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Politique d’immigration en Europe : Après la “fuite” voici le “pompage” des cerveaux

Publié le samedi 16 juillet 2005 à 08h26min

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Lors de leur récente concertation à Evian, les ministres de l’Intérieur de cinq pays membres de l’Union européenne (Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, France et Italie) se sont mis d’accord pour organiser des expulsions d’immigrés par des vols groupés.

Cette "mutualisation" des moyens pour organiser ces rapatriements consistera à raccompagner, par des vols spéciaux, dans leurs pays d’origine des immigrés qui auront auparavant séjourné dans les centres de rétention.

Alors que cette décision, qui devrait connaître ses premières applications dès les prochaines semaines, s’accompagnera d’autres mesures comme la restriction du regroupement familial, pour contrôler le flux migratoire vers l’Europe, durcissant ainsi les conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur leurs sols, voilà que Monsieur Gordon Brown, chancelier de l’Echiquier, fustige l’hypocrisie que le protectionnisme des pays développés représente pour les populations des pays pauvres, allant jusqu’à déclarer que "nous devons ouvrir nos marchés et supprimer les subventions qui entravent le commerce, et en particulier mettre fin rapidement à la Politique agricole commune [P AC] en fixant une date dès maintenant pour l’arrêt des subventions à l’exportation".

Les paradoxes d’une politique d’immigration sélective

Sans entrer dans une analyse politicienne de ces déclarations par rapport aux réalités européennes, parce qu’il faut tout de même remarquer que la France est jusque-là opposée à la mise sous scellée de la PAC, et que ce sont les mêmes gouvernements qui défendent la "cause" des pays du Sud qui se sont retrouvés à Evian, il y a lieu de rester vigilant pour voir ce qui pourrait advenir.

Ces deux logiques semblent pour le moins paradoxales car si l’on considère que la population européenne est vieillissante et le restera pour un certain temps, d’où la nécessité de renouveler la force de travail par l’immigration notamment, il est incompréhensible que ces 5 pays décident par des mesures de ce type, non pas de limiter exclusivement les flux, et donc de préserver la force de travail déjà existante, mais de chasser en même temps ceux de ces immigrés qui ont pu s’installer sur leurs territoires.

C’est pourquoi il faut craindre que la nouvelle politique d’immigration ne soit en réalité une politique de "pompage" du peu de ressources humaines qualifiées dont dispose le continent africain.

Cette immigration sélective risque de constituer une véritable stratégie de récupération, et non plus de fuite de cerveaux, exacerbant pour ainsi dire les maux de nos pays.

Sachant que nos frères et sœurs, aiment bien dormir sur les nattes douillettes de leur prochain, dénonçant à vau-l’eau la corruption, la lourdeur administrative, la paresse etc, en Afrique, il faut s’attendre à ce que beaucoup d’étudiants ne reviennent plus, et que certains fonctionnaires profitent de leurs réseaux pour émigrer, à la recherche, dit-on, du mieux-être.

Non pas que l’émigration en soi est mauvaise, mais il faudrait dès lors que leur travail profite à l’humanité et en premier lieu aux plus pauvres, en prenant pour exemple ces illustres hommes qui ne cessent de mettre leurs contributions au développement du continent, comme Cheick Modibo Diarra ou Zéphirin Diabré.

Restons vigilants !

Il ne faudra pas oublier à ce moment que cette "fuite" ne sera qu’une répétition de l’histoire ! Demain leurs progénitures ne se reconnaîtront plus une âme africaine, traiteront leurs cousins de tous les noms, comme c’est le cas de bien de ces Afro-Américains aujourd’hui. Sauf qu’avant il ne s’agissait pas d’une émigration mais d’une déportation.

Face à cela, les discours parfois mielleux que l’on entend sur certaines tribunes font sourire. Tant il est vrai qu’il ne sert à rien d’ouvrir des marchés si le peu de gens qui sont censés porter la concurrence sont "absorbés", que les rares paysans compétents, convaincus et conscients des enjeux de la mécanisation sont invités à aller monnayer leurs compétences dans les plaines italiennes plutôt que de valoriser la vallée du Sourou ou encore que le peu de compétences en matière électronique, physique et autres font leurs recherches dans les centres occidentaux, laissant le soin aux gens du Sud la consommation.

En plus de ne pas constituer des pôles de recherche, si les résultats auxquels ils aboutiraient étaient équitablement partagés, il y aurait moins de fractures. Mais nulle part cela n’a jamais été le cas et ce serait aller même contre la logique de domination par le commerce vers laquelle les économies tendent.

C’est pourquoi tout en saluant les efforts des pays développés pour aider leurs "frères" du Sud à sortir de la misère, ce qui peut du reste être vu comme la juste récompense de leurs contributions antérieures, il y a lieu de se préparer à développer les compétences, donc à mettre beaucoup l’ accent sur la recherche au niveau national ou sous régional, à accélérer et pérenniser les politiques d’autosuffisance alimentaire, à promouvoir les activités récréatives au niveau national et intra-national en vue de fidéliser les citoyens pour réduire les attractions vis-à-vis des pays développés qui ne manqueront pas, comme c’est le cas actuellement des loteries tous azimuts pour émigrer.

C’est à croire que l’ on veut aider les pays du Sud en accroissant leurs ressources, tout en les privant des compétences pour les absorber utilement !

Les dernières déclarations du bouillant ministre de l’Intérieur français quant à sa politique d’immigration, en prélevant les meilleurs candidats sur la base de leurs diplômes et de leurs expériences professionnelles, ne sont pas pour rassurer !

Vigilance donc !!

Brice SAGNAN
L’Hebdo

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