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Grand Moyen-Orient : La France à nouveau dans le "jeu"

Publié le jeudi 28 juillet 2005 à 07h48min

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Visite d’Ariel Sharon à Paris, voyage de Michelle Alliot Marie en Afghanistan, apartés Bush-Chirac, rencontre au sommet De Villepin - Tony Blair, tout semble indiquer que Paris qui avait été mis "hors-jeu" au Proche et Moyen-Orient, revient progressivement dans le jeu politico-diplomatique dans cette région névralgique du globe.

Après sa mise au ban décrétée par Washington au lendemain du déclenchement en mars 2003 de la Guerre du Golfe II, pour "trahison" (rappelons que Paris a refusé d’y engager des troupes), la France revient progressivement dans le grand jeu qui se déroule entre puissances au Proche et Moyen-Orient.

Raisons principales de ce "retour en grâce" auquel la visite de trois jours à Paris du Premier ministre israélien, Ariel Sharon donne un air de triomphe, le fait que Washington se trouve "coincé" au plan militaire d’une part et l’influence réelle ou supposée de la France dans cette région du monde de l’autre, le tout "s’enrobant" dans la nécessité de faire front en commun à la "menace" chinoise.

Sur le premier point, les meurtrières campagnes d’Afghanistan et d’Irak ont convaincu bien d’aspirants-soldats américains de la dangerosité d’un engagement dans l’armée. Malgré le pactole alléchant qu’il y a au bout, les jeunes Américains ne sont plus prêts à aller se faire trucider en Irak pour une guerre dont ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants et que l’opinion publique assimile de plus en plus à une "farce" macabre de très mauvais goût.

Or, Bush a plus que jamais besoin d’hommes en Afghanistan et en Irak, pour sécuriser et pacifier ces deux pays, l’Irak surtout devenu un volcan quotidien. Quand on sait que le "cousin" britannique n’est pas disposé à faire plus de sacrifices humains et que les autres alliés circonstanciels (Australie, Italie, Pologne) sont en proie à des frondes sociopolitiques à cause de leur "engagement irréfléchi", on comprend que l’Oncle Sam lorgne du côté de Paris pour renflouer les troupes.

Bien sûr, Jacques Chirac ne serait pas assez "fou" dans cette conjoncture politique morose pour envoyer des Français bon teint en Irak, mais, en sus de ses légionnaires, Paris pourrait user de son influence auprès de certains de ses amis pour qu’ils envoient des "gars" en Mésopotamie.

La "visite-d’évaluation" il y a une décade de Michelle Aliot-Marie en Afghanistan est un signe qui ne trompe pas, la France n’étant tout de même pas disposée à envoyer ses troupes et ses amis à l’abattoir. Cette redistribution des cartes, Bush et Chirac en ont longtemps parlé lors de leur récente rencontre à Paris, tout comme dans les salons feutrés du Sommet du G8 tenu à Gleen-Eagles en Ecosse début juillet. De cela, mais aussi de la résolution du conflit israélo-palestinien, la "mère" de tous les conflits et de tous les actes terroristes qui ensanglantent le monde.

Donant-donnant

Empêtré dans l’éternelle poudrière que constitue le Proche-Orient, Washington qui a longtemps joué la carte d’Israël dans la région (depuis 1964 et la mise à disposition de l’Etat hébreu du premier réacteur nucléaire) se résout à l’évidence que la paix restera introuvable si on ne tenait pas compte des intérêts palestiniens. A preuve, nonobstant le retrait de certaines colonies de la bande de Gaza décrété par Sharon, les attentats-suicides perdurent, prolongeant la psychose des Israéliens. Mieux ou pire, les actes terroristes frappent des pays jusque-là épargnés comme l’Angleterre et se reproduisent à Sharm el Sheick en Egypte où il y a d’énormes intérêts juifs et occidentaux. Pour assombrir le tableau, au Liban, le Hezbollah que Washington a toujours traité d’organisation "terroriste" a réussi une percée remarquable lors des législatives libanaises et siège désormais au gouvernement.

C’est comme si la Syrie qui avait été chassée du Liban sur ordre de Washington se trouvait toujours dans le pays, par le biais de ses amis du Hezbollah.

Et, comme ceux-ci ont une forte capacité de puissance datant de l’époque de la guerre froide, une attaque frontale pourrait être grosse de dangers pour la sécurité du "petit-frère" israélien. La France qui dispose de solides réseaux historiques dans le pays, pourrait donc être d’un grand secours pour les Israéliens en quête de sécurité dans un milieu hostile. Voilà pourquoi Sharon qui, il n’y a guère longtemps traitait les dirigeants français "d’antisémites" va passer trois jours aux bords de la Seine pour retisser les "liens d’amour". Une France qui peut énormément servir aussi dans le dossier du nucléaire iranien, Téhéran ayant fortement apprécié la position de principe de la France, déclinée par Dominique de Villepin devant l’AG de l’ONU en février 2003. Aussi, Paris a "accompagné" l’Iran dans sa quête de l’arme nucléaire, ce que les Mollahs n’ont pas encore oublié. En un mot, Bush comme Sharon ont besoin de la France et Chirac qui a été "puni" pour son indiscipline, mais qui est resté droit dans ses bottes le sait mieux que quiconque.

Et ce soutien, il a déjà commencé à le monnayer dans les coulisses avec la désignation du site de Cadarache pour abriter le site nucléaire censé révolutionner le domaine, alors que les préférences de Washington semblaient aller vers Tokyo.

Par ailleurs, la hausse perceptible du dollar US ces derniers temps doit être perçue comme une volonté de Washington de ne plus pénaliser les exportations européennes et françaises en direction de l’Amérique. Autre signe de bonne volonté des Américains la résolution en commun de la crise ivoirienne (la médiation Mbéki a repris Marcoussis dans les grands traits) alors que Washington a privilégié à un moment donné sa propre solution. C’est du reste ce qui donne de l’urticaire à Laurent Gbagbo qui n’en finit pas d’inventer de vraies-fausses attaques contre des garnisons ivoiriennes pour mieux régenter le pays.

Il faut dire que le "Christ de Mama" est esseulé au plan politique avec l’unité sans faille du G7 (les partis politiques favorables à Marcoussis) qui le fait apparaître de plus en plus comme le seul trublion en Côte d’Ivoire. Là n’étant pas notre propos disons que Chirac va profiter de cette embellie diplomatique et des dividendes qu’elle entraîne pour tenter sinon de rebondir du moins de restaurer l’image de la France et la sienne propre. Dans une telle occurrence, Sharon ne devra s’attendre à aucun cadeau de sa part.

Car comme dirait l’autre, "en diplomatie on ne concède que ce que l’on ne peut pas avoir".

Boubakar SY
Sidwaya

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