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Emile Pargui PARE : “Nous sommes en position pour aller arracher la chaise à Blaise COMPAORE”

Publié le jeudi 30 juin 2005 à 08h17min

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L’OBU, l’Opposition burkinabè unie que préside Emile Pargui PARE depuis deux ans, traverse une crise sans précédent consécutive à une querelle de lLeadership. Aujourd’hui, et comme il le dit lui-même, « L’OBU n’a pas encore éclaté ».

Mais n’empêche que les deux leaders du regroupement sont en désaccord total quant au choix du candidat à la présidentielle à tel point que chacun a déclaré sa candidature.

Si Laurent BADO « s’est auto proclamé » candidat de l’OBU, Emile PARE qui se dit gardien des textes du regroupement, s’est présenté sous la bannière de l’Alliance Socialiste. « Le chat noir du Nayala » promet un face à face entre lui et Blaise COMPAORE le 13 novembre prochain. Dans l’entretien qu’il nous a accordé après un long silence, Emile PARE revient sur les causes de la crise au sein de l’OBU.
Il parle également des leçons qu’il tire de celle-ci, des chances de l’opposition burkinabè dans cette élection présidentielle du 13 novembre 2005 etc.

Depuis le 24 mars, la gangrène du leadership s’est installée dans votre regroupement l’OBU, provocant ainsi une crise sans précédent. Quelles sont les causes véritables de cette crise ?

Emile Pargui PARE : Je dois dire que c’est une crise qui m’a surpris, d’autant plus que depuis que l’OBU a été créée le 5 août 2003, les activités se mènent de façon régulière et de façon consensuelle, conformément à nos textes. Comme vous avez pu le constater, nous avons choisi une démarche scientifique. A savoir d’abord créer l’OBU, ensuite, la légaliser par des textes, statuts et règlement intérieur, qui ont été adoptés le 11 décembre 2003. Par la suite, nous avons élaboré un programme de gouvernement commun pour affronter les grandes élections qui arrivent. Vous aurez constaté que toutes ces étapes ont été franchies sans difficulté.

La dernière étape qui restait maintenant, c’était le choix du candidat, celui-là à même de conduire notre campagne et autour duquel nous devrions nous battre sur le programme de gouvernement. Je crois que c’est à cette dernière étape que la crise est survenue, née donc du choix du candidat de l’OBU. Bien entendu nos textes disent que l’organe de direction, à savoir le Comité directeur national, est le gestionnaire des élections donc des choix des candidats.

Le 24 mars, nous avons convoqué le Comité directeur national et comme à mon habitude en tant que président du regroupement, je fais toujours avant les réunions du Comité directeur national, une concertation avec les chefs des autres partis membres de l’OBU étant entendu qu’ils sont tous mes vices présidents. C’est donc à cette réunion de concertation le 24 mai, une heure avant la tenue de la réunion du CDN afin que nous analysions au niveau de la direction politique les grands points de l’ordre du jour que la crise est intervenue.

Ce jour-là, le premier point important était l’adoption de la stratégie et sur cela, il n’y a pas eu d’accroc, nous avons convenu d’adopter la stratégie de l’OBU, que j’avais envoyée à l’avance à tous les chefs de parti et à tous les membres du CDN. Le deuxième point de l’ordre du jour, c’était le choix du candidat et il revenait donc à la présidence, de se concerter pour proposer au Comité directeur national (CDN) un candidat consensuel. Au niveau de l’OBU, ce n’est pas un parti, c’est un regroupement de partis, et dans un regroupement de partis, le consensus doit être le mode de choix le plus approprié.

Et nos statuts prévoient en l’article 13 que lorsque le consensus n’est pas atteint, on peut maintenant passer au vote et les deux tiers des voix désigneront le candidat qui représentera l’OBU à cette élection. Nous étions donc dans la phase du consensus préliminaire, et c’est à cette phase-là que la majorité des chefs de partis membres de l’OBU qui avaient au préalable débattu de la question dans leurs partis respectifs avaient à se prononcer.

Ainsi fait, les avis des uns et des autres émis, le débat était plus facile à introduire au niveau du comité directeur. C’est là où la majorité s’est prononcée pour la candidature du président de l’OBU avec un argument fort qui est que jusque -à, il a conduit l’OBU sans incident notable, sans insuffisance. Donc, il était tout à fait logique que, dans la collégialité, on présente le président de l’OBU qui conduit toujours la marche de la structure.

Alors c’est là qu’effectivement, le premier vice-président, Laurent BADO, a marqué son désaccord de façon bruyante. Je ne rentre pas dans les détails mais toujours est-il que, sans attendre qu’on discute à fond en vue de trouver le consensus, il a pris ses clés, a claqué la porte et parti après avoir demandé à sa délégation qui attendait (avec les délégations des quatre autres partis) les résultats de notre concertation, de ne pas participer à la réunion du CDN du 24 et donc de le suivre en disant qu’avec ou sans l’OBU, le président du PAREN sera candidat.

La crise est née brutalement ainsi. Compte tenu du fait que je suis le président de l’OBU et que je suis concerné, en plus du fait que je suis garant des textes fondamentaux de l’OBU, j’ai proposé aux autres chefs de partis de reporter la réunion du CDN étant entendu qu’il y a problème, qu’il y a crise. Je vous rappelle qu’auparavant, j’avais demandé aux quatre chefs de partis, compte tenu du fait qu’il y a deux candidatures en présence et qu’il y a des difficultés, que nous retirions le point 2 qu’était le choix du candidat de l’ordre du jour du CDN qui devait incessamment se réunir.

Des camarades sont venus de Banfora, d’autres donc de Bobo, etc. il fallait surchoir sur ce point et continuer avec les autres : la stratégie de l’OBU, la situation financière de la structure, l’organisation de la rentrée politique. On pouvait donc enlever le point à problème pour continuer les démarches en vue effectivement de trouver un consensus et si d’aventure maintenant le consensus n’était pas trouvé, on allait partir aux votes et les deux tiers allaient permettre à la structure de dégager un candidat et éviter ainsi la crise.

Pour moi, la crise n’en valait pas la peine. Si nous avons tenu à ce que l’OBU soit différent des autres regroupements, cela devait se traduire justement par l’adoption des textes et statuts et sa légalisation. Parce que les regroupements antérieurs que nous connaissons notamment le G14, la COB, et aujourd’hui « l’Alternance 2005 » n’avaient pas et n’ont pas de structuration, des textes et statuts qui permettent de trancher les débats : dès qu’il y a des divergences, un chef de parti claque la porte sans égard. Vous avez vu l’effritement de « l’Alternance 2005 » avec combien de partis on a commencé pour qu’ils se retrouvent aujourd’hui à trois. Vous avez vu le départ de l’OBU avec ses raisons, ensuite, du PDP/PS, puis du RDEB, du FFS, etc.

C’est pour éviter cela que nous avons fait des textes. Et ce qui faisait l’originalité de l’OBU, c’est que c’est un regroupement structuré avec une direction centrale élue pour trois ans, avec des règles de fonctionnement bien établies notamment le consensus, ou les 2/3 en cas de manque de consensus.

Tous cela donnait assez de garde-fous pour éviter les pièges, mais vous savez les textes sont là, les gens disent qu’ils croient aux textes, mais à la pratique, on constate qu’ils n’appliquent pas ce qu’ils ont eux-mêmes dit.
La crise est née du comportement du premier vice-président de l’OBU qui est le président du PAREN. En dehors de cela, il n’y a pas autres causes de la crise. Il n’y a pas de divergence idéologique qui s’est prononcée et qui a amené la crise, il n’y avait pas une divergence avant la rencontre du 24 mars où nous avons débattu sur la question de la candidature. Voilà un peu résumé cette crise qui est intervenue à l’OBU et depuis le 24 mars 2005, je n’ai plus convoqué une réunion du CDN étant entendu qu’il y’avait plus ou moins la rupture entre la présidence et la première vice-présidente de l’OBU.

Des déceptions de cette crise ?

(E.P.P) : Je dois dire que je suis moi même très déçu parce que, je l’avoue, c’est un échec une fois de plus une nième tentative de faire l’unité de l’opposition. Je dois dire qu’aujourd’hui, l’unité de l’opposition est un passage à mon avis idéal pour réaliser l’alternance en 2005. Nous l’avons toujours affirmé au MPS/PF nous l’avons toujours affirmé au sein de l’OBU également et c’est pourquoi, les regroupements antérieurs que nous avons critiqués avec leurs faiblesses étaient des expériences qui allaient nous permettre d’entamer effectivement, un nième regroupement qualitativement supérieur.

Sincèrement, j’avais foi en l’OBU du fait que nous l’avons présenté comme un regroupement original, un regroupement particulier, qui a des textes, dont les membres ont les mêmes objectifs à savoir le socialisme. Nous étions convaincus que l’OBU pouvait être le pôle alternatif socialiste face au régime actuel qui se réclame certes social-démocrate dans les textes mais que je considère comme un régime ultra libéral dans le fonctionnement et dans la pratique. Je suis très déçu, mais cette déception ne peut pas enlever mon engagement à poursuivre la lutte pour l’alternance en 2005.

Face à une crise, il y a des avantages et des inconvénients. Dans toutes crises, il faut savoir tirer les éléments positifs. Alors cette crise a permis de comprendre que l’unité de l’opposition n’est pas encore mûre, que peut être, nous partons très vite et qu’on ne peut pas forcer la nature. Mais je vous affirme également que je continuerai à trouver un autre regroupement N+1 qualitativement supérieur à l’OBU si d’aventure l’OBU n’arrive pas à se relever de cette crise. Je suis déçu, mais mon engagement demeure dans la lutte pour l’alternance et je ne désespère pas.

Des leçons de la crise ?

(E.P.P) : Les leçons de la crise, il faut d’abord remarquer que objectivement les conditions ne sont pas encore réunies pour l’unité de l’opposition. Deuxième leçon, nous avons fait un pas qualitatif par rapport aux regroupements existants qui semblent être des regroupements conjoncturels, des alliances assez légères en passant au stade de l’union, mais on tire la leçon aussi que même avec des textes, statuts et règlement intérieur, avec une légalisation, cela ne suffit pas encore pour renforcer l’union, mais c’est un pas qualitatif.

Et c’est pourquoi, il faudrait voir les nouvelles étapes de l’union pour voir ce qu’il faut faire, ce sont là des leçons importantes que je tire de cette crise. Une autre leçon, c’est celle liée à l’alternance. Alors, lorsque les conditions ne sont pas réunies pour aller à l’unité pour la bataille, je tire la leçon qu’il faut donc que chaque parti, chaque homme politique prenne ses propres responsabilités, tisse ses propres relations, ses propres alliances pour engager cette lutte pour l’alternance et que le peuple burkinabè tranche réellement, ou situe les responsabilités de chaque homme politique de l’opposition quant à l’échec ou la victoire de l’alternance qui va venir.

Et c’est pour ça, j’ai pris mes responsabilités avec mes camarades du parti, à savoir le MPS/PF, et nous avons trouvé que le PSU (Parti socialiste unifié) qui est toujours sur la même longueur d’onde avec nous, peut cheminer avec nous sous la bannière de l’Alliance socialiste parce qu’il nous faut forcément ne pas se laisser bloquer par cette crise. Peut-être que, en appelant tous les socialistes autour de notre candidature nous pouvons réaliser ce que l’OBU n’arrive pas à réaliser aujourd’hui.

Peut-on s’attendre malgré tout à une candidature de l’OBU ?
(E.P.P) : Je dois dire que si vous avez suivi notre conférence de presse nous avons dit que, en attendant la résolution de crise au sein de l’OBU nous nous présentons sous la bannière de l’Alliance socialiste à savoir la candidature des deux partis membres de l’OBU. Ça veut dire que nous ouvrons la perspective de la possibilité que l’OBU arrive à s’entendre autour d’un candidat. Il se présente actuellement au sein de l’OBU deux candidats : le candidat du PAREN, le vice-président Laurent BADO, qui s’autoproclame candidat de l’OBU, parce qu’aucune structure régulière ne l’a élu. Il a claqué la porte et il a fait annuler la réunion du CDN. Il n’a pas d’autorité pour convoquer une réunion pour s’auto-proclamer.

Le président est là, la structure n’est pas dissoute, on ne m’a pas démis et je ne vois pas comment quelqu’un qui a claqué la porte peut revenir convoquer une réunion en dehors du président, et s’auto-proclamer candidat de l’OBU, c’est un forcing. Pour nous, il n’y a pas pour le moment de candidat de l’OBU. Par contre, il a le droit en tant que chef de parti de se présenter candidat. Pour moi, le premier vice-président de l’OBU est un candidat auto-proclamé, peut-être candidat du PAREN soutenu par d’autres partis.

Moi Emile PARE du MPS/PF et le PSU, nous sommes francs ; nous ne sommes pas le candidat de l’OBU puisque l’OBU n’est pas arrivé à se trouver un candidat. Il y a deux candidatures qui se sont prononcées au sein de l’OBU, si d’aventure une possibilité de médiation de Lobbying peut se faire de façon à ce que l’OBU arrive à dégager un candidat, la porte est toujours ouverte. Mais moi en tant que président de l’OBU, je suis garant de l’unité de l’OBU, je suis garant du respect des textes de l’OBU et la structure a d’autres objectifs que celui de la présidentielle donc c’est pourquoi je dis à ceux qui disent que l’OBU a éclaté que pour moi elle n’a pas éclaté.

Si nous n’arrivons pas à désigner un candidat de l’OBU, nous prenons acte et nous informerons le peuple et le peuple choisira librement entre les candidatures de l’OBU qui se sont prononcées. Je pense que chaque fois qu’il y a des divergences avec des camarades politiques, et ce n’est pas la première fois que je traverse une crise (Je suis un militant ancien depuis le mouvement étudiant, j’ai traversé des crises, nous sommes venus traverser encore des crises avec le PDP/PS, je suis en train d’être en crise avec l’OBU), il faut exprimer des prises de positions politiques. C’est ce que je me suis toujours évertué à faire.

Je ne verse jamais dans le dénigrement, ça ne m’intéresse pas parce que ce qui est intéressant, c’est ce qui nous unit, c’est l’option politique, c’est la ligne politique. Pour cette crise au sein de l’OBU, je pense que les protagonistes peuvent toujours réfléchir, le 13 novembre est encore loin et la raison peut amener l’OBU à dégager un candidat. Mais je commence ma campagne comme candidat de l’Alliance socialiste, et je tiens à l’affirmer.

Vous vous présentez sous la bannière de l’Alliance socialiste. Le face à face Blaise COMPAORE, Emile PARE comme vous le scandez, aura-t-il lieu au soir du 13 novembre 2005 ? Comment ?

(E.P.P) : Je ne vois pas à cette étape comment je peux revenir en arrière sur cette affirmation qui a été faite, non pas par moi mais par les deux partis à savoir le MPS/Parti Fédéral et le PSUqui portent ma candidature. En tant que candidat de ces deux formations, nous sommes convaincus que la bataille du 13 novembre va se présenter comme un face à face Emile PARE, Blaise COMPAORE. Cela veut dire que le 13 novembre ce qui nous intéresse nous, c’est la chaise de Blaise. Nous sommes en position pour aller arracher la chaise à Blaise COMPAORE.

Donc, dans cette bataille-là, tous les autres partis qui convoitent cette même chaise ne nous gênent pas. Même s’ils le faisaient, ils ne sont pas notre adversaire principal. Donc, cette affirmation veut dire que l’adversaire principal pour nous aujourd’hui, c’est Blaise COMPAORE. C’est lui que le candidat du MPS/PF et du PSU doit affronter.

Nous avons aussi la conviction, en ce qui concerne l’échec de la voie de la candidature unique de l’opposition face à Blaise COMPAORE et l’émiettement des candidatures face au candidat du CDP, que notre candidature semble la meilleure pour l’affronter. Nous avons la conviction aussi, que le peuple avec une bonne campagne, avec une bonne explication n’a que pour choix l’alternance socialiste. Parce que, en réalité, il ne s’agit pas de faire l’alternance pour l’alternance, nous avons toujours été clairs. Nous sommes contre le pouvoir de Blaise COMPAORE sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan culturel. Parce que nous critiquons la politique ultra libérale actuelle qui se mène sous les injonctions de la Banque mondiale et du FMI. On a privatisé toutes les sociétés, donc c’est le libéralisme à outrance.

Des secteurs sociaux stratégiques tels que les logements, la santé, l’éducation sont pratiquement privatisés. Tout le monde sait aujourd’hui le coût de la santé, tout le monde sait aujourd’hui le coût de la nourriture, des hydrocarbures, c’est la vérité des prix et dans un pays pauvre comme le nôtre nous opposons à cette politique ultra libérale, une politique socialiste. Nous disons que les secteurs sociaux stratégiques doivent être dirigés, contrôlés par l’Etat.

Tout en acceptant l’initiative privée dans certains secteurs tels que les transports, l’industrie nous serons contre le libéralisme tout azimut dans tous les secteurs. Nous avons un programme socialiste face à Blaise COMPAORE. Et en matière d’alternance, notre alternance doit être une alternance alternative. Ça ne nous intéresse pas de remplacer Blaise COMPAORE par Roch Marc Christian KABORE, ou par Salif DIALLO, ou par Simon COMPAORE. Ça ne nous intéresse pas non plus de remplacer le président COMPAORE par un autre libéral qui va poursuivre la même politique libérale.

Pour nous, l’objectif principal, c’est de remplacer Blaise COMPAORE par un président qui est à même de faire la contre-attaque par rapport à la politique libérale actuelle. C’est ça l’alternance alternative que nous voulons. Et nous avons analysé la classe politique dans son ensemble, la voie la meilleure, c’est l’alternance socialiste. En se présentant donc comme le candidat de l’Alliance socialiste, j’ai la conviction que tous les socialistes pourront apporter leurs voix à cette candidature. C’est pourquoi nous disons que le 13 novembre, le face à face va se faire entre Blaise COMPAORE, porteur d’un programme ultra libéral et Emile PARE porteur d’un programme socialiste alternatif.

Veille d’élection, naissance de tambouilles, comment comptez-vous convaincre l’électorat vu que vous ne faites pas mieux que les autres que vous critiquez ?

(E.P.P) : Ce qui est intéressant, c’est que les tambouilles arrivent à un moment un peu éloigné de la campagne. Certes, il va falloir se déployer, dépenser des énergies pour expliquer leurs raisons profondes. Vous savez, ces tambouilles ont deux dimensions. La première, c’est la dimension interne, c’est-à-dire les luttes de leadership au sein de l’opposition. Chacun voulant être chef, chacun veut être devant, chacun veut montrer que c’est lui le meilleur opposant. De ce point de vue, l’union de l’opposition reste impossible ce qui explique les tambouilles actuelles. La deuxième dimension, c’est que l’adversaire envoie des balles à l’intérieur de l’opposition.

Il y a des manœuvres de division de cette opposition, orchestrées par le pouvoir. Nous avons la conviction qu’aujourd’hui, beaucoup de soubresauts dans l’opposition sont le fait du pouvoir. Donc il s’agit pour nous d’expliquer les deux dimensions de ces tambouilles et montrer au peuple que, malgré tout cela, il doit faire un choix alternatif. C’est dire, exprimer un vote sanction contre le pouvoir en place. Dans un deuxième temps, contre les opposants qu’il estime incapables d’assumer son avenir, incapables d’assumer ses aspirations profondes, qu’il exprime contre ces opposants-là un vote sanction.

Le peuple a atteint avec les diverses élections un niveau qui lui permet de saisir les choses parce que les hommes politiques, nous sommes les mêmes depuis une quinzaine d’années. Ce sont les mêmes hommes qui sont aujourd’hui encore en face de ce peuple pour s’exprimer et chacun dit qu’il est le leader de ce peuple, qu’il est le représentant de ce peuple. Je crois que ce peuple apprend par l’expérience. C’est vrai que la majorité a un niveau d’alphabétisation assez bas mais le facteur apprendre par expérience est assez déterminant dans un peuple somme le peuple burkinabè et je crois que le peuple va voir chaque candidat à l’œuvre, il va voir son passé, son présent, et pouvoir dégager des choix conscients.
Je crois que de plus en plus, le choix du peuple burkinabè devient conscient et j’ai la conviction que le niveau de conscience atteint par notre peuple va lui permettre de faire un bon choix le 13 novembre.

Nombreux sont ceux des Burkinabè qui sont déçus par les comportements de l’opposition toutes tendances confondues. Ne pensez-vous pas que cela rendra plus rudes les chances de l’alternance en novembre 2005 ?

(E.P.P) : Il est évident que les chances de l’opposition vont être encore plus minces par rapport justement aux problèmes qui sont soulevés. Mais elles ne sont pas nulles. C’est vrai, ça sera difficile, mais ses chances ne sont pas nulles. Et c’est pourquoi dans ses démarches, l’OBU notamment à l’atelier des 2 et 3 avril 2005 au CGP, a proposé d’emblée à toute l’opposition la voie de la candidature unique face au candidat Blaise COMPAORE. On mène un combat de gladiateur. Il n’y a pas à chercher un second tour. Ou le candidat du CDP gagne, ou nous gagnons.

Ça nous l’avons proposé compte tenu de l’aspiration de notre peuple. Parce que notre peuple pense que, si l’opposition est unie, on peut battre Blaise COMPAORE. C’est la voie la plus facile, la plus idéale que nous avons proposée, malheureusement notre voie a été rejetée d’un revers de main sans même un débat profond. C’est à partir de ce moment que la voie de la candidature multiple a été ouverte et cette voie de la candidature multiple a des inconvénients.

C’est plus rude, c’est plus difficile, c’est une voie plus rocailleuse, plus épineuse, mais que voulez-vous, si les conditions subjectives au sein de l’opposition nous renvoient sur des voies rocailleuses nous allons y mener le combat et je demeure convaincu qu’effectivement les chances d’alternance sont plus difficiles mais elles ne sont pas nulles et nous avons même espoir que alternance peut être possible par cette voie.

Nombre d’observateurs de la scène politique nationale et même des hommes politiques de l’opposition estiment aujourd’hui que les conditions de l’alternance ne sont pas réunies. Etes-vous du même avis ?

(E.P.P) : Si les conditions de l’alternance n’étaient pas réunies, je n’allais pas prendre ça comme objectif de notre campagne en 2005. Si nous disons que les conditions de l’alternance ne sont pas réunies ça veut dire que nous participons aux élections plus pour propager nos idées, plus pour faire passer notre programme que pour prendre effectivement la chaise. Alors que nous avons affirmé que l’alternance est possible.

Mais comme vous venez de le dire, les observateurs sont déçus du comportement de la classe politique de l’opposition. C’est cette déception qui fait que rapidement ils sont arrivés à la conclusion qu’en fait l’alternance n’est pas possible. Mais je dis que le divorce est possible entre l’attitude de la classe politique de l’opposition et l’attitude du peuple. Et je vais vous dire, vous avez vu en France le référendum sur le traité constitutionnel européen, lorsque la classe politique française dans ses grandes fractions, la Droite et les Socialistes, a appelé à voter, lorsque les grandes personnalités, CHIRAC, JOSPIN etc. ont mis leurs positions dedans en appelant à voter Oui, le peuple français a voté contre.

C’est pourquoi je dis, aujourd’hui la classe politique de l’opposition semble décevoir, mais le peuple a acquis une conscience et le peuple a une volonté d’alternance telle que, il est capable d’un sursaut pour soutenir un leader au sein de cette opposition pour réaliser cette alternance. Donc, le découragement, la déception, les attitudes de la classe politique semblent dire que l’alternance n’est pas possible, mais moi je suis optimiste et je suis convaincu que l’alternance est possible.

Douze voire treize candidats de l’opposition contre Blaise COMPAORE. Ne pensez-vous pas que c’est l’installer au fauteuil avant même l’élection ?

(E.P.P) : Vous savez, les deux voies dont on vient de parler ont leurs avantages et leurs inconvénients. Mais si nous choisissons une voie, nous mettrons le maximum pour réussir dans cette voie-là. Evidemment, la voie de la candidature unique, pour moi, était la meilleure pour affronter Blaise COMPAORE.

Que ce soit un face à face, échec et mat. Voilà ! C’était la meilleure voie parce que nous avons analysé cela en fonction de plusieurs facteurs. Le premier facteur nous l’avons analysé avec les forces en présence. A côté du pouvoir de Blaise COMPAORE, il y a des forces, les moyens financiers, l’appareil d’Etat, il a une influence négative ou positive sur la société civile, nous voyons la fraude qui se développe chaque fois, donc il y a un certain nombre de faits qui démontrent des forces du régime actuel.

Face à lui, on a une opposition désorganisée, émiettée, qui ne couvre pas seule en tant que force politique. Sur les élections passées, nous avons fait le point sur l’ensemble du territoire, elle a des moyens financiers limités, pas de DG, pas de ministre, pas de grands opérateurs économiques ; mais nous comptons sur les moyens humains c’est-à-dire, notre peuple. Et si nous comptons sur les moyens humains de notre peuple, il était plus intéressant que l’ensemble de l’opposition conjugue ces moyens humains-là en partant sous la bannière d’une candidature unique, et les petits moyens financiers aussi seront conjugués et je pense que cela nous permettrait de mettre une bataille en place pour l’alternance.

C’était la voie que nous avons proposée. Maintenant que nous sommes dans la deuxième voie qui est celle de la candidature multiple, douze candidats face à Blaise COMPAORE. Même les trois candidats proposés au départ sont périmés. Et la thèse des trois candidats partait du fait qu’en cas de second tour les deux autres candidats reporteraient leurs voix sur celui qui est le mieux placé.
L’avantage de cette voie de 12 ou 13 candidats permettra à chaque Burkinabè d’exprimer son vote au candidat qui lui plait. Cette dispersion des voix peut et même doit empêcher Blaise COMPAORE de passer au premier tour. Ça m’étonnerait qu’à treize candidats, un ait 55 % au 1er tour. Parce que l’avantage de ces candidatures multiples, c’est que chaque Burkinabè va aller voter quelque part.

L’inconvénient de la voie de la candidature unique est que si ce candidat unique n’est pas le candidat du consensus, il y aura une partie du peuple qui peut dire qu’elle ne le vote pas et de cette manière, l’on peut perdre. L’avantage de la candidature multiple c’est que chaque individu au sein du peuple exprimant sa voix, ça peut permettre d’avoir l’alternance mais éventuellement dans un second tour. La chaise de Blaise COMPAORE n’est pas encore garantie quelles que soient les deux voies, sa chaise n’est pas garantie parce que nous avons au moins avec nous, le bilan catastrophique de sa gestion du pouvoir, nous avons avec nous l’expérience de ce peuple qui s’est construite, sa conscience qui est vraiment élevée à l’expérience des élections antérieures. On peut donc partir avec ces facteurs non négligeables pour toujours réaliser l’alternance et retirer la chaise à Blaise COMPAORE.

Quelles sont les chances du candidat Emile PARE ?

E.P.P. : Je dois dire que j’ai la conviction que l’alternance alternative dans notre pays est socialiste. Déjà, en optant pour cette alternance alternative socialiste, j’exprime d’abord ma ligne politique, j’exprime la ligne politique de mon parti, la ligne politique du PSU qui est un parti socialiste et la ligne politique d’un certain nombre de progressistes de gauche qui voient dans ce pays que l’avenir de ce peuple est à gauche.

Il y a des opposants qui ont dit que l’avenir est à droite, le régime actuel est de droite du moins dans les faits et je ne sais pas ce que ces opposants une fois au pouvoir peuvent faire de mieux que ce qui existe déjà. Qu’est-ce qu’ils peuvent faire, sinon dépoussiérer la politique du régime actuel, enlever la corruption, réorganiser l’administration, essayer de voir comment bien gérer les privatisations, mais le fond ? Est-ce qu’un libéral de droite qui va venir peut remettre en cause la libéralisation actuelle dans notre pays ? Est-ce qu’il peut remettre en cause l’orientation économique libérale actuelle du pouvoir ? Cette orientation, vous avez beau la dépoussiérer, ça ne peut pas résoudre la situation de notre peuple.

Parce que notre peuple est un peuple pauvre, un peuple socialiste, nous sommes socialistes. Allez dans les régions, les provinces, faites nos villages, vous comprendrez que nos populations fonctionnent, évoluent de façon socialiste. Donc le socialisme est la meilleure voie pour des pays pauvres comme le nôtre parce que notre peuple est de nature et d’essence socialiste. Nous exprimons comme ça la conviction du parti, la conviction des partis alliés, et la conviction de tous lesdémocratesde gauche, la conviction même de notre peuple. De ce point de vue et rien que ça je pense que nous avons une longueur d’avance sur les autres candidats.

C’est à nous de développer une stratégie de propagande et si nous développons correctement nos stratégies de propagande, du reste nous avons déjà les schémas que je ne développerai pas ici mais qui accordent une place importante aux alliances, je pense que les chances de l’alliance sont extrêmement élevées. Et c’est pourquoi nous pensons que nous allons prendre la chaise le 13 novembre.

Quel regard portez-vous sur la situation au Togo ?

E.P.P : Je dois dire que la situation actuelle au Togo est très décevante pour les hommes politiques africains.
Voilà encore une expérience qui montre de façon éclatante que la classe politique africaine est encore au stade d’infantilisme. De façon très claire, il apparaît qu’au Togo la démocratie ne s’est pas installée pour le choix du président aux élections du 24 avril 2005. La télévision a montré des éléments en train de prendre des urnes et courir avec. Rien que ce seul fait peut annuler les élections ; nous ne savons pas si nous sommes dans une loi de la jungle, mais il faut le reconnaître, les élections n’ont pas été démocratiques.

Certes les élections n’ont pas été démocratiques, mais je dis aussi qu’au sein de l’opposition, il y a toujours cette maladie infantile du leadership. Imaginez-vous qu’actuellement, l’opposition dite modérée est en train d’appuyer les résultats de cette élection anti-démocratique avec en première ligne, le même Edem KODJO qui en 1992 avec 6 députés a fait tout pour empêcher l’opposition qui avait la majorité parlementaire de prendre effectivement le pouvoir. Voilà 10 ans après, le même Edem KODJO qui encore veut aider le « petit » EYADEMA à renforcer son pouvoir alors qu’il faut l’obliger à respecter le jeu démocratique. Chose sur laquelle ont échoué la communauté internationale africaine, notamment la CEDEAO, les chefs d’Etat africains, l’Union africaine.

Je salue en tout cas la position historique et héroïque du président de la Commission de l’UA, M. Alpha Omar KONARE qui a eu dans cette crise une position de démocrate, une position de principe, une position juste. J’exprime ma déception à la CEDEAO, aux chefs d’Etat de la sous-région qui sont en train de supporter un acte visiblement antidémocratique. Il faut forcer aujourd’hui la classe politique africaine à jouer franc jeu dans le jeu démocratique.

La Baule, ça fait longtemps, mais 15 ans après, il nous faut arriver à prendre la vitesse normale de la démocratie telle que ça se présente en Europe. Même en Europe, on ne dit pas qu’il n’y a pas de magouille, mais des magouilles assez flagrantes, infantiles, telles que bourrer les urnes, prendre les urnes courir, je trouve quand même que cela dénigre la classe politique africaine et montre aux yeux de l’opinion publique exactement ce que le président CHIRAC a dit, en son temps, à savoir que l’Afrique n’était pas mûre pour la démocratie. Nous contestons cela, mais il y a des pratiques qui nous font honte et c’est à nous de montrer que nous sommes mûrs pour la démocratie.

Un appel ?

E.P.P. : Je voudrais d’abord saluer le journal L’Opinion. Ce n’est pas la première fois que vous cherchez en tout cas à participer à ce jeu démocratique, à ce jeu contradictoire au sein de la classe politique et je pense que c’est très objectif. L’appel que je veux lancer, c’est inviter vraiment la classe politique de l’opposition à travailler et à toujours se ressaisir pour trouver les voies et moyens pour qu’il y ait un minimum d’alliance qui favorisera l’alternance. Parce que l’alternance est possible et c’est pourquoi j’invite les uns et les autres à un minimum d’alliance ne serait-ce que pour amener ce scrutin à être transparent.

Qu’on ait les conditions idéales d’un scrutin transparent. C’est ce que je lance comme appel. Je lance également un appel au pouvoir pour une fois, je dis bien pour qu’une fois, ses hommes montrent qu’ils sont démocrates ; ils n’ont qu’à laisser les élections se dérouler de façon transparente et équitable, pour que, une fois aussi, notre peuple pense qu’il a choisi son représentant ses hommes.

Par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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