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Soutien de l’ADF-RDA à Blaise Compaoré : Pragmatisme ou suicide politique ?

Publié le lundi 4 juillet 2005 à 07h53min

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Passée la période de l’autoproclamation dans les colonnes des journaux gracieusement offertes par les différents organes de presse, en live à la télé ou au détour d’un meeting enfiévré, c’est désormais le temps des investitures officielles pour la présidentielle du 13 novembre 2005.

C’est, on le sait, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), escorté par 23 partis invités au repas du seigneur de Ziniaré, qui a ouvert le bal le 18 juin 2005 en dévoilant son secret de polichinelle : la candidature, à sa propre succession, de Blaise Compaoré, n’en déplaise à ceux qui lui opposent des empêchements absolus d’ordre juridique, politique, économique, et même moral.

Pour de nombreux observateurs de la scène politique, c’est la chronique d’une victoire annoncée tant les forces en présence n’ont rien de comparable. D’un côté le parti majoritaire avec sa redoutable machine électorale et ses moyens colossaux, licites, illicites ou tout simplement déloyaux (l’utilisation des biens étatiques), de l’autre une opposition saucissonnée qui va au combat en rangs dispersés et sans le nerf de la guerre, mais qui se prend néanmoins à rêver d’alternance.

C’est dans ce contexte de crise inter et intrapartis de l’opposition, qu’elle soit "vraie" ou "gâteau", radicale ou modérée, qu’est intervenue hier l’investiture de Laurent Bado comme candidat unique de l’Opposition burkinabè unie (OBU), soit deux semaines après la démission de 3 des 4 députés de sa formation politique, le Parti de la renaissance nationale (PA.RE.N.).

Une crise au sujet de laquelle le truculent enseignant de droit promettait de tout raconter avant de "mourir tranquillement". Et il ne s’est pas privé de laver en public le linge sale de sa famille politique, dans ses moindres détails. Presqu’au même moment, l’Alliance pour la fédération /Rassemblement démocratique africain décidait de ne pas aligner de candidat à la course du 13 novembre prochain. Mieux, ou pire (c’est selon), elle va soutenir le président sortant, Blaise Compaoré.

C’est à n’en pas douter une situation inédite dans les annales politiques de notre pays voire de l’Afrique et du monde. Ce n’est pas en effet tous les jours qu’on voit, en bonne démocratie, le premier parti de l’Opposition soutenir la majorité, qui plus est dans un scrutin où il n’y a qu’une place en jeu. C’est sûr, cette prise de position va faire des gorges chaudes dans le landernau politique et au sein de l’opinion où on trouvait déjà inconcevable que le chef de file de l’opposition ne brigue pas la magistrature suprême.

Alors, si, non content de ne pas être candidat, Me Gilbert Ouédraogo, derrière lequel d’aucuns voient l’ombre tutélaire de son père, Gérard Kango, doit se ranger derrière "le Blaiso" on se demande bien quel genre d’arguments il va pouvoir avancer pour soutenir et justifier cette position, qui en fait, n’a rien de surprenant. Ces dernières semaines ont en effet été marquées par une crise qui couvait à l’ADF-RDA et qui donnait l’impression que l’Eléphant ne savait pas sur quel pied danser : pour les uns, il n’y avait pas de raison que l’ADF-RDA ne se présente pas avec son candidat, pour les autres il n’en était pas question.

Et de fait, les rencontres initiées la semaine dernière entre le président de l’ADF-RDA et "les candidats des partis ayant un groupe parlementaire propre", autrement dit le CDP et le PDP/PS, étaient destinées à préparer les esprits. Des informations concordantes faisaient même état de ce que quelques députés faisaient chanter le chef du parti, menaçant de démissionner si d’aventure il se présentait. Et certains même d’affirmer, toute honte bue, que quelle que soit la décision qui serait prise, ils battraient campagne pour le candidat du CDP. Tout simplement kafkaïen !

Ainsi écartelé et avant tout soucieux de préserver coûte que coûte l’unité du parti, Me Gilbert Ouédraogo, le pauvre, a pour ainsi dire fini par céder aux maîtres chanteurs dont il faut se demander si certains ne sont pas, en réalité, des taupes agissant pour le compte du pouvoir. Il est vrai que des considérations pratiques ont aussi présidé au choix des congressistes pour qui il ne sert à rien de se ruiner physiquement et financièrement pour une élection qui semble jouée d’avance.

Autant s’économiser pour les municipales de 2006 et les législatives de 2007. En se refaisant, au passage, des forces par des marchandages électoraux avec le candidat le mieux placé en vue d’obtenir quelques-uns des morceaux les plus viandeux de la République, notamment des portefeuilles ministériels à la faveur du remaniement qui suivra la présidentielle. Pour luicide et pragmatique que puisse être cette démarche, elle ne constitue pas moins un suicide politique pour le jeune Gilbert (37 ans) même s’il est vrai qu’avant lui, d’autres ont fait les mêmes va-et-vient au gouvernement avant d’être aujourd’hui dans l’opposition radicale, faisant feu de tout bois.

Après tout, les amitiés ou les alliances en politique sont toujours conjoncturelles et elles cessent dès lors que la conjoncture qui les a engendrées n’existe plus. Quoi qu’il en soit, en volant ainsi au secours de la victoire, le chef de file de l’Opposition apporte de l’eau au moulin de ceux qui pensaient déjà que l’ADF-RDA n’était plus vraiment de l’Opposition. Le congrès des 2 et 3 juillet sonne donc comme une confirmation même si, à bien y réfléchir, le (res)sentiment de ses contempteurs n’aurait pas changé quelle que soit la résolution qui aurait été prise. Peut-être pour tout cela, Gilbert, qui a visiblement du temps devant lui, a-t-il décidé d’être à la hauteur de ses péchés, advienne que pourra.

L’Observateur Paalga

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