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A Bado, Gilbert et Nongma : Ne jetons pas systématiquement la pierre

Publié le mercredi 20 juillet 2005 à 07h40min

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Laurent Bado qui révèle que l’OBU a reçu trente (30) millions du président du Faso, Gilbert Ouédraogo de l’ADF/RDA qui propose ou qui accepte de soutenir la candidature de Blaise Compaoré et Nongma Ernest Ouédraogo de la CPS qui affirme sans sourciller qu’à ce rythme il va réclamer au chef de l’Etat la part de financement occulte de son parti politique. Pour beaucoup de citoyens, c’est à ne rien comprendre.

Cependant à bien y réfléchir, ces faits reposent des questions fondamentales au nombre desquelles les quelques-unes qui suivent : les valeurs morales que sont l’intégrité et l’éthique sont-elles compatibles avec la démocratie libérale ? Si non quel est leur degré d’incompatibilité ou d’inadéquation ?

Si oui, pourquoi dans nos pays, les choses vont-elles vraiment autrement ? En outre, la démocratie peut-elle s’exercer pleinement dans un environnement socio-économique où les besoins primaires des citoyens sont difficilement satisfaits et où les cadres de l’administration, malgré les hauts diplômes durement acquis, n’ont pas de revenu leur permettant de faire face aux besoins liés à leur couche sociale ?

L’administration publique étant la seule "mine d’or" et pour les militants du parti politique au pouvoir à savoir le CDP et pour les opérateurs économiques, proches des puissants, quelle démocratie, en dépit des professions de foi souvent sincères de nos dirigeants, pouvons-nous construire ?

Enfin dans la mesure où depuis Aristote de la Grèce antique nous savons que la pratique de la vertu présuppose la satisfaction d’un minimum de besoins matériels, y a-t-il lieu de blâmer systématiquement Laurent Bado et autres ?

Mais que l’on se comprenne bien, nous ne prenons pas fait et cause pour ces trois personnalités pas plus que nous n’avons pour intention de justifier leurs attitudes. Nous entreprenons simplement une tentative d’explication de leur comportement, car s’il est compréhensible que des citoyens qui pensaient que ces politiques pourraient proposer une alternative pleine d’espérance s’indignent, il est sage de chercher à comprendre et à expliquer le phénomène.

L’éthique peine à trouver sa place

Comme nous l’avons déjà souligné dans d’autres circonstances, le bien, le vrai, le beau et le juste sont, en dépit de différences d’expression, au fondement des groupes humains. Ne serait-ce que du point de vue du contenant que sont ces mots, ce sont le plus petits communs dénominateurs des êtres humains.

Ils relèvent, pour ce qui est du bien, du juste et du vrai, de l’éthique en tant qu’elle désigne dans notre cas un art ou une pratique ayant pour lui une bonne et heureuse vie. Or il en est à peu près de même de la politique qui est un art et une pratique (noble en principe) de gouverner la cité.

Que donc éthique rime avec démocratie et vice versa n’est que normal. Mais hélas, cela, c’est le principe, la théorie. En fait, bien souvent, les choses se passent autrement, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou (n’en parlons pas) en Afrique. Quelques raisons à cela :

Il y a chez l’être humain, une tendance presque naturelle de relents égoïstes qui l’amène à tout vouloir pour lui et rien pour les autres : pouvoir, honneurs, richesses matérielles, etc. Cependant pour être dans les bonnes grâces du peuple qui les a élus, bien de dirigeants sont "obligés" de céder un peu pour garder l’essentiel, le pouvoir. En démocratie, cela est courant. Que je me sois appelé Maurice Yaméogo, Sangoulé Aboubacar Lamizana ou que je m’appelle aujourd’hui Blaise Compaoré, c’est la manière et le degré qui varient, jamais le principe.

Maintenant, il se trouve en face de ceux qui ont le pouvoir leurs adversaires, qui espèrent un jour les débouter de là. Malheureusement, ne disposant pas du minimum correspondant à leur niveau d’instruction ou aux exigences des militants de leurs partis, la tentation est grande de céder aux sirènes de ceux qu’ils vouent aux gémonies.

Et comme l’argent et d’autres biens reçus l’ont été du fait qu’ils contrôlent l’appareil d’Etat, personne n’est lésé. Les dons n’appartiennent pas au pouvoir mais en fait à l’Etat ; et ceux qui reçoivent se voient offrir quelque chose qui n’appartient pas au pouvoir actuel mais à l’Etat alors que l’opposition est une composante de cet Etat au sens juridique. C’est donc ok.

Comprendre sans justifier

Partant de cela, il devient aisé de se faire une idée des positions de Laurent Bado, de Gilbert Ouédraogo et de Nongma Ernest Ouédraogo. Certes, le second ne soutient pas Blaise Compaoré en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes (en tout cas pas officiellement) mais comme nos concitoyens font de l’accusation facile, il est paru indiqué d’aborder la question sous cet angle.

Par ailleurs, croyez-nous, ce n’est pas facile de faire de l’opposition dans un pays comme le nôtre, c’est-à-dire défier le pouvoir et rentrer se coucher le ventre creux. Malgré les vérités que vous assenez, rien ne change, vous peinez à joindre les deux bouts, votre femme est sans emploi ou est un agent d’exécution à la Fonction publique, vos enfants sont inscrits dans des écoles publiques (connues pour la mauvaise qualité de l’enseignement).

Vos enfants, ainsi, n’auront peut-être pas votre niveau d’instruction avant d’être virés de l’école et c’est une génération sacrifiée qui risque d’engendrer une autre génération de sacrifiés. Avec tout ça, il y a de quoi vendre son âme au diable.

Pourquoi donc créer un parti politique dans ces conditions ? A cette question, on pourrait répondre par une autre : pourquoi ne pas en créer puisque seuls les partis peuvent animer la vie politique du pays ? Point donc de candidats indépendants aux municipales et législatives. Un parti, ça n’est pas une organisation non gouvernementale qui a des partenaires financiers. Ce qui rend la tâche de celle-ci moins difficile.

Il suffit de quelques amis et de quelques coups d’éclat et la notoriété nationale et internationale est faite. Tandis qu’un parti, ça s’impose d’abord à l’intérieur du territoire nationale avant d’avoir une signature internationale. Ces difficultés inhérentes à la gestion des partis sont parmi les raisons qui expliquent le fait qu’en Afrique, les équipes dirigeantes s’accrochent au pouvoir. Déchues, elles peinent à retrouver leur vitalité.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 20 juillet 2005 à 12:26, par Wendpolma S.A. En réponse à : > A Bado, Gilbert et Nongma : Ne jetons pas systématiquement la pierre

    J’apprécie l’article dans son premier volet quand il essaie de demontrer que la democratie s’exerce difficilement sans moyens financiers, et on pourrait même se poser la question de savoir s’il faut transposer la democratie, notamment occidentale comme mode de gouvernance lorsqu’on n’a pas les moyens financiers de satisfaire à toutes ses exigences, notamment les plus élémentaires (autre sujet). C’est à ce titre d’ailleurs que je désapprouve la seconde partie qui essaie d’expliquer le comportement de ces hommes politiques qui ne font vraiment pas honneur à la politique au Faso, et notamment à l’opposition du pays. Ils nous donnent parfois l’impression d’utiliser la politique (en prétendant contribuer au développement de la démocratie) comme un raccourci pour se faire des entrées d’argent. Même si "l’opposition est une composante de cet Etat au sens juridique" l’affectation de fonds se fait dans un cadre institutionnel dans un pays qui se "veut" démocratique. On ne peut impunément accepter de l’argent de façon occulte et vouloir justifier son geste par des raisons "légitimes". Aucun homme politique ne peut être exonéré de cette façon surtout lorsque l’on se présente comme le champion de l’intégrité. Et le risque de tout cela, c’est de discréditer pour l’avenir les jeunes générations qui voudront réellement changer les choses au pays des hommes intègres.

  • Le 20 juillet 2005 à 13:30, par YaYèla En réponse à : > A Bado, Gilbert et Nongma : Ne jetons pas systématiquement la pierre

    Laurent BADO ne sera jamais président de mon Faso bien aimé. Il a voulu nous arnaquer en nous faisant croire qu’il est intègre. Tu n’es qu’un bandit de la pire espèce. Voilà c’est ma façon de cracher son indignation.

    • Le 21 juillet 2005 à 04:12 En réponse à : > A Bado, Gilbert et Nongma : Ne jetons pas systématiquement la pierre

      Avec tout le respect, de là ou tu te trouves, qu’est ce que t’en sais de ce qui se passe dans l’esprit de M. Bado ? Je le trouve plutot honnete, quoique peu politicien et je le verrai très en PM. Maintenant, qu’est ce qu’il y a de mal a accepter de l’argent, pour en faire un bon usage. Peut être le mal se trouve parce que dans notre pays dès qu’on entend que quelqu’un a reçu de l’argent on ne réfléchis plus : pourquoi il l’a reçu, à quoi cela sert ? non au lieu de ça c’est tout de suite "il est vendu, il est corrompu". qu’est ce qu’on en sait franchement. On reconnait l’arbre par son fruit.
      J’aimerais voir ce que ceux qui sont rapide à jeter un pierre à qui que ce soit, on fait de bon pour leur pays. Avant d’ouvrir la bouche pour critiquer et condamner, demande toi ce que toi tu as fait de bon pour les tiens.
      Vive le Burkina Faso

  • Le 20 juillet 2005 à 14:50 En réponse à : > A Bado, Gilbert et Nongma : Ne jetons pas systématiquement la pierre

    Il est regrettable de regarder tous ces bouillonnements qui agitent aujourd’hui le milieu politique au Burkina Faso. Et cette situation déplorable, il faut le dire, pourra très difficilement être comprise. Toutes ces révélations, tous ces droits de réponse et toutes ces prises de positions jettent un plus grand discrédit sur la classe politique burkinabè, notamment l’opposition qui ne jouissait déjà pas d’une assise véritable. Au jour d’aujourd’hui, ceux qui paraissent intègres et sincères dans leur combat politique ne sont plus assez nombreux pour faire pencher la balance. Les questions posées dans l’article sont pertinentes certes, mais leur réponse ne se trouvent certainement pas dans le comportement des opposants, si on peut continuer à les nommer ainsi.
    Le Burkina Faso est pauvre alors ne l’appauvrissons pas davantage. Et c’est justement ce genre de pratique qui contribue très fortement à l’appauvrir : l’occulte et mauvaise redistribution des maigres richesses dont il dispose. Ce n’est surement pas en se distribuant des millions de façon nocturne que nos dirigeants vont emmener le pays à sortir de sa légendaire pauvreté. On fait de la politique et on est intègre ou on ne l’est pas. Le reste c’est du vent, et le peuple n’en a pas besoin.
    La naissance de l’OBU a suscité de l’espoir pour le peuple, qui aspirait à voir évoluer au moins le débat politique compte tenu de ses illustres dirigeants et fondateurs. Ces derniers nous ont prouvé que le seul intérêt des "politiciens" est bien la recherche du pouvoir pour servir des fins personnelles. L’intégrité et l’amour du pays ça ne se crie pas sur tous les toîts à grands renforts médiatiques, c’est une action concrète qui doit s’observer dans les faits. M. Bado est vraissemblablement franc, il faut le reconnaître. Mais son intégrité elle, est douteuse, au vu de ses révélations. Il est un bon juriste et il sait que les choses ne se passent pas aussi simplement dans la vie publique. Il en tirera certainement les conséquences, le peuple aussi probablement. Les réponses de ses désormais adversaires ne sont pas plus convaincantes non plus et cette fusillade médiatique ne fait que confirmer ce qui est toujours présent dans les esprits : le peuple est le cadet des soucis des hommes politiques, le pouvoir d’abord le peuple on verra bien plus tard.
    Malheureusement c’est le peuple déjà pauvre qui "trinque" C’est dommage ! Si ça continue ainsi le président Blaise compaoré a de beaux jours devant lui.

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