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Djibrill Bassolé, ministre de la Sécurité : « Les interlocuteurs de Hermann Yaméogo ne le prennent plus au sérieux"

Publié le vendredi 8 juillet 2005 à 08h33min

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Les 1er et 2 juillet, les forces de police (polices nationale et municipale et CRS) ont mené une opération coup de poing dans la quasi totalité des lieux de réjouissances de la capitale. Mais une semaine après cette sortie, le ministre de la Sécurité, Yipènè Djibrill Bassolé a reçu une équipe de Sidwaya le 5 juillet en son cabinet pour tirer les premiers bilans.

Au cours de cet entretien, les questions d’actualité (grand banditisme, menace sur certains hommes politiques, supposée implication du Burkina dans les crises de pays) ont été abordées par le ministre Bassolé.

Sidwaya (S). : Quel bilan faites-vous de l’opération coup de poing que viennent d’effectuer les forces de l’ordre le 1er juillet, M. le ministre ?

Djibrill Yipènè Bassolé (D.Y.B.). : Au-delà du bilan chiffré que l’on peut avoir auprès des organes de police, je voudrais faire une appréciation globale de toute l’opération. A ce sujet, je voudrais féliciter la presse et en particulier Sidwaya qui a couvert l’événement dans le sens de sensibiliser les jeunes, les mineurs, les parents mais aussi les propriétaires des débits de boissons et de boîtes de nuit. L’intention du gouvernement à travers cette action des forces de l’ordre est de freiner ce qui peut être considéré comme un fléau qui menace la jeunesse.

Vous l’avez constaté vous-mêmes sur le terrain, de nombreux jeunes garçons fréquentent les débits de boissons et s’adonnent à la consommation d’alcool et même peut-être de produits prohibés tels que la drogue. Beaucoup de jeunes filles aussi fréquentent également ces lieux et s’adonnent à la prostitution.

Nous pensons que la jeunesse du Burkina Faso doit s’épanouir dans de meilleures conditions et c’est pour cette raison que nous avons voulu donner le signal.

L’opération « coup de poing » de ce week-end n’est qu’un début. Aussi, nous allons entreprendre une série d’actions qui susciteront l’intérêt de toutes les couches sociales à ce problème de société qui touche les mineurs. Il y va de la bonne santé et de l’équilibre moral et intellectuel de nos enfants.

S. : Lors de cette opération, des flottements ont été constatés ; comment comptez-vous vous y prendre pour qu’à l’avenir, de telles erreurs soient minimisées ?

D.Y.B. : Une opération d’une telle envergure entraîne nécessairement des désagréments. Ne serait-ce que pour ceux qui fréquentaient paisiblement ces lieux qui sont pour la plupart des touristes. Evidemment, il y a des désagréments et nous en sommes conscient. Pour les prochaines fois, nous allons travailler à ce qu’il ait le moins d’opérations possibles. Les prochaines étapes vont consister à responsabiliser les gérants de ces établissements. Comme le directeur général de la police l’a mentionné, ils s’exposent à des sanctions administratives et pénales lorsqu’ils reçoivent des jeunes mineurs, des enfants dans leurs établissements à des heures indues pour consommer de l’alcool.

S. : Vous semblez très fier de cette opération alors que les Burkinabè dans leur majorité, pensent qu’il aurait fallu s’attaquer au grand banditisme qui est un problème récurrent.

D.Y.B. Je ne suis pas particulièrement fier de l’image désastreuse des jeunes mineurs qui fréquentent les débits de boissons, les boîtes de nuit. Ce n’est pas de gaîté de cœur que les services de police exécutent ce genre de missions, elles font partie d’un tout. Nous n’avons pas oublié la lutte contre le grand banditisme. Des actions sont toujours en train d’être menées, il y a même des patrouilles qui se font maintenant sur les grands axes interurbains. Ce n’est pas parce que nous traquons les coupeurs de route que nous allons négliger les infractions qui se commettent au quotidien et qui peuvent porter de graves atteintes à nos populations et à cette jeunesse en particulier. Des actions sont en train d’être menées sur tous les fronts.

S. : On constate aussi que face aux attaques des bandits, il n’y a pas une réaction prompte, appropriée des forces de l’ordre. Toute chose qui peut laisser penser à défaut d’une implication des forces de sécurité, tout au moins à une complicité qui ne dit pas son nom entre celles-ci et les bandits ?

D.Y.B. : Non ! Non ! Je n’irai pas jusque-là parce que quand vous voyez le mode d’action des bandits, vous comprenez aisément qu’ils prennent des précautions pour aller opérer pratiquement là où ils sont sûrs que les forces de l’ordre ne pourront pas les atteindre.En tout cas, dans l’immédiat. Un des problèmes dont nous sommes particulièrement conscient, c’est que le territoire au plan de la sécurité, n’est pas suffisamment bien couvert. C’est-à-dire que les structures, les unités de police et de gendarmerie ne sont pas suffisamment présentes sur le terrain pour constituer des forces de dissuasion. C’est pour cela que nous mettons en œuvre cette police de proximité dont l’un des objectifs est de rapprocher les unités de police et de gendarmerie des populations qu’elles ont pour mission de protéger.

S. : Les Burkinabè ne comprennent pas que des villes comme Pô, Fada et Bobo-Dioulasso qui abritent d’importantes unités militaires essuient les assauts répétés des coupeurs de route. Les populations en viennent même à penser que des militaires de ces villes pourraient être de mèche avec les coupeurs de route.

D.Y.B. : Non ! Parmi tous les coupeurs de route qui ont déjà été interpellés (et il y en a pas mal) nous n’avons pas encore identifié d’hommes en tenue. Mais ne vous inquiétez pas. Les jeunes gens qui opèrent sont suffisamment astucieux. On nous a même signalé que sur certains grands axes, ils attendent tout simplement le passage de la patrouille pour opérer, en sachant que la patrouille ne sera de retour que quelques heures plus tard.

Ils agissent aussi sur la base de renseignements et surtout ils mettent leur talent intellectuel et physique en œuvre. Je crois que le phénomène du banditisme ne sera enrayé que lorsque le prépositionnement des forces sera suffisant pour laisser le moins d’espace possible aux bandits. Mais il faudra compter sur le long terme pour que chaque département au Burkina Faso ait sa structure de police ou de gendarmerie, il faudra encore assez de temps pour recruter du personnel, pour réaliser les infrastructures et les équiper.

S. : Il avait été question de forces mixtes gendarmes-militaires pour mener des opérations contre les bandits. Que devient cette force ?

D.Y.B. : Il n’y a pas une force, une brigade spéciale au plan national pour agir. Elle serait d’ailleurs inefficace. Ce qui existe au plan national, c’est la coordination des forces de sécurité intérieure dont le ministre de la Sécurité est le coordonnateur.

Ce que nous essayons de concevoir, c’est la coopération entre les forces de sécurité publique sur le terrain. Autrement dit, dans les régions, les provinces et les départements, les forces de sécurité publique, (police-gendarmerie) appuyées par les forces armées, là où il y en a, constituent des postes de commandement opérationnel pour lutter localement contre le phénomène du banditisme. Bien entendu, nous avons quelques exemples bien réussis d’actions communes et concertées, comme à Léo et Fada. Il existe vraiment une bonne ambiance, un bon esprit de coopération du reste, c’est cet esprit que le département chargé de la sécurité essaie de promouvoir un peu partout pour que l’action des forces de l’ordre soit efficace et efficiente dans le domaine de la lutte contre le grand banditisme.

S. : Dans une conférence de presse donnée, le week-end écoulé, Hermman Yaméogo a affirmé que le Burkina était fortement impliqué dans les crises socio-politiques des pays comme la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, la Sierra-Leone, l’Angola. Quelle réaction cela appelle de votre part ?

D.Y.B. : Vous m’amenez à parler des accusations de maître Hermann Yaméogo. Il faut savoir que ce n’est pas la première fois que maître Hermann Yaméogo profère ce genre de menaces et ce genre d’accusations. Nous avions il y a quelques mois (vous vous souviendrez au cours d’une conférence de presse) dénoncé les accusations que Maître Hermann et ses alliés extérieurs avaient formulées contre le Burkina. Lorsque la Côte d’Ivoire et la Mauritanie s’en étaient pris au Burkina Faso sur la base des informations à elles fournies par Maître Hermann Yaméogo, nous nous sommes mis en devoir de montrer à l’opinion et de démontrer que ces accusations n’avaient aucun fondement et que surtout, elles étaient le fruit d’une machination orchestrée par maître Yaméogo. Il persiste et signe, puisque maintenant, il dit tout seul, ce qu’il n’avait jamais cessé de dire en réalité. De même que nous avons quelques informations beaucoup plus graves.

A l’heure où nous vous parlons (NDLR) : mardi 5 juillet 205), maître Hermann Yaméogo a des contacts au quotidien avec des officiels de certains pays pour leur donner des informations sur la situation de sécurité au Burkina Faso. Ce qui rassure les services de sécurité, c’est simplement le fait qu’ils ont eu l’information selon laquelle ses interlocuteurs ne le prenaient plus au sérieux. Il y a un déficit de confiance. Ils ne lui accordent pas beaucoup de crédit. Maître Yaméogo à plusieurs reprises a reçu des sommes d’argent.

En particulier de la Côte d’Ivoire. La contrepartie pour lui, consistait à créer des situations de troubles avancés au Burkina Faso. Il n’a jamais pu tenir ses engagements. Du coup, ses interlocuteurs ne lui font plus beaucoup confiance. Maître Yaméogo a séjourné dernièrement en Côte d’Ivoire pendant près de deux mois. Ça n’a rien changé. Il n’y était pas tellement en odeur de sainteté. C’est peut-être la raison pour laquelle, il fait des déclarations fracassantes maintenant. Probablement, il vise deux objectifs. Le premier, c’est de prouver à ses amis de Côte d’Ivoire qu’il est en train de se battre pour eux pour peut-être justifier encore quelques dotations. La deuxième raison, c’est de faire dans la provocation à outrance pour qu’on puisse s’intéresser à lui, qu’on puisse prendre des mesures au plan sécuritaire. L’interpeller ou l’arrêter par exemple serait du pain béni pour lui.

Il n’entraînera personne sur son terrain de prédilection que sont les crises et les actions sensationnelles. Vous ne trouverez pas curieux qu’au lieu d’aller tranquillement à l’élection présidentielle, de se faire une base de popularité pour espérer engranger des voix paradoxalement, il fait des déclarations qui de toute évidence, n’améliorent pas sa cote de popularité et qui ne font en réalité qu’attirer l’attention négativement sur sa personne, des Burkinabè qui ont perdu leurs proches et ou leurs biens en Côte d’Ivoire. Il a tout simplement pris l’option de nuire aux intérêts et à l’image de son pays.

S. : Se fondant sur de nombreux témoignages et enquêtes provenant, je cite, « de journalistes célèbres, d’ONG réputées et même des Nations unies », Hermman Yaméogo va même jusqu’à parler de connexions entre rebelles de l’Unita et le réseau Compaoré.

D.Y.B. : Non ! Ça c’est vraiment le fruit de son imagination. Vous savez que sur toutes ces questions (en tout cas, je parle de tout ce que je sais depuis que je suis ministre de la Sécurité et même avant quand j’étais chef d’Etat-major de la gendarmerie), sur toutes ces questions, le Burkina a fait l’objet d’enquêtes, de vérifications de structures techniques de l’ONU qui sont venues dans notre pays et qui ont fait des investigations en toute liberté. Avez-vous déjà eu un rapport de conclusion de ces différentes commissions d’enquête accusant le Burkina d’être dans telle ou telle connexion ?

Il y a eu des faits par le passé, par rapport auxquels nous nous sommes expliqués et qui de toutes les façons, n’ont pas constitué de graves fautes contre le Burkina.Sinon nous aurions été sanctionné ou mis sous embargo.

Je crois que ce sont des choses sur lesquelles maître Yaméogo veut surfer pour peut-être affaiblir le régime selon lui, pour donner un sens à son combat. Mais c’est vraiment un combat inutile. Comme je le dis, si ce n’est pas de la provocation, je ne crois vraiment pas que lui-même puisse avoir un intérêt quelconque dans cette posture délibérément agressive.

S. : Où en est le gouvernement avec le procès qu’il voulait intenter à maître Hermann Yaméogo suite à la question mauritanienne ? Du reste, maître Yaméogo dit n’attendre que le gouvernement !

D.Y.B. : Une partie de l’affaire suit son cours en justice. Pour ce qui est de l’action des services en matière d’investigation, tout ce qu’on pourra entreprendre contre lui, sera forcément exploité et interprété comme étant des dispositions pour abattre un candidat à la présidentielle, un opposant politique.

C’est d’ailleurs ce qu’il attend. Là, les services ne font que le surveiller en faisant en sorte que sa capacité de nuisance au plan de la sécurité puisse être contenue.

Mais, il ne sera pas éventuellement candidat à la présidentielle. Pour tout ce qui sera répréhensible au plan de la loi pénale, des procédures seront engagées en bonne et due forme. Le plus urgent pour les services de sécurité, c’est de prévenir toute atteinte à la paix et à la stabilité du pays.

S : Est-ce le même type de contact que vous avez avec le président Gbagbo que vous auriez avec les rebelles ?

D.Y.B. : Ecoutez, les rebelles sont des Ivoiriens qui appartiennent à la communauté sous-régionale. Ils ont le droit de circuler librement. Maître Yaméogo lui-même circule librement dans des capitales africaines pour comploter contre son pays. Il a séjourné en Côte d’Ivoire pendant plusieurs semaines aux frais de la princesse en plus. Est-ce que quelqu’un lui a reproché quelque chose ? S’il a des choses à reprocher aux rebelles, qu’il aille les trouver à Bouaké !

S : Le gouvernement ne serait-il pas bien inspiré de prendre des mesures actives pour assurer la sécurité de Hien Fidèle, vice-président de l’UNDD, Me Sankara Stanislas, président de l’UNIR/MS, Issa Tiendrébéogo, secrétaire général du GDP et Me Hermann ?

D.Y.B. : Moi je veux bien. Mais vous ne pourrez pas assurer la sécurité de quelqu’un qui se méfie de vous, qui pense qu’éventuellement, vous êtes à l’origine des menaces qui pèsent sur sa tête.

C’est pour cela, je pense que si vraiment ils sont de bonne foi, s’ils ont de réelles préoccupations pour leur sécurité et s’ils nous font confiance, on pourra très bien envisager des mesures pratiques à mettre en œuvre pour leur procurer et la sécurité physique et la sécurité psychologique.

Ça bien sûr s’ils sont de bonne foi. Maintenant si c’est de l’agitation ou de la propagande subversive, là évidemment il n’y a rien à faire.

Interview réalisée par El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com) et Jean Philippe TOUGOUMA ( jphilt@hotmail.com)

Sidwaya

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