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Soutien de l’ADF-RDA à Blaise : Le probable prix d’une "compromission historique"

Publié le mercredi 13 juillet 2005 à 07h45min

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Perplexité, expectative, surprise, indignation, condamnation, c’est entre autres les sentiments et attitudes des Burkinabè et particulièrement des militants de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) depuis que ce parti politique a décidé, au cours de son dernier congrès, d’apporter son soutien au candidat Blaise Compaoré.

Il faut reconnaître, en effet, qu’il y a de quoi perdre son latin, dans la mesure où ce n’est pas tous les jours qu’une formation leader d’une opposition apporte sa caution au candidat d’un parti majoritaire déjà en exercice.

Que diable donc l’Eléphant est-il allé faire dans cette galère battant pavillon Blaise Compaoré ? se demandent certains Burkinabè. Gilbert Ouédraogo et les siens se sont-ils dit que le président-candidat était si dépourvu de soutien qu’ils ont décidé de mettre le pachyderme au service de celui-ci en attendant l’après-élection pour être convié à la soupe ? s’interrogent d’autres. Ou encore, la position de chef de file de l’opposition tardant à passer des textes aux faits, ils se sont résolus à joindre le train Blaise Compaoré dans l’espoir qu’au soir du 13 novembre 2005 leurs attentes seront comblées ? spéculent nombre de nos concitoyens. Ou enfin, la main invisible guidant G. Ouédraogo qu’est son père, Kango Gérard Ouédraogo, l’a dirigé (peut-être contre son gré) vers le puissant du jour, affirme-t-on dans les gargotes.

Quelles que soient les réponses à ces questions, c’est là, pour bon nombre de Burkinabè, une véritable maladresse politique dont s’est rendu coupable le parti de l’Eléphant, étant donné qu’il pouvait bien présenter son candidat tout en soutenant en sous-main Blaise Compaoré ; ou en cas de deuxième tour, appeler à voter ce dernier. Il est de notoriété publique que certains candidats "travaillent" pour l’actuel chef de l’Etat. Cette stratégie comporte trois avantages majeurs : d’abord, la participation de plusieurs candidats atteste du dynamisme de la démocratie burkinabè ; leurs partis politiques profitent de la subvention que l’Etat ne manquera pas de mettre à leur disposition ; enfin, dans la situation de l’ADF/RDA, elle aurait donné (au moins) l’impression qu’elle est digne et légitime dans son costume du premier parti de l’opposition.

Or, pour certains (même de ses militants), en agissant comme elle l’a fait, elle confirme les rumeurs selon lesquelles, en accord avec le pouvoir, elle avait ourdi un complot contre le Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste (PDP/PS) afin que le patron de celui-ci, qu’était le Pr Joseph Ki-Zerbo, n’accède pas au poste de chef de file de l’opposition. Si cela était avéré, ce serait un véritable coup tordu indigne de l’aîné des partis politiques burkinabè. Certes en politique, la vertu n’est pas souvent la chose la mieux partagée. Surtout pas sous les tropiques. Cependant, affirment ceux qui contestent la ligne officielle du parti, les atteintes grossières à la morale politique révèlent une vacuité patente d’intelligence politique dommageable au parti concerné et au pays dans son ensemble.

Et si c’était Blaise le demandeur ?

Une fois passée la surprise, l’étonnement et l’indignation, il importe de se demander non pas à quel prix l’ADF/RDA a marchandé son soutien à Blaise Compaoré, mais pourquoi et à quel prix le président-candidat a demandé ou accepté que l’Eléphant le soutienne. Effectivement, jusque-là, les analyses se sont focalisées sur le fait que c’est l’ADF/RDA qui a probablement proposé ses services à B. Compaoré ; oubliant que c’est peut-être ce dernier qui a sollicité ou accepté, pour des raisons qui lui sont propres, l’appui de l’Eléphant.

Parmi les explications possibles de la sollicitation ou de l’acceptation par B. Compaoré de la caution de l’ADF/RDA, on peut citer les éléments suivants :
Peut-être le président du Faso, sans le dire bien sûr, estime, aujourd’hui plus qu’hier, qu’il est temps de voir au-delà du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et des partis politiques de moindre envergure qui le soutiennent.

On se rappelle d’ailleurs que quand il avait été question de renouveler la direction du CDP il y a quelques années, Roch Marc Christian Kaboré n’avait pas les faveurs de l’enfant de Ziniaré. A-t-il alors décidé de rechercher un soutien de poids ailleurs au lieu de se contenter de celui de quelqu’un qui n’avait pas ses faveurs pour diriger le parti ? Cette interrogation nous paraît pertinente, car même à l’intérieur du CDP, les hommes forts de la campagne, à savoir Salif Diallo et Jean-Léonard Compaoré, sont plus des hommes du président que des boss du CDP.

Contrairement à beaucoup de Burkinabè, nous pensons que, sauf cas exceptionnel, Blaise Compaoré va abandonner le pouvoir. Le tout est de savoir quand. Mais le quand ne peut être envisagé, sans le comment. Dans ce sens, il est à prévoir que même si les dossiers de crimes de sang connaissent avant son départ une suite judiciaire, certaines formations politiques et organisations de défense des droits de l’Homme pourraient être tentées de le poursuivre en justice. Dans cette hypothèse, il serait souhaitable pour lui de bénéficier et de la couverture du CDP et de celle de grands partis politiques comme l’ADF/RDA.

Eu égard au fait que le premier militant de ce parti est un expert en matière juridique, il pourrait bien être utile au cas où ces problèmes connaîtraient un rebondissement. Ces deux points, c’était du côté de Blaise Compaoré.

Pourquoi l’ADF/RDA a cédé ?

Dans le camp de l’ADF/RDA, on a probablement décidé de soutenir ce dernier, en en assumant les tenants et les aboutissants pour les éventuelles raisons qui suivent : En 1991, à l’aube du retour de l’Etat de droit, Kango Gérard Ouédraogo, au cours d’une intervention publiée dans le quotidien Sidwaya, avait dit qu’une fois la démocratie revenue au Faso, il soutiendrait le chef de l’Etat actuel. Quatorze (14) ans se sont écoulés qui ont vu l’ADF/RDA participer une et une seule fois au gouvernement. Aujourd’hui, s’agit-il de la réalisation de cette promesse que les vicissitudes de la vie politique burkinabè avaient repoussée aux calendes grecques ?Cela n’est pas à exclure quand on sait que malgré ce que ses adversaires disent de lui, celui qui fut à une époque le gentleman de Londres tient généralement ses promesses.

L’autre explication plausible à notre sens est un certain entrisme. En politique, cela consiste à ce ranger du côté de son adversaire ou de son rival avec l’omniprésent souci de travailler à ses côtés de façon à renverser le rapport de forces en sa propre faveur c’est-à-dire donc souvent en défaveur de son rival ou adversaire.

L’exemple parfait de cela est Roch Marc Christian Kaboré. Connu comme l’animateur principal d’un des courants sankaristes au lendemain du 15 octobre 1987, il accepte avec ses amis la main tendue de Blaise Compaoré dans le cadre de la gestation et de l’enfantement de l’Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail (ODP/MT).

Considéré comme un arriviste par les patrons de l’Union des communistes burkinabè (UCB), du Groupe des communistes burkinabè (GCB) et du groupe Pour le parti (PLP), il adopte un profil bas, histoire de pousser des racines. Aujourd’hui il est président de l’Assemblée nationale et du CDP et personne ne semble lui contester sa stature d’homme d’Etat. Mais pas forcément avec la bénédiction de Blaise Compaoré.

Enfin, on peut penser que l’ADF/RDA s’est vue promettre quelque chose à la hauteur de la "compromission historique" avec suffisamment de garanties. Pour nous, il est imaginable que ce soutien à Blaise Compaoré ait été acquis pour les beaux yeux du président candidat.

Au regard de tout cela, les analystes non partisans gagneraient, avant de tirer des conclusions hâtives pouvant se révéler erronées, à aller à la recherche des informations secrètes relatives au pacte ADF/RDA/Blaise Compaoré. Si l’étape des a priori peut, dans bien des cas, être un passage obligé pour la connaissance, on ne peut s’arrêter là si le souci est de percer un tant soit peu les mystères que renferme le réel c’est-à-dire les faits sociopolitiques dans notre cas.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

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