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SAMU Social Burkina : “La renaissance”, un centre pour l’enfance en difficulté

Publié le jeudi 30 juin 2005 à 08h01min

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Lorsqu’on lui pose la question sur ce qu’il voudrait devenir, Moustapha Sorgo, 16 ans, répond invariablement : « Je veux être quelqu’un ».

Après avoir déserté sa classe de CM2 à Tenkodogo, le jeune garçon s’est « réfugié » dans une rue de la capitale burkinabè. Il ne supportait plus le jeûne matinal continu, à lui imposé par sa tutrice, une tante à qui son père, résidant en Côte d’Ivoire, l’a confié.

L’estomac aux talons, il ne parvenait plus à suivre les cours. « Mon père lui envoyait régulièrement de l’argent pour moi, mais je n’en recevais rien. Le matin je me rendais à jeun à l’école, » indique un Moustapha dépité.

C’est de la rue que le SAMU social (Service d’aide mobile d’urgence social) a canalisé l’adolescent vers son centre « Renaissance », qui héberge les enfants et adolescents en difficulté, notamment les enfants de la rue. « Le SAMU social a contacté mon père qui a dit qu’il trouvera un autre tuteur pour que je retourne à l’école à Ouagadougou. Parce que moi, je veux être quelqu’un ».

Moustapha l’a peut-être échappé belle, lui qui a failli être englouti dans la masse des enfants de la rue. Son petit frère fréquente toujours une école coranique à Tenkodogo sous la tutelle d’un marabout. Une idée que Moustapha abhorre. « Je ne veux pas de l’école coranique, » se défend-il. « Je ne veux être ni un enfant de la rue ni un bandit. Je veux être quelqu’un. J’en suis sûr. »

Au SAMU social-Burkina, association créée en 2001, son cas est jugé relativement simple et peut être assimilé à ceux d’enfants ayant commis un petit délit. Par peur, ils fuguent et se sauvent dans ce « no man’s land » qu’est la rue. Ce genre de « conflit » se dissipe facilement. A contrario, lorsqu’il s’agit de familles éclatées, la question devient délicate, ainsi que le souligne Carole Samba, directrice du SAMU social-Burkina. « Il y a des exemples où ce sont des couples divorcés dont les enfants sont confiés à un parent ; ou encore c’est la nouvelle épouse du père qui prend en charge les enfants et il y a des problèmes, l’enfant ne se retrouvant pas affectivement dans cette relation ».

De l’exploitation économique aux violences sexuelles

Pour le SAMU social, « enfants errants, enfants talibés, enfants travailleurs, enfants mendiants sont autant de notions qui désignent des enfants qui passent l’essentiel de leur temps dans la rue. » Inégalités et paupérisation croissantes des populations citadines, désintégration de la cellule familiale et rupture de la chaîne de solidarité, ce sont là quelques-unes des causes du phénomène. Les enfants de la rue sont les victimes expiatoires directes d’un « mal développement », le symptôme d’une crise sociale devenue un obstacle à l’objectif même de développement durable.

Moustapha Sorgo : "Moi je veux être quelqu’un".

L’âge des enfants reçus à « Renaissance » est compris entre deux et seize ans. Certains sont issus de familles démunies qui les laissent au centre pour les récupérer, le soir. Les enfants y font leur toilette et profitent des bouillies enrichies ou des œufs. Il y a aussi les enfants de la rue ayant manifesté leur volonté de réinsertion ou qui ont un problème de santé. Ceux qui y vont pour des raisons médicales repartent toujours dans la rue.

« Le SAMU social ne doit s’occuper que d’enfants prêts à partir de la rue ou qui viennent d’arriver dans la rue, pour leur éviter de se transformer en véritables enfants de la rue.

Car là, leur réinsertion devient on ne peut plus laborieuse, » prévient Mme Samba.

Dans la rue, ces enfants sont exploités économiquement par les « leaders » de groupe, contre protection. A ces « grands », ils remettent l’argent de la manche. De même, ils subissent les violences sexuelles des jeunes adultes.

Il y a quelques jours, le Samu social a reçu un enfant qui souffrait de troubles psychiques après avoir poignardé une personne. Dans pareil cas, le Samu social fait appel à un spécialiste de la question. Mais en général, l’équipe médicale que dirige François Ouédraogo rencontre trois types de pathologie chez les enfants de la rue : les petits bobos et les plaies nécessitant quelques comprimés ou des pansements, les états critiques (paludisme) pour lesquels ils sont référés à l’hôpital, tandis que les enfants déshydratés sont pris en charge sur place.

Aller vers les personnes vulnérables

Le matin de notre visite au centre, Moustapha s’est fait engueuler pour être sorti nuitamment sans permission. « Je suis allé regarder la télé à côté », s’explique-t-il. Il dit ne pas comprendre pourquoi le centre ne dispose pas d’un poste téléviseur. Mais de l’avis de Carole Samba, une télé sera utile uniquement comme outil éducatif.

« Si on leur donne trop de choses qu’ils n’auront pas chez eux, il sera difficile de les y maintenir, » réplique-t-elle, insistant sur le caractère transitoire du séjour des enfants. L’éducation à la santé et en particulier, la prévention des IST-VIH/Sida et de la toxicomanie constitue un thème majeur du Samu social.

Les enfants de la rue font partie des groupes les plus vulnérables au VIH/Sida en raison de leur forte exposition aux risques sexuels et de leur exclusion des programmes traditionnels de prévention. Selon la philosophie du SAMU social, il ne sert à rien de forcer un enfant à réintégrer la cellule familiale. « Ces enfants ont besoin qu’on les accompagne pour une réinsertion, d’être acceptés comme ils sont pour pouvoir reprendre confiance en eux et reprendre confiance dans le monde des adultes qui n’a pas toujours été bien avec eux, » dit Carole Samba.

Donc, à l’instar du SAMU (Service d’assistance médicale d’urgence), qui secourt les blessés physiques, le SAMU social aide et assiste les blessés de la vie, l’enfance en détresse en l’occurrence, exclue, réduite au stade de la survie dans les grandes agglomérations et quotidiennement, exposée aux dangers de la rue. Stigmatisés, privés de droits et d’avenir, ils ne sont même plus capables d’interpeller une structure pour requérir une assistance.

Les ateliers de dessin, les causeries à thème, les jeux ont justement pour but, d’amener l’enfant à mieux appréhender les événements du passé, à surmonter les difficultés du présent pour oser penser demain. De mai à décembre 2004, les Equipes mobiles d’aide (EMA) ont ainsi pris en charge 1542 enfants en 371 sorties diurnes et nocturnes. De même, 943 enfants ont été reçus en accueil de jour. Grâce à un encadrement psychosocial qui a fait ses preuves, 26 enfants de la rue ont rejoint le bercail. Le SAMU social, qui manque cruellement de moyens pour assurer un suivi post-retour en famille, pense que 20 d’entre eux sont restés en famille.

Plus alerte que les trafiquants d’enfants

Aux environs de 10 heures, « Renaissance » grouille de « bambinos » joyeux. Sous un arbre, un groupe d’enfants apprennent à dessiner, encadrés par Raymond Ilboudo, artiste-peintre. « C’est très important pour eux », dit Ilboudo. « Comme ils ont une vie difficile, cette activité les distrait et ils se surprennent à réaliser des choses dont ils ne se croyaient point capables. »

Les enfants bénéficient également d’activités de socialisation (lessive, jardinage), de causeries à thème et les tout-petits, d’animations d’éveil. « Sur ce volet, nous réussissons parce que des associations nous épaulent en danse rythmique, en dessin, etc. », explique Bernadette Kiébré, responsable de ces activités.

Pendant ce temps, dans la cuisine, Fatoumata Kanko et d’autres filles s’affairent en compagnie des animatrices. Fatoumata (16 ans), originaire de Boromo a décidé sur un coup de tête de venir à Ouagadougou à la recherche de son oncle. Ne parlant ni le mooré, ni le français, la jeune fille s’est égarée. « Je n’en ai parlé à personne, même pas à ma mère », confesse-t-elle. Inutile d’ajouter que son oncle non plus n’a été informé. Heureusement pour elle, le Samu social a été plus rapide à la trouver que ces prédateurs que sont les trafiquants d’enfants.

Les activités du SAMU social-Burkina sont financées par le SAMU social international, ONG créée par Xavier Emmanuelli en 1998. Pour l’année 2005, l’association est soutenue par la Coopération française, la Fondation Schneider et la pétrolière Total.

Mais l’objectif du SAMU social est d’être autonome, car, en dépit de ces aides, les dificultés financières subsistent. En recentrant sa mission autour des enfants de la rue en 2004, le SAMU social a mis fin aux soins gratuits dispensés par les cliniques mobiles à la périphérie de Ouagadougou. Exit également les activités en province. Suite à un accord passé avec Médecins sans frontières et la Croix-Rouge, qui interviennent aussi dans ce milieu, le SAMU social, seule structure disposant d’un véhicule 4 roues, travaille dans la périphérie de Ouagadougou depuis juillet 2004, laissant le centre-ville aux deux autres partenaires.

Abdoulaye GANDEMA


Les « Bacoraman » font la loi

« Bacoraman » est le surnom des enfants et adolescents ayant longtemps séjourné dans la rue et se droguant par inhalation de diluants. Souvent, les enfants se rendent au centre ville, la journée, pour mendier ou exercer de petits boulots (ou commettre des larcins) mais rentrent à leur site dans la périphérie, la nuit.

Certains d’entre eux peuvent, ensuite, émigrer définitivement au centre ville, mais il semble que le contraire soit moins fréquent.

Les enfants du centre ville ne sont quasiment jamais aperçus dans la périphérie. Il semble qu’un enfant, une fois passé dans un groupe du centre ville, devienne plus « dur » et plus difficilement secourable.


Une petite fenêtre sur le SAMU

Créé en 2001 par Janet Portiche, épouse de l’ex-ambassadeur de la France au Burkina, Maurice Portiche, le SAMU social a connu en 2003, une grave crise consécutive au départ de sa directrice. Conséquences : activités suspendues, caisses vides. Fin 2003 : définition de nouvelles orientations, relance des activités et formalisation des relations avec l’Etat burkinabè. Ce dernier point concerne l’établissement de contrats de travail pour les employés du SAMU social et la signature d’une convention de partenariat avec la direction régionale de l’Action sociale concernant le centre « Renaissance », siège de l’association.

Sidwaya

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