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Situation nationale : "L’intelligent" et "Papa m’a dit"

Publié le mardi 19 juillet 2005 à 07h00min

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L’actualité politique au Burkina reste le soutien apporté au candidat CDP, Blaise Compaoré, par l’ADF-RDA du chef de file de l’opposition, Gilbert Ouédraogo, et marquée ces derniers temps par la crise à l’Opposition burkinabè unie (OBU).

Le discours fleuve prononcé le 03 juillet 2005 par l’honorable député Laurent Bado (cf. l’Observateur du lundi 04 juillet), candidat investi de l’OBU à la présidentielle de novembre 2005, a provoqué des secousses aussi bien au sein du parti au pouvoir, accusé à tort ou à raison d’avoir orchestré la division entre les deux leaders d l’OBU, que de l’opposition, qui se sent désormais mal dans sa peau avec ces histoires de millions entre Laurent Bado et le Chat noir du Nayala, Emile Paré.

Ce dernier, qui a préparé sa riposte pour apporter des éléments de réponses aux accusations de son ex- compagnon de lutte, était lui aussi face à la presse, le vendredi 8 juillet dernier. Deux sorties médiatiques qui ont laissé perplexes de nombreux observateurs de la scène politique nationale, dont certains continuent de s’interroger sur la bonne foi des leaders de l’opposition.

Outre cette crise à l’OBU, il y a également cette décision inattendue, du parti de l’Eléphant, de soutenir la candidature de Blaise Compaoré et la renonciation de maître Gilbert Ouédraogo à son titre de chef de file de l’opposition. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a véritablement matière à réflexion au sein de la classe politique burkinabé, qui est subitement entrée en ébullition à quelques mois de l’élection présidentielle. Quels regards les Bobolais portent sur ces remous au sein de la classe politique ? Certains d’entre eux se prononcent.

Coulibaly Cheick Amidou (CNSS) : Je pense que c’est ridicule, ce qui se passe actuellement entre Laurent Bado et Emile Paré. C’est aussi regrettable de voir que des gens qui se sont associés pour une cause nationale révèlent au grand jour ce qui s’est passé clandestinement entre eux, et à l’insu même de leurs militants, qu’ils semblaient prendre pour des idiots. C’est dire qu’aujourd’hui on ne sait plus qui est de l’opposition et qui est du parti au pouvoir.

Parce que s’ils se laissent tous acheter par le président Blaise Compaoré, il n’y aura plus d’opposition au Burkina. Et dire qu’ ils ont accepté les espèces sonnantes et trébuchantes sans en informer leur base !

Vous comprendrez que quelque part ils ont trahi. Ils ont trompé leurs militants, et aujourd’hui, par la force des choses, ils tentent de donner des explications qui ne sont pas du tout convaincantes.

C’est vraiment dommage pour Laurent Bado et Emile Paré. Pour ce qui concerne l’ADF/RDA, je pense que Gilbert ne fait que suivre les traces de son père. A partir du moment où on l’avait nommé chef de file de l’opposition, ça posait des problèmes. Aujourd’hui qu’il démissionne pour aller soutenir la candidature de Blaise Compaoré, c’est dire que l’ADF/RDA est un maillon du CDP.

Souleymane Sanou (secteur 06) : Ça ressemble plutôt à de l’enfantillage, ce qui se passe entre Laurent Bado et Emile Paré. Ils ont trompé tout le monde à tel point que le citoyen burkinabè ne sait plus à quel saint ou plutôt à quel politicien se vouer. Laurent Bado, pour moi, était un grand homme quand il ne s’intéressait pas à la politique.

Dès lors qu’il a créé son parti, il a commencé au fil des années à se muer et aujourd’hui nous avons compris son objectif : c’est l’argent. J’avais vraiment de l’admiration pour lui lorsqu’il animait les conférences et faisait des critiques constructives sur la vie politique au Burkina et même sur notre société. Mais depuis qu’il s’est jeté dans la politique, il n’a pas échappé au virus de la corruption et on se rend compte aujourd’hui qu’il avait des ambitions inavouées et inavouables.

Quant au soutien de l’ADF/RDA à la candidature de Blaise Compaoré, on peut désormais considérer qu’il n’y a plus d’opposition au Burkina. Gilbert étant le chef de file de l’opposition, s’il se rallie au parti au pouvoir, ça veut dire qu’au Burkina, chaque opposant a un prix et certainement, un jour, nous serons aussi informés du coût de ce revirement.

En attendant, j’ai vraiment l’impression qu’on peut acheter tout le monde, surtout que Laurent Bado, dans sa déclaration, a parlé d’une liste d’opposants qui sont allés nuitamment souper à la présidence du Faso. Je commence à comprendre qu’il n’existe pas encore de vraie opposition dans notre pays.

Jules Ouédraogo (secteur 20, président du Mouvement "Je vote, je suis un citoyen") : J’ai de la peine à comprendre la situation qui prévaut aujourd’hui dans le microcosome politique burkinabé. Ces bagarres de chiffonniers n’honorent guère las animateurs de la scène politique de notre pays. En ce qui concerne le professeur Laurent Bado, j’avoue que dès le départ, quand il annonçait sa venue en politique, j’étais de ceux qui pensaient qu’il n’irait pas loin dans cette nouvelle aventure. Voyez-vous, la politique, pour l’exercer, il faut être non pas forcément intelligent, mais rusé ; or le tort de Laurent Bado est qu’il est « intelligent ».

L’affaire des millions de Blaise vient ternir l’image d’un homme dont le souci était justement de cultiver une certaine intégrité. Comme on le constate, son intelligence ne l’a pas empêché de faire les frais de la ruse du président Compaoré. Quant à l’ADF/RDA, je dirais que les histoires de tous les "Papa m’a dit" finissent toujours lamentablement. Un homme aura toujours des ambitions pour son fils, mais lorsque celui- ci veut passer par son rejeton pour réaliser ce que lui, il n’a pas réussi à faire, les conséquences sont parfois dramatiques et c’est ce que nous vivons avec l’ADF/RDA de Gérard Kango.

Je regrette de le dire, ici le "vieux" a manqué de stratégie pour préparer son fils au métier de la politique. On n’a pas besoin d’être un devin pour savoir que la décision du parti de l’Eléphant de soutenir la candidature de Blaise Compaoré est en réalité le fruit d’un travail souterrain de son président d’honneur à vie.

Et les conséquences se situent à deux niveaux : d’abord le risque de voir l’ADF/RDA voler en éclats du fait de la frustration d’une frange des militants et ensuite la disqualification de la classe politique par le corps électoral. Avec ce qu’on voit et ce qu’on entend, il n’est pas évident que les électeurs sortent nombreux pour voter . Conscient de la situation, les membres du mouvement "Je vote, je suis un citoyen", dont je suis le président, préparent des stratégies pour sensibiliser les électeurs afin de les remobiliser pour la présidentielle de novembre.

Touré Boubacar (particulier) : Je ne suis pas profondément imprégné de la crise actuelle entre Laurent Bado et Emile Paré. Mais ce qui est sûr, ils se sont laissés corrompre. Mais il ne faut pas trop leur en vouloir parce que la plupart de nos politiciens souffrent du manque de moyens financiers et matériels. Ils n’ont pas d’argent, ce qui fait qu’ils cèdent facilement à la tentation.

Pour moi, il faut être un homme de foi pour ne pas accepter certaines propositions, et ceux qui peuvent le faire se comptent sur le bout des doigts au Burkina. A mon avis, ils sont très peu nombreux, ceux qui peuvent refuser de l’argent par honnêteté ou par conviction. Quant à Laurent Bado et à Emile Paré, ils se sont peut-être dit qu’il ne faut pas perdre des deux côtés : au moins s’enrichir si on sait qu’on ne peut pas accéder au pouvoir. Pour ce qui est de l’ADF/RDA, c’est vraiment décevant parce qu’à mon avis, c’est l’un des partis qui pouvaient faire le poids devant le CDP lors de la présidentielle. Mais avec ce que nous voyons aujourd’hui et ce qui reste de l’opposition, je résume la situation en disant : "Adieu l’alternance".

Propos recueillis par Jonas Appolinaire Kaboré

L’Observateur

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