LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Piraterie d’œuvres protégées : "C’est compliqué !"

Publié le samedi 16 juillet 2005 à 08h15min

PARTAGER :                          

Durant le mois de juin, une descente de la gendarmerie en collaboration avec le Bureau burkinabè des Droits d’auteurs (BBDA) permettait de saisir 12 169 cassettes, CD, VCD et DVD piratés. Treize jeunes hommes étaient à la barre du Tribunal de grande instance de Ouagadougou mardi 12 juillet 2005 pour répondre du délit de piraterie.

Prévu pour être délibéré vendredi 15 juillet 2005, le verdict a été prorogé au mardi 19 juillet 2005. Trois heures de débats houleux n’ont pas suffi à donner un verdict au fameux procès de piraterie des œuvres protégées en ce mardi 12 juillet 2005. Suspendu alors, rendez-vous avait été pris pour le vendredi 15 juillet 2005.

Salif Compaoré et 12 autres jeunes accusés d’importation illégale d’œuvres et de mise à la disposition du public de supports illégaux devront attendre le mardi 19 juillet 2005 pour connaître leur sort. 12 169 cassettes, CD, VCD et DVD sont concernés par ce délit de piraterie. Julien Nikiéma, Hamado Nikièma, Salif Compaoré, Zakaria Sanfo, Hado Pamtaba, Ousséni Bagué, Hypolite Ouédraogo, Aimar Souka (Nigérian), Sana Tondé, Bassirou Guiro, Issouf Kaboré et Morou Kiendrebéogo sont les accusés. A la barre, tous ont reconnu avoir été pris avec des œuvres piratées sauf Bassirou Guiro. Ce dernier a expliqué qu’il n’est pas le propriétaire des œuvres saisies dans son stand. Ces œuvres appartiennent à son voisin Idrissa Gambèga qui, n’ayant pas de l’électricité, utilisait son stand pour exposer et vendre les œuvres.

Dans une salle d’audience pleine à craquer, les jeunes accusés ont expliqué la manière par laquelle ils ont été appréhendés. Certains ont fait savoir qu’ils ont été interceptés dans les rues de Ouagadougou avec des œuvres ne portant pas les étiquettes du BBDA, d’autres ont été cueillis sur leur lieu de vente. Selon eux, des œuvres portant des étiquettes BBDA ont aussi été saisies. "Mais pourquoi n’avaient-elles pas d’étiquettes BBDA ?", interroge le président du tribunal.

Qui en français, qui en mooré, les jeunes accusés se sont contentés d’affirmer qu’ils sont allés au BBDA en vue de se procurer les étiquettes. Comme réponse, le BBDA les a fait savoir qu’il est en rupture de stock. Le président repart de plus belle "saviez-vous qu’il est interdit de vendre des œuvres piratées ?". Tous, à tour de rôle, répondent qu’ils ne sont pas informés des conditions à remplir pour vendre les œuvres dites piratées.

Le représentant du BBDA en l’occurrence le directeur d’exploitation appelé à la barre a expliqué ces conditions. Selon lui, il faut, selon la nouvelle loi en vigueur depuis 1999 sur la protection des œuvres de l’esprit, avoir un visa d’importation délivré par le BBDA. Ensuite, ils doivent acheter les timbres ou étiquettes au siège du BBDA en vue de les coller sur les supports importés.

Avec étiquette plus cher que sans étiquette

"Pourquoi avez-vous saisi les cassettes portant des étiquettes ?" laisse échapper le président du tribunal . "Nous avons constaté que les supports légaux servent à la vente de supports illégaux. Alors, pour des raisons de sécurité, la gendarmerie a opté pour l’enlèvement de tous les supports". Mieux, "les vendeurs savent et disposent leurs œuvres de façon à cacher les supports illicites". Le représentant du BBDA a affirmé qu’il y a des détournements d’étiquettes vers d’autres supports parce qu’une œuvre qui porte l’étiquette est plus chère que celle qui n’en porte pas. La défense des accusés constituée par Me Farama et Me Nion n’a pas laissé passer cette aubaine. "Alors tout support ou cassette importée qui porte le timbre BBDA n’est pas piraté ?", interroge Me Farama. "Oui" répond le BBDA. L’homme a révélé qu’avant l’entrée en vigueur de la loi de 1999, les associations de commerçants ont été sensibilisées et informées. Quant aux jeunes commerçants, ils ont expliqué que certains ont acheté les œuvres piratées sur des marchés tels que "Zabre Daaga", "Sankar yaaré", d’autres sont allés les acheter à Lomé et au Nigeria. Ils les faisaient entrer avec la complicité des transporteurs. Me Farama a voulu savoir l’exploitation du visa d’importation en fonction des œuvres importées et la gestion des œuvres internationales. Le représentant du BBDA a expliqué que le visa d’exploitation comporte les œuvres des artistes à importer. Pour les œuvres internationales, un accord de réciprocité avec des sociétés sœurs permet de protéger ces œuvres avec l’accord des artistes. Me Farama sort alors un visa du BBDA où il est marqué 5 000 cassettes et un compile de Michaël Jackson. "Ces 5 000 cassettes sont de quel artiste et le compile de Mickaël Jackson qui porte l’étiquette du BBDA a-t-il eu le feu vert de Jackson pour être sur le marché ?" Applaudissements dans la salle. Le président réagit : "nous ne sommes pas dans un concert, si ça se répète je vide la salle". Me Farama montre encore que lors d’une opération spéciale en 2003 des cassettes ont été vendues main à main aux revendeurs. Il montre le reçu des timbres du BBDA portant la mention opération spéciale et conclut qu’il n’y a pas eu de contrat à cet effet. Il demande alors au BBDA : "Puisque le vendeur signe un contrat de licence d’exploitation en fonction des artistes, avez-vous la licence de tous les artistes ?" "Tout à fait" répond le BBDA. "y a-t-il une licence de Mickaël Jackson au BBDA ?". Pas de réponse.

Plaidoiries en sueur

Le tribunal sur demande de l’avocat de la partie civile appelle à la barre deux témoins qui sont des artistes : Idak Bassavé et un représentant syndical des artistes. Idak Bassavé a étayé les conséquences de la piraterie sur la vente des œuvres des artistes. Elle a révélé que chaque cassette vendue à 1250 F rapporte 150 F à l’artiste et 350 F au revendeur. Pour le représentant syndical, justice doit être faite pour freiner la piraterie. S’ouvraient alors le réquisitoire et les plaidoiries des parties. Le procureur dans son réquisitoire a relevé, être en présence de trois genres de cas. Le premier cas est celui des grossistes qui partent à Lomé et au Nigeria pour acheter des œuvres piratées notamment Mourou Kiendrebéogo, Issouf Kaboré, Ousséni Bagré, Aimar Souka. Le deuxième cas est celui des revendeurs tels Julien Nikiéma, Salif Compaoré, Sanfo Zakaria, René Nana, Hypolite Ouédraogo, Hado Pamtaba, Hamado Nikièma. Le 3e cas est celui de Bassirou Guiro qui ne reconnaît pas les faits parce que n’étant pas le propriétaire des œuvres saisies. Le procureur a requis que ceux du 1er cas soient reconnus coupables et condamnés à 6 mois de prison avec sursis. Il a demandé la relaxe pure et simple pour les 2e et 3e cas et la confiscation des œuvres saisies. La défense a plaidé pour la relaxe pour infraction non constituée. Selon Me Nion, le BBDA a joint une liste de noms à sa plainte qui porte les noms de certains Amado, Abdoul, Phillipe, patron de Mady qui ne sont pas dans le lot des accusés. Pour Me Nion, le BBDA cherche à renflouer ses caisses avec cette opération. Me Farama abordera dans le même sens en affirmant qu’il n’a pas l’ambition d’épauler la piraterie mais que l’on se perd dans l’analyse de la contrefaçon avec ou sans étiquette. Il relèvera que la piraterie à grande échelle se fait dans des pays qui en produisent tels que la Sierra Leone, le Bangladesh et on s’en prend aux petits revendeurs. Eux, "ne sont pas des pirates" selon lui. Tout en sueur, Me Farama a demandé que ses clients soient relaxés purement et simplement car dit-il "il faut avoir le courage de le dire ils ne sont pas des pirates".

"Il faut que le BBDA nous explique"

Au préalable à la plaidoirie de la défense, le conseil du BBDA s’était constitué partie civile en réclamant des dommages et intérêts cumulés de trois millions neuf cent quatre vingt cinq mille quatre cent deux (3 985 402) F CFA . Il a demandé qu’ils soient reconnus coupables et condamnés. A sa sortie du procès du 12 juillet, Idak Bassavé l’a trouvé "trop compliqué". C’est son clip "Mouzo Haouré" qui a été piraté. Mais Idak veut que le BBDA leur explique pourquoi il affirme que toutes les cassettes importées qui contiennent l’étiquette du BBDA ne sont pas piratées.

Procès compliqué donc mais, peut-être que le mardi 19 juillet permettra de "voir clair" dans ce procès aux paramètres difficiles à sonder.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Dédougou : Le festival des masques signe son retour
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel