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Guinée Bissau : Kumba Yala, l’antidémocrate

Publié le mardi 28 juin 2005 à 07h27min

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Entre le premier tour de l’élection présidentielle le 19 juin et la
proclamation des résultats dudit tour, la Guinée-Bissau a
montré deux visages diamétralement opposés de la conception
de la démocratie. En effet, au lendemain du premier tour,
beaucoup de gens ont décerné des lauriers à cette ancienne
colonie portugaise pour avoir réussi à organiser sans bavures
notables, l’élection présidentielle.

Le fait est suffisamment rare
en Afrique où les lendemains d’élections sont chargés
d’incertitudes, et ceux qui ont relevé cette exception se sont mis
à rêver d’une rupture avec ce que l’on a vu jusque-là en matière
d’organisation d’élections. Ils en étaient convaincus, surtout que
l’exception bissau-guinéenne venait après celle de Centrafrique
où le challenger de François Bozizé au second tour, Martin
Ziguélé, a joué au bon perdant. Mais, à peine la couronne de
lauriers a-t-elle été déposée sur la tête de la Guinée-Bissau
qu’elle dégringola, au regard de ce qui s’y passe depuis le
week-end dernier.

Aussitôt les résultats proclamés, le candidat
Kumba Yala, arrivé en 3e position, donc éliminé du second tour,
se met à contester le verdict des urnes. Il l’aurait fait en usant
des voies légales notamment en recourant au juge électoral que
l’on ne trouverait à redire à partir du moment où c’est son droit le
plus absolu. L’homme au bonnet rouge, qui a déjà présidé aux
destinées de la Guinée-Bissau, de janvier 2000 à septembre
2003, a préféré la manière forte en envoyant ses partisans dans
la rue.

Et comme il fallait s’y attendre, il y a eu une confrontation avec
les forces de l’ordre qui ont laissé sur le carreau au moins trois
des militants de son parti, le PRS, et envoyé d’autres à l’hôpital.

Du coup, le titre de bon élève de la démocratie, décerné au pays,
est remis en cause par le seul Kumba Yala qui fait preuve
d’ingratitude et de pyromanie sur toute la ligne.
L’on se rappelle que sa reddition a été obtenue en septembre
2003 contre son renoncement à prendre part dans les plus
brefs délais à une élection présidentielle. L’on se rappelle
également que contre toute attente, l’ancien président
philosophe a renié son engagement et s’est jeté dans la course
présidentielle.

Il a été finalement accepté au nom de la paix
sociale que l’on veut préserver à tout prix dans ce petit pays
habitué aux tourments. Résultat des courses : le cheval (un
outsider) menace cette même paix fragile malgré les mises en
garde de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO).

Finalement, c’est regrettable d’avoir laissé
Kumba Yala se présenter car il est aujourd’hui le grain de sable
qui menace d’enrayer le processus démocratique. Il ne donne
pas une bonne image de l’Afrique et de ses politiciens toujours
peints comme des assoiffés de pouvoir, prêts à marcher sur
des cadavres pour y accéder. Kumba Yala aurait été un
démocrate qu’il aurait par exemple demandé un nouveau
décompte des bulletins de vote pour se faire à jamais une idée
des résultats. Il aurait été un responsable qui aime son peuple,
qui a le sens de l’intérêt général, qu’il ne mettrait pas en péril la
cohésion sociale, qu’il n’enverrait pas à l’abattoir ses militants.

En somme, il n’est ni un démocrate ni un amoureux de son
peuple. Les qualificatifs d’antidémocrate, d’assoiffé de pouvoir
lui iront comme un gant. Il pourrait aussi être dépeint sous les
traits d’un Peulh lépreux qui ne peut pas traire les vaches, mais
sait par contre renverser les calebasses de lait. En tout cas, on
ne saurait mieux le caricaturer au regard de son comportement
du genre "Moi ou rien".

En réalité, et c’est ce qu’il ne veut pas
admettre, la Guinée-Bissau ne s’est pourtant pas mieux portée
sous sa présidence qui a débouché sur une impasse où il a
fallu finalement le décagnoter pour sortir le pays du blocage.
Croit-il que le peuple a oublié sa parenthèse pour, à nouveau, le
remettre en selle avec peut-être une répétition de la même
situation ?
Il est bien vrai que des anciens présidents sont revenus au
pouvoir, plébiscités par le même peuple qui les vouait hier aux
gémonies.

Mais les situations ne sont jamais pareilles parce
que la volonté de changement a souvent amené les peuples à
porter des gens au pouvoir pour ensuite, face au
désenchantement, les remplacer par d’autres, en l’occurrence
les évincés d’hier, en qui l’on découvre subitement des qualités
d’hommes de la situation.

Toutefois, il n’est pas donné à
n’importe qui d’être un homme de situation. Kumba Yala l’aurait
été qu’il serait élu dès le premier tour. Il doit tirer leçon de ce
désaveu et se retirer momentanément sinon définitivement de la
scène politique. C’est ce qu’il aurait dû d’ailleurs faire dès sa
mise à l’écart, plutôt que de continuer à "gâter" son nom comme
on le dit couramment.

Le Pays

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