LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Insécurité au Burkina : L’enrageante impuissance de l’Etat

Publié le mardi 26 juillet 2005 à 07h50min

PARTAGER :                          

Ce ne sont plus la corruption, le Sida, les accidents de la route, les criquets pèlerins, ni même la crise alimentaire qui font frémir les Burkinabè. Le sujet de préoccupation numéro un, ces derniers temps, est incontestablement la terreur que font régner les bandits sur nos routes.

Le comble, ce n’est pas le vol, les blessures et même les morts occasionnés par les actions de ces délinquants, mais l’impuissance de la force publique. Ce week-end, sur la fameuse route Ouaga-Pô, la preuve a été encore faite, de ce que les bandits imposent leur loi, allant jusqu’à narguer victimes et agents de sécurité. Ils opèrent en plein jour, à visage découvert et à quelques encablures des postes de gendarmerie.

Ils poussent même la provocation et l’outre-cuidance jusqu’à aller garer un véhicule braqué devant la gendarmerie. Que faut-il de plus à ces bandits pour prouver leur ascendance sur les forces de sécurité ? Surtout que cette région, foyer de l’insécurité au Burkina, abrite une base militaire et fait l’objet de patrouilles régulières, donc d’une attention soutenue des services en charge de la sécurité des biens et des personnes.

L’on doit se rendre à l’évidence, le seuil de tolérance est largement dépassé, en matière d’insécurité. Et si l’on n’y prend garde, les braqueurs, qui ne sont aujourd’hui que de vulgaires bandits, pourraient passer à une autre étape, en s’attaquant à des symboles de l’Etat. Avec le trésor de guerre qu’ils se sont constitué depuis qu’ils sévissent sur les routes, les bandits peuvent avoir d’autres idées derrière la tête.

Dans l’esprit d’individus sans foi ni loi, assurés d’être invincibles et, à qui, effectivement rien ne résiste, des motivations politiques peuvent devenir une source potentielle de déstabilisation.

C’est une perspective que l’on peut prendre pour du fantasme, mais il ne faut écarter aucune hypothèse dans l’escalade actuelle. Faut-il attendre que les institutions soient la cible des bandits pour enfin prendre le phénomène de l’insécurité au sérieux ?

Il y a, en tout cas, péril en la demeure. Certes, on évoquera l’incontournable manque de moyens humains et financiers. Mais cette ritournelle devient peu convaincante au regard de la gravité de la situation et de l’incapacité de l’Etat à apporter la riposte appropriée.

Et si, au fond, la réactivité des forces de sécurité était anéantie par le manque de motivation ? C’est un facteur psychologique déterminant dans ce type d’actions. Car tout agent de sécurité qui n’est pas dans une disposition d’esprit à se battre vaillamment, n’ira nulle part même s’il est armé jusqu’aux dents. Ce problème de la préparation mentale des troupes est cardinal.

Le Burkina a besoin d’un corps d’élite pleinement conscient de sa mission, gonflé à bloc et prêt à en découdre avec toute la racaille qui sème la désolation au sein des populations, hypothèque le développement national et menace la paix sociale. Au-delà du dénuement matériel donc, nos forces de sécurité ont besoin d’un réarmement moral. Le sens du devoir et l’esprit de mission, enseignés dans les écoles, semblent s’émousser au contact des réalités du terrain. Réalités qui, il faut le reconnaître, ont parfois de quoi décourager même le flic le plus déterminé.

La récente crise au sein de la police a révélé un malaise profond lié surtout au fait que les troupes ont le sentiment d’être les dindons de la farce : pendant qu’elles se tuent à faire régner l’ordre, certains supérieurs hiérarchiques se la coulent douce, se permettant même de se sucrer sur le dos de leurs agents.
Ce comportement simplement immoral ne peut que casser le moral des troupes. La mise en place d’une force efficace de lutte contre le banditisme passe aussi par un assainissement des moeurs à tous les niveaux, de façon à réinstaurer cette confiance qui semble tant faire défaut.

Avec la faillite actuelle dans la lutte contre l’insécurité, l’implication de volontaires et de bénévoles pour une croisade nationale devrait être étudiée. Il s’agira de donner une formation militaire à des personnes qui, pour des raisons diverses, sont mentalement prédisposées à traquer le banditisme jusque dans ses derniers retranchements.

Si la police de proximité que l’Etat compte lancer incessamment intègre cet aspect du volontariat, de la vocation et du sacrifice, c’est tant mieux. Avec l’ampleur prise par cette véritable lame de fond qu’est la grande criminalité, aucune initiative n’est de trop.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique