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Remaniement Ministériel : Terminus, Yonli descend !

Publié le vendredi 29 juillet 2005 à 09h29min

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Toutes les cartes sont maintenant en place pour la présidentielle. Les alliances sont faites et les camps apparemment bien délimités. Il reste à mettre tout ça en musique. Qui en sera le métronome ? Le "tout sauf Yonli " prend de l’ampleur.

A défaut de faire du neuf, il faut certainement faire fort pour pallier le pessimisme ambiant qui s’attache au renouvellement annoncé du bail de Blaise Compaoré à la tête de l’Etat. Un avant-goût de ce qui peut arriver est donné par le ralliement " inattendu " du premier parti de l’opposition l’ADF/RDA au chef de l’Etat, chef de la majorité gouvernementale.

Dans la logique politique donc, il s’est constitué avec ce ralliement un " front national " pour aborder le scrutin présidentiel qui devrait normalement sacrer l’heureux bénéficiaire, Blaise Compaoré, d’un plébiscite national. Une reproduction sous les tropiques du large front national qui a réélu Chirac en mai 2002, pour faire barrage à Lepen.

Mais dans notre cas, à quoi veut-on faire barrage ? Les raisons sont insondables mais une au moins parait fort crédible. L’ADF/RDA, version Gilbert Ouédraogo veut demeurer la première force politique après le CDP. Peu importe où il se positionne, opposition ou premier parti de la mouvance. Le plus important, c’est de demeurer à une position de force qui en fait immédiatement la rivale du parti présidentiel.

Or, par expérience l’ADF/RDA, héritière des vieux RDA, sait qu’on ne peut pas parvenir à cette fin en étant trop éloigné du premier cercle de gestion de l’Etat. C’est la tradition chez l’éléphant depuis le "désapparentement originel".
Cette stratégie de "composer avec", semble lui avoir souvent réussi. Le dernier exemple en date c’est le gouvernement protocolaire.

Si l’ADF/RDA est devenue la première force de l’opposition à l’issue du scrutin de mai 2002, elle le doit en grande partie à sa politique de collaboration. Tous les partis qui ont accepté composer dans ce gouvernement protocolaire se sont retrouvés gratifiés de quelques sièges de députés à l’Assemblée nationale. Une information qui vaut ce qu’elle vaut.

Avant même ce scrutin, un diplomate qui a joué un grand rôle dans les péripéties qui ont précédé les législatives, avait expliqué à un homme politique qu’il a reçu à déjeuner, la répartition des sièges de députés déjà arrêtée pour chaque parti membre du gouvernement de protocole. Il semble de l’avis de notre homme politique que les résultats des législatives ont été, à tout point de vue conformes à cette prévision du diplomate.

En raison de la nouvelle donne née de ce mariage d’intérêts, des aménagements institutionnels devraient suivre immanquablement.

Un front sacré suppose un gouvernement à son image

Pour correspondre à une si grande audace, le soutien du chef de file de l’opposition au premier responsable de la majorité à une élection présidentielle, il faut certainement que l’aménagement institutionnel à venir soit tout autant en importance.

Au niveau de l’Assemblée nationale, l’ADF/RDA, seule de l’opposition avait pu sauver son siège de vice-président. La seule institution où Gilbert Ouédraogo et ses hommes sont encore absents c’est le gouvernement. Il semble donc vraisemblable que leur admission à ce niveau de responsabilité n’attende pas la fin des élections de novembre prochain.

La spéculation sur un éventuel réaménagement gouvernemental reprend donc de plus belle. Si c’est pas avant les vacances gouvernementales qui débutent juste après le dernier conseil des ministres ce dernier mercredi de juillet, ce sera juste avant le retour des vacances.

Et les spéculateurs de désigner déjà le futur probable Premier ministre, un certain Zéphirin Diabré, en fin de contrat au PNUD et qui vient de réunir un excellent " brain trust " sur les questions de gouvernance économique en fin juin dernier dans notre capitale. S’il fallait un signe qu’il connaît bien les rouages politiques français on ne peut trouver mieux. Même si la vedette des assises était un excellent " has been ".

Mais n’est-ce pas qu’il a toujours l’oreille de Jacques Chirac, qui demeure pour l’instant le seul maître à bord jusqu’en 2007 ? Les gens avisés y ont vu un indice d’un premier ministrable. Ce profil correspondrait parfaitement à la nouvelle orientation que Blaise Compaoré voudrait donner à sa nouvelle politique. Il s’agirait en effet d’injecter du sang neuf dans le système engourdi par plusieurs années de gestion du pouvoir.

A l’image de ce qu’il fit pour le régiment de sécurité présidentielle, le futur nouveau élu, voudrait dégarnir les rangs de son entourage civil en mettant à la touche, nombre de " mandarins " qui ont suffisamment accumulé et qui sont aujourd’hui un boulet pour la suite de sa carrière politique.

Depuis 1996, le président Compaoré ne cachait pas son irritation pour certains de ses partisans de première heure qui de son avis " ne pensaient qu’à voler ". En 1998, juste après les présidentielles, il aurait eu l’intention de faire le ménage, mais l’assassinat de Norbert Zongo et ses effets dévastateurs lui ont imposé de continuer à cohabiter. Cette fois, il aurait pris suffisamment d’assurance pour ne pas être surpris.

Les précautions de Blaise

L’une des précautions de Blaise Compaoré pourrait être de prendre son monde par surprise. Déjà la décision de l’ADF/RDA de se rallier à lui, n’a pas été du goût de tous et les cercles de contestation s’organiseraient pour neutraliser les actions qui pourraient découler de ce mariage. Blaise Compaoré sait donc qu’il ne peut pas attendre l’après élection pour distribuer les cartes au risque d’être pris au dépourvu. Quoiqu’on dise, nous ne sommes pas dans un système démocratique apaisé où les alliances résultent du diktat des urnes.

C’est pourquoi, aussi bien en 1996 avec la création du CDP avant les législatives que pour cette fois avec les alliances qui se nouent avant même la présidentielle, le président voudrait instituer un cadre de gouvernement que le peuple validerait en novembre. Cette fois, au lieu d’un large front, four-tout, il voudrait un rassemblement plus sélectif, aussi large que possible, de toutes les compétences nationales qui ont fait leurs preuves. Une sorte de " think tank" au pouvoir qui lui permettrait de laisser une bonne marque dans l’histoire du pays.

Il en a les moyens et les différents acteurs qui auraient pu lui faire de l’ombre se sont assez discrédités pour ne rien demander d’autre que de se faire oublier un peu. Un temps assez suffisant qu’il voudrait mettre à profit pour tracer le sillon qu’il veut laisser. Seulement, les trêves en politique sont de bien maigres chimères, surtout quand ce sont échafaudages "intuiti personnae".

Les partenaires " cooptés " se sachant illégitimes travaillent très souvent contre celui qui les a fait rois. Soit par un zèle excessif, soit par une prudence maladive. Dans les deux cas, le résultat est le même : c’est l’atermoiement.

Les jours à venir nous situeront assez précisément sur la reconfiguration politique en perspective. A moins que comme Gilbert Diendéré, maintes fois annoncé comme partant, le système CDP n’impose finalement l’inertie à Blaise Compaoré. Mais tout ça devrait se savoir dans les jours à venir. Le compte à rebours est donc lancé

Newton Ahmed Barry
L’Evénément

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Vos commentaires

  • Le 29 juillet 2005 à 10:05, par Madiba En réponse à : > Remaniement Ministériel : Terminus, Yonli descend !

    Voici ce qu’on appelle une analyse professionnelle de la situation politique au Burkina Faso.

    • Le 29 juillet 2005 à 13:08, par suge En réponse à : > Remaniement Ministériel : Terminus, Yonli descend !

      Lire des textes comme celui-ci redonne confiance.IL y’a encore au bf des journalistes dotés d’un bon sens de l’analyse.Cela nous change de certains torchons qu’on a plus envie de lire.Bon courage a vous monsieur Barry

      • Le 30 juillet 2005 à 09:12, par Rose En réponse à : > Remaniement Ministériel : Terminus, Yonli descend !

        En lisant cette analyse on sent qu’il y a de grands journalistes au pays et cela nous rejouis enormement.
        Monsieur Barry je vous respecte et vous souhaite beaucoup de succes dans vos entreprises.

        • Le 1er août 2005 à 17:40 En réponse à : > Remaniement Ministériel : Terminus, Yonli descend !

          Je me disais que tout etait perdu au BF....apres la lecteur de cet article j’ai poussé un ouff ! de soulagement comme si c’était déja effectif. j’aime Blaise mais je n’aime pas son entourage.. vous etes réellement grandd Mr Barry

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