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Liberté individuelle et morale sociale au Burkina Faso : La part de responsabilité de l’Etat

Publié le jeudi 21 juillet 2005 à 10h02min

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Il figure quelque part dans la capitale Ouagadougou, sur une statue géante, cette enseigne : "Ouagadougou sera ce que vous voudrez qu’elle soit". Le bourgmestre Simon Compaoré remet-il l’autorité à la population ? Dans un sens, cela peut être positif et partant, le Burkina Faso sera ce que nous, les Burkinabè, voudrons qu’il soit.

Ce ne sera pas de notre part une politique nationaliste, ségrégationniste si nous devons prendre l’avenir de notre pays en main, dans le sens du développement et d’éviter surtout le "copier-coller". Oui, le Burkina Faso sera ce que nous voudrons qu’il soit. Tout, sauf un pays non-travailleur, maquisard et pervers, pour ne pas dire voyou.

Mais dans un autre sens, l’enseigne de la capitale peut aussi s’interpréter autrement, si nous constatons le comportement de nombre de citoyens qui deviennent de moins en moins responsables, socialement parlant. Car, un homme responsable, n’est pas seulement celui-là qui arrive à se nourrir et à nourrir les siens, mais plutôt, celui qui au-delà de toutes les performances économiques et matérielles par lui réalisées, sait vivre en parfaite harmonie avec la société dont il est issu. C’est cet humble citoyen qui sait faire violence sur lui-même, penser, vivre et venir au secours de ses concitoyens, respecter les prescriptions socio-morales qui régissent la société.

Toutefois, puisque le rôle prépondérant de tout Etat responsable consiste à protéger, éduquer, former et soigner son peuple, nous n’osons plus remettre la faute aux innocentes populations. La Loi est-elle faite rien que pour satisfaire aux politiques machiavéliques ou recherche-t-elle a priori l’intégration et l’accomplissement des droits fondamentaux (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels) des citoyens ? Si nous devons reconnaître le droit de s’affirmer et de s’épanouir de chacun, nous nous inquiétons tout de même de l’indifférence de nos gouvernants face à la prolifération combien alarmante des maquis, des bars-dancings, des boîtes de nuit, maisons de passe et autres nids de la perversion dans nos cités, comme s’il n’y avait rien d’autre à développer au Faso.

Notre inquiétude se fonde sur la dépravation croissante des mœurs et le fait que la liberté individuelle semble prendre le dessus sur la liberté collective, basée sur le maintien de l’ordre public et de la morale sociale, essence de toute société humaine digne de son passé. Nous savons également que c’est de là que prennent naissance les dérives de nature à favoriser la délinquance et l’insécurité des citoyens eux-mêmes. Et paradoxalement, presque tous nos intellectuels et cadres d’Etat s’y investissent, pour des besoins de commerce. Nos élites sont-elles en panne d’initiatives de développement pour faire face dignement au problème de l’emploi ?

Et dire que nombre d’entre elles nous gouvernent, nous ne sommes pas prêts de sortir de l’auberge, au moment où le G8 s’investit pour l’annulation totale de la dette et l’accroissement de l’aide publique aux pays pauvres. Aussi, nous sommes en droit de demander quand est-ce que les hommes intègres bossent-ils ? Quand est-ce que les Burkinabé se reposent-ils et quand est-ce qu’ils font de la recherche ? Ce n’est pas surprenant que nous soyons pleins de chercheurs qui ne semblent pas trouver.

2. Combattre le vagabondage et la perversion des mineurs

Revenons à notre sujet que l’enseigne de la capitale nous a imposé. Que voulons-nous que le Burkina Faso soit ? L’éternel avant-avant-dernier mondial, rang toujours contesté par certaines autorités sans que rien n’évolue dans le quotidien du Burkinabè ? Non. Alors, devons-nous miser davantage sur le socioéconomique, pour faire du plus qu’impératif "développement humain durable" une réalité chez nous, car, un homme programmé pour mourir (de faim et d’indignité) demeure néanmoins un être humain, mais un humain chagriné, donc non durable. On ne peut, faut-il le répéter, défendre et promouvoir les droits humains ou encore prétendre au développement en faisant fi de la dignité humaine. On ne peut pas non plus défendre les enfants des trafics et autres formes d’exploitation en les abandonnant à la rue. C’est pourquoi nous saluons l’opération coup de poing menée par la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) dans la nuit du 1er au 2 juillet dans la capitale Ouagadougou.

Cet événement, à la faveur d’une grande couverture par la presse, permettra sans doute de lutter contre le vagabondage humain, celui des mineurs surtout. Il faut cependant rechercher les vraies causes du phénomène et y apporter des solutions durables. En tout cas, tant que les règles du jeu sont claires et citoyennes, le Mouvement pour la Promotion de la Dignité Humaine pour le Développement (MPDHD) ne manquera de soutenir les forces de sécurité pour de telles missions.

Dans la même droite ligne, il faut reconnaître qu’on ne peut prétendre promouvoir la femme, en assistant sans mot dire à sa sacralisation d’objet de scène et de plaisir. Les élections Miss, les défilés de mannequins, le proxénétisme, la prostitution et le harcèlement sexuel en disent long sur la perte de la dignité et du statut sacré de la femme. Les parades et autres marches (pour faire allusion à la Marche mondiale des femmes du Burkina Faso), les inaugurations sans cesse des Maisons de la femme et l’octroi des crédits aux femmes ne suffisent pas pour faire de la femme, une composante sociale de plein droit, respectueuse et respectable.

Nous interpellons à l’occasion, le ministère de la Promotion de la femme, puisque nous ne pouvons pas compter sur le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, occupé à produire seulement du rappeur musical "jupé" ou à courtiser du touriste. A propos des élections Miss, où se trouve la dignité de la femme (et même des autres femmes) qui s’expose en slip devant des caméras et des spectateurs acquis et coupables de leur présence ? On nous rétorquera que ça se passe partout, mais nous ne sommes pas partout, mais plutôt au pays des hommes intègres. Nous souhaitons dorénavant que notre pays soit représenté autrement et dignement.

Nous n’osons même pas parler ici des organisateurs dont le palmarès des principaux acteurs se sait au Faso. Et comme si cela ne suffisait pas de rester en salle, on nous impose à tous, l’horrible scène, avec la bénédiction de notre télévision nationale. 11 est vrai que cette chaîne a comme fait l’option du plaisir en lieu et place de l’éducation pour tous, complicité meurtrière pour un pays en perte d’identité culturelle.

Le MPDHD (Mouvement pour la Promotion de la Dignité Humaine pour le Développement ne saurait resté indifférent face à ces dérives et s’active de ce fait à mener une étude portant sur la liberté individuelle et la morale collective. Les conclusions de cette étude seront portées à qui de droit, pour des mesures à prendre. L’élaboration d’un code vestimentaire réprimant les faits d’attentat à la pudeur sera étudiée. Que devient d’ailleurs l’arrêté 153 du 27 mai 1970 interdisant le port de la mini-jupe et de la mini-robe sur tout le territoire [Burkina Faso] aux personnes de sexe féminin, âgées de plus de douze (12) ans ? A notre connaissance, il n’a pas été abrogé, et quoi donc ?

Nous lançons à cet effet, un appel à toutes les personnes physiques et morales éprises de dignité et d’intégrité, pour sauver le peu qui nous reste en contribuant à l’effectivité de cette étude. Nous appelons tous les acteurs de la société civile et notamment les défenseurs des droits de l’Homme, à plus de vigilance, sinon, c’est des droits de citoyens programmés pour mourir que nous continuerons de défendre, les victimes se succédant de jour en jour.

3. Promouvoir les cultures vivrières

Interprétons toujours l’enseigne de Simon Compaoré en faisant maintenant cap sur la préoccupation majeure des populations à la base. Le Burkina Faso sera-t-il ce que nous voudrons qu’il soit ? Non, mais plutôt ce qu’ils voudront qu’il soit. Ils, ce sont nos dirigeants. Oui, nos dirigeants ont choisi de produire du coton sans politique majeure sur les cultures vivrières. Conséquence, nous sortons premier de l’Afrique de l’Ouest (à en croire le récent bilan septennal du parti au pouvoir) mais affamé à plus de 85 %.

Faut-il en rire ou en pleurer ? L’heure de la triste vérité a donc sonné : "Honneur aux dirigeants, Malheur au peuple". A notre humble avis, au lieu de ne batailler que contre l’Etat américain qui subventionne ses cotonculteurs, soyons logiques avec nous-mêmes en appuyant nos agriculteurs pour la production des céréales. Si nous gagnons notre indépendance dans la pitance et si nous avons le ventre plein comme on dit, c’est ensemble que nous combattrons et avec fierté.

Dire que la vie au Burkina Faso est chère n’est qu’une vieille chanson qui ne rencontre que des oreilles sourdes. Pour ne prendre qu’un exemple assez crucial, le sac de maïs coûte actuellement plus de 22 000 francs CFA. Dans certains foyers, ce sac dure tout au plus une semaine et il n’existe aucune structure céréalière de l’Etat pour faire face à cette hausse des prix et ce, au nom de la libéralisation des prix.

Les opérations ponctuelles et politiques d’aide ne font qu’attrister davantage les populations qui y voient la perte de leur dignité. Qu’allons-nous devenir ? "Dans quel type de société souhaitons-nous vivre ?" pour emprunter l’interrogation de Dan Van Raemdonck, le président de la Ligue des droits de l’Homme (Belgique francophone) ? Des chefs de famille ont commencé, foulant au pied tout honneur, à faire le tour des quartiers des villes pour demander du grain, et quelquefois sans succès.

Nous avons appris qu’un homme dans le Yatenga, pris de désespoir devant l’impossibilité de nourrir sa famille, s’est tranché la gorge après avoir tenté en vain de "placer" sa charrette auprès de ses amis légèrement nantis. Aussi, dans un village dont nous gardons l’anonymat (mais toujours dans le Yatenga), il n’est plus possible de cuir et vendre des beignets et autres galettes sans être victime d’un pillage systématique. Un homme venu vendre son vélo au grand marché de Ouahigouya pour acheter du maïs s’est vu obligé d’acheter du riz (contrairement à ses habitudes alimentaires), le maïs étant devenu inaccessible, financièrement. Et encore, fallait-il que le commerçant s’arrange pour le déposer lui et son sac dans son village.

Un autre exemple illustratif du caractère critique de la situation : un chef de famille est venu acheter des céréales à Ouahigouya. Déjà le crépuscule venu, on lui suggéra de passer la nuit et de rentrer le matin. Refus catégorique car dit-il, des membres de sa famille ne tiendraient pas vivants jusqu’au matin. Le lendemain, c’est lui-même qui sera constaté mort de faim et de fatigue, sur la route du retour. Enfin, c’est une vielle femme qui a fait cette confidence à un congressiste du CDP, qui se rendait de Ouahigouya à Ouagadougou, où devait se tenir ledit congrès : "Mon fils, arrivé au congrès, dis à Blaise Compaoré que nous l’aimons bien, mais c’est de faim que nous mourrons avant les élections".

Le Burkina Faso sera ce que nos dirigeants voudront qu’il soit. Devrons-nous dire "amen" ?

Le président du MPDHD

B. Etienne B. OUEDRAOGO (mpdhd_ohg@yahoo.fr)
CIB n°1377800 du 20/03/03 OHG

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