de la tutelle est tombée sans crier gare, comme si le gouvernement voulait profiter de l’effet de surprise pour assommer Marcellin et ses amis. En fait, la chose eût sans doute mieux passé si c’était une partie du conseil municipal, intrumentalisée ou pas, qui avait mis le maire en minorité, le contraignant ipso facto à rendre le tablier.

Mais à l’évidence, c’était plus compliqué à réaliser et l’issue d’une telle entreprise plutôt incertaine. Pourquoi d’ailleurs n’avoir pas "laissé couler" jusqu’aux municipales de février 2006 (dans 6 mois donc) quand bien même il y aurait des choses à reprocher à l’infortuné Marcellin ? Les "stratèges" du CDP, en coupant ainsi l’herbe sous les pieds de l’UNDD, espérent-ils, par cette méthode, récupérer cette ville qui était tombée, comme un fruit mûr, en pleine affaire Norbert Zongo, après presque deux années de turbulences socio-politiques marquées de manifestations violentes (marches, casses, incendies du palais de Justice, etc.) ? Il n’est pas interdit de le penser.

La question se pose toutefois de savoir si les autorités ont mûrement réfléchi avant de prendre leur décision, dans la mesure où il est un peu risqué, à quelque 100 jours de la présidentielle, de créer un abcès dans une ville déjà réputée frondeuse. Cela dit, il ne faut pas occulter, par ces considérations politiques ou bassement politiciennes, les accusations portées contre Marcellin Yaméogo, qui a sans doute plus intérêt que quiconque à ce que la procédure judiciaire, qui sera engagée contre lui, suive son cours normal comme promis par le gouvernement, afin de pouvoir se reblanchir si besoin, et afin que ses anciens administrés et l’opinion nationale dans son ensemble sachent de quel côté se trouve la vérité.

Car autant il ne faut pas tout de suite donner quitus aux accusations gouvernementales (surtout que c’est l’ancien maire CDP, Emmanuel Zoma, qui a commencé les opérations de lotissements), autant il ne faut pas s’empresser de le déclarer innocent. Qui sait si lui ou certains de ses collaborateurs n’ont pas prêté le flanc, alors que, comme la femme de César, l’opposition devrait être au-dessus de tout soupçon ?

Observateur Paalga

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