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Témoignages du capitaine Bayoulou et du caporal Bassana : "Salaires suspendus, radiés de l’Armée"

Publié le mardi 12 juillet 2005 à 07h54min

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Le 1er avril dernier, deux des quatre militaires condamnés dans le cadre de la présumée tentative de coup d’Etat d’octobre 2003 ont, à la faveur de la célébration de la Journée nationale de pardon, été graciés. Il s’agit notamment du capitaine Boulédié Bayoulou et du caporal Bassama Bassolé.

Trois mois après leur libération, les intéressés ont ressenti la nécessité de s’exprimer. Pour ce faire, ils se sont rendus au siège de votre journal le 7 juillet 2005. Ils abordent entre autres, dans l’entretien que nous leur avons accordé, les sujets suivants : leur séjour en prison, les accusations à leur encontre, les circonstances de leur libération. Ils ont également exprimé leur disponibilité à réintégrer les rangs de l’armée nationale.

"Le Pays" : Vous venez de sortir de prison il y a à peine 3 mois. Pouvez-vous nous parler de votre nouvelle vie ?

Capitaine Boulédié Bayoulou : Nous voudrions vous remercier pour l’opportunité que vous nous offrez de nous exprimer. Mais, avant toute chose, permettez-nous d’adresser nos condoléances aux familles des frères décédés. Nous voulons parler du sergent Kaboré Moussa alias "BOZA" et du sergent-chef Yaro Bouma. Ceci étant, nous nous attelons, après l’euphorie de la sortie, à résoudre des problèmes de nos familles respectives. Vous n’êtes pas sans ignorer que nos salaires ont été suspendus et nous-mêmes chassés de l’armée. Ce qui rend, évidemment, les choses plus compliquées, puisque nous n’avons plus de source de revenu.

Comment vous a-t-on accueillis dans vos familles ?

Caporal Bassama Bassolé : Nous avons été très bien reçus. Le jour de notre arrivée, par exemple, dans nos villages respectifs, très grande fut notre surprise de trouver tout le monde en fête. De part et d’autre, des parents de villages environnants étaient venus en grand nombre pour nous témoigner leur compassion, solidarité et joie de nous compter parmi eux. Ce fut une immense joie pour nous.

Combien de temps a duré votre incarcération ?

Cal BB : Le capitaine Bayoulou a été arrêté le 3 octobre 2003 et libéré le 1er avril 2005 (celui-ci approuve de la tête). Quant à moi, on m’a arrêté le 2 octobre 2003 et ma libération est intervenue le même jour que celle du capitaine. Donc, nous avons fait en tout 20 mois d’incarcération.

Parlez-nous à présent de votre vie en prison

Cne BB : Nous pouvons relever ici deux situations différentes. Il y a d’une part, notre détention à la gendarmerie et notre séjour à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), d’autre part. En toute sincérité, notre traitement à la gendarmerie a été inhumain et digne des Etats d’exception (le caporal Bassolé confirme par un geste de la main). Cela a duré sept mois. Nous ne reviendrons plus ici sur les détails car tout a été dit lors du procès (c’était le 6 avril 2004). Par contre, bien qu’on ait été jeté parmi les bandits de grand chemin de la MACO avec tout ce que cela comporte comme risques permanents en termes de maladies contagieuses, d’incidents et même d’assassinats, nous tirons notre chapeau à l’administration pénitentiaire qui a été magnanime par rapport à notre traitement.

On vous a accusés de tentative de coup d’Etat et d’intelligence avec l’extérieur. Qu’en dites-vous ?

Nous vous renvoyons à nos plaidoiries lors du procès. A cette occasion, Bassolé et moi, nous avions plaidé non coupables. Nous étions sincères quand nous le faisions. Donc, nous ne nous sentons pas concernés aucunement, ni de près ni de loin, par ce que vous avancez.

Mais, étant jugés et condamnés, aviez-vous peur pendant votre détention ?

Cal BB : Parler de peur, c’est trop dire. Néanmoins, comme l’avait pensé tout le peuple burkinabè, on avait des craintes pour notre vie, même actuellement.

Le 1er avril dernier, vous avez bénéficié d’une grâce. Comment comprenez-vous votre libération ?

Cne BB : Comme on vous le disait tantôt, nous ne nous sentons pas concernés par ce qui nous est reproché dans l’arrêt de renvoi. Les condamnations ont été, de notre point de vue, faites sur la base d’allégations mensongères de témoins et de codétenus aux ordres, de personnes omnibulées par le gain facile. Pour nous, ce n’est que justice.

Voulez-vous dire que Naon et Ouali, qui sont toujours à la MACO, méritent leur peine ?

Cne BB : Ce n’est pas du tout ce que nous disons, parce que nous ne parlons que de nous deux ici présents, de notre situation.

A votre avis, Ouali et Naon sont-ils coupables des faits qu’on leur reproche ?

Cal BB : Nous sommes mal placés pour répondre à cette question.

Maintenant que vous êtes libérés, comment voyez-vous l’avenir ?

Cal BB : Nous ne sommes pas des devins ou des charlatans pour prédire l’avenir. Seul Dieu est maître à bord.

Actuellement vous êtes radiés de l’armée. Si on vous faisait appel, alliez-vous y retourner ?

Cne BB : (Petite hésitation). Bon ! En tant que citoyens burkinabè, si on nous fait appel pour défendre notre patrie, nous ne pouvons pas refuser. C’est un devoir pour nous.

Avez-vous quelque chose de particulier que vous aimeriez aborder ?

Cne BB : Nous (regard vers le caporal Bassolé qui lui fait signe de conclure) voudrions saisir la présente occasion pour remercier du fond du coeur, une fois de plus, tous les parents et amis qui n’ont ménagé aucun effort pour nous aider à surmonter cette douloureuse épreuve. Nous avons été victimes d’un complot et d’un règlement de compte politico-militaire. Maintenant, si le sacrifice de nos modestes personnes peut permettre à la démocratie burkinabè d’avancer, nous ne pouvons qu’en être fiers.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE
Le Pays

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