LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Affaire Charles Taylor : Amnesty international a-t-elle les moyens de son ambition ?

Publié le jeudi 28 juillet 2005 à 07h50min

PARTAGER :                          

Faut-il, oui ou non, livrer l’ancien président libérien, Charles TAYLOR réfugié actuellement au Nigeria, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone ? La pression est en tout cas maintenant forte sur les autorités hôtes de l’homme de calabar.

C’est pourquoi, lors du Ve Sommet de l’Union africaine, le président nigérian, Olusegum OBASANJO, président en exercice de l’Union, n’a pas manqué de mentionner dans son allocution ce qui est devenu « l’affaire Charles TAYLOR ».

On se rappelle encore en août 2003, sous la pression de groupes rebelles libériens prêts à attaquer la capitale du Libéria, Monrovia, Charles TAYLOR a quitté son pays pour s’exiler au Nigeria. Cet asile politique que le président nigérian lui a accordé est le résultat d’une consultation de divers acteurs régionaux, africains et internationaux. Chassé de chez lui par une pression surtout américaine, Charles TAYLOR est accusé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TPS) pour son rôle dans cet autre conflit fratricide de l’autre côté des frontières du Libéria.

L’acte d’accusation est bien fourni : crimes contre l’humanité et autres infractions graves au droit international dont ont été victimes des hommes, des femmes et des enfants africains en Sierra Léone dont entre autres, meurtres, mutilations, viols et autres formes de violence sexuelle, réduction à l’esclavage, recrutement et utilisation d’enfants soldats, enlèvements et travail forcé perpétrés ou imposés par des groupes d’oppositions armés activement et soutenus par Charles TAYLOR.

Objectif pour Amnesty : la justice

Pour l’organisation Amnesty international, Charles TAYLOR a fauté gravement, il doit être traduit devant le Tribunal spécial pour la Sierra Léone pour être jugé. Pour ce faire, une campagne qui demandait aux chefs d’Etat réunis à l’Assemblée générale de l’Union africaine les 4 et 5 juillet derniers à Sytre (Libye) de démontrer leur engagement pour les droits humains en exhortant Olusegum OBASANJO à extrader l’accusé. Ainsi, le directeur du programme Afrique de Amnesty international, M. Kolawole OLANIYAN de déclarer : « Il est temps que l’Union africaine rejoigne le rang d’autres organismes internationaux et pays influents et demande à ce que Charles TAYLOR soit traduit en justice pour les crimes graves qu’il a commis ».

Il poursuit en disant que « prendre position rendra non seulement justice aux nombreuses victimes et leurs familles mais démontrera aussi que l’Union africaine est sérieuse dans la lutte contre l’impunité en Afrique de l’Ouest ». Le lobbying, c’est donc la stratégie de Amnesty international pour amener les autorités du Nigeria et toute l’UA à laisser la justice s’exprimer dans cette affaire désormais dite « affaire Charles TAYLOR ». Des campagnes médiatiques, des rencontres et autres sont initiées par l’ONG Amnesty international pour le seul but : arrêter et juger Charles TAYLOR. Une stratégie qui peut à terme donner des résultats probants.

La politique du « deux poids deux mesures »

Si l’activisme d’Amnesty international dans cette « affaire Charles TAYLOR » est à saluer, il ne fera pas oublier son silence ou en tout cas son apathie dans d’autres affaires où les crimes ont été plus abominables. Mais cette implacable réalité des hommes qui amène à juger en fonction de la tête du client est là et cette organisation n’y échappe pas ! On peut crier haro sans crainte sur les « petits roitelets » d’Afrique et du tiers monde en général mais ce n’est nullement de la démission que de fermer les yeux sur les crimes commis par des nations super puissantes dans certaines contrées du monde pour des intérêts égoïstes !

Du fait de vouloir imposer leur hégémonie dans un monde en profonde mutation, ces puissantes nations ne donnent pas une leçon de droits humains aux générations montantes qui savent surtout lire, écrire et comprendre la gouvernance dans leur environnement. En témoignent les multiples attaques terroristes en Irak, en Afghanistan, les géoles de Guatanamo qui ne respectent aucune norme de droit international humanitaire.

Des infractions aussi graves qui doivent être condamnées par la chère Amnesty international dont on attend toujours une réaction ferme. Amnesty a, tout comme pour l’affaire Charles TAYLOR, obligation d’exiger justice pour ces nombreuses familles irakiennes et afghannes dont les membres ont été victimes des attaques des troupes américaines. A ce niveau ce sont uniquement des déclarations qui peut-être n’ont pas un impact sur les dirigeants concernés.

L’Union africaine a certes le souci de faire respecter les droits humains sur le continent noir, mais faut-il vouloir satisfaire aux sollicitations d’une organisation qui applique la politique du deux poids deux mesures ? En attendant la décision de transfert de Charles TAYLOR, la position de l’UA reste qu’il faut d’abord l’assurer que cette extradition ne viendra pas troubler la situation socio-politique dans un Libéria qui petit à petit est en train de se mettre sur la voie d’une paix sociale durable.

La justice est bien évidemment applicable à tout le monde car nul n’est au-dessus des lois. C’est pourquoi Amnesty international et toutes les personnes physiques et morales éprises de justice doivent œuvrer à faire en sorte que l’on n’ait plus cette impression que certains criminels sont comme exemptés de l’application des lois humaines. Un crime est un crime et la loi doit s’appliquer comme il se doit sur tous les criminels dussent-ils être des « demi-dieux » de ce monde ! Si Charles TAYLOR doit comparaître devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, ne fermons pas les yeux et les oreilles sur les horreurs que commettent des gens dans son genre sous d’autres cieux mais sur cette terre que nous partageons tous.

Par Omar SALOU
L’Opinion

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique